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Journal - Page 6

  • "Retour à l'image", poème de Daniel Martinez

    Hors ce dont tu te verras privé 
    à même le sillon des filantes subsiste 
    arquée contre le roc
               une terrasse au loin
               avec ses garde-corps
    à contre-courant du paysage
    la langue s’est posée 
    sur les lignes d’un livre
    d’une chevelure défaite
    bosquet de saules que caresse 
    la fragile architecture 
    de ta nuque

    et dans la pièce voici
    les fruits dans le compotier 
    les mots du monde cueillis 
    par des mains silencieuses
    plus tendres que réels 
    voici perçue l’intime source 
    qui nous tient lieu d’histoire 
              celle de simples brins d’herbe 
              rejoignant l’humus
    l’essence même 
    d’un regard dénué 
    matière à nostalgie 

    Par tout ce qui émane 
    d’un monde contrefait 
    revisité             taché de sauge 
    cela qui fut sera 
    d’hier à aujourd’hui dispersé
    comme moisson d’incertitudes 
    musique d’air à fleur de peau 
    nervures cousues de sève 
    nourricière 


    Daniel Martinez

    (21/8/24)

  • "L'ombre de la montagne", poème de Daniel Martinez

    Maintenant que l'ombre de la montagne
    avait éclipsé mon campement
    et que le mince filet d'eau à deux pas
    s'était délivré de ses petites médailles d'or
    tout donnait l'impression d'un calme absolu
    à la pente avec au bas de la vallée
    les toits de lauze que la pluie
    avait lavés quelques heures avant


    Une tiédeur semblait avoir infiltré
    l'épaisseur des choses
    il était temps de s'éloigner à présent
    que les conifères fumaient de concert
    avec l'odeur de la terre mouillée
    les premiers névés où le pied enfonçait
    jusqu'à la dernière page des géographies d'enfance
    mes tempes en restaient douloureuses
              la bordure du volet avait perdu son orangé
    mais cette souffrance légère diffuse
    n'avait rien d'un adieu à un autre monde


    Elle en avait gardé les traits jusqu'à la transparence
    d'une foule d'atomes jamais pressés de conclure
    c'est un peu de ta voix qui continue de muer
    un peu de ces ramures émerveillées
    qui paressaient l'œil béant
    et l'illisible chimère
    d'un chemin de crête
    à emprunter
    ouvert à la hiérarchie des dieux

    qu'Hésiode dans sa Théogonie
    voulait fidèle à l'écho des sphères
    à la vacance d'un âge
    sans horloge aucune

     

    Daniel Martinez

    (20/8/24)

  • "L'étoile sœur", poème de Daniel Martinez

    Souviens-toi semble dire la source
    qui crépite au sortir de la pierre
    pendant que tremble la mémoire
    oui c'est par ici tout près
    que soleils et pluies font leurs gammes
    tour à tour, c'est ici que le feuillage
    découvre l'ordonnance des choses
    où que tu fus le doigt pointé sur rien
    sur les pays de la chaleur
    parus à l'horizon tout est bien
    (terme de nos échanges)
    d'un seul tenant s'enfoncerait
    doucement dans les lentilles d'eau
    sous un angle du toit 
    tout est bu nous fait signe
    un monde qui naît et qui meurt
    les herbes de juillet se sont inclinées
    comme le jour au fin fond de la terre
    une vieille roue dans un pré retrouvée
    lit l'avenir paroles et plumes
    lampes cris blessures inavouables


    souviens-toi de la rosée d'un texte
    celui du poème sous un bloc sale et compact extirpé
    s'enroulant à l'ourlet de ta voix
    dans l'air monumental ces perles jetées
    derrière la porte lourde
    que nul n'osait pousser
    c'était l'étirement des bras du chêne
    l'ampoule nue au bout d'un fil
    elle qui fume quand vrille l'écho
    au cœur d'un filet d'étincelles
    tu es là cherchant l'étoile sœur
    entre mille et cents miroirs énigmatiques

     

    Daniel Martinez

     (19/8/24)

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