Journal - Page 5
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Le réel se dédouble disperse ses brindilles
Elles retracent ainsi la part de vie d'un homme
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"Voyage", un poème de Daniel Martinez
D'une feuille ramassée en forêt
belle entre toutes
un insecte avait écrit sa longue phrase
et le froid m'envahit alors face
au miroir ainsi révélé
selon le peu d'ici
des herbes vertes tout autour
gravaient le sein pauvre de celle
qui m'avait donné la vie
sous l'abri du ciel j'ai respiré son haleine
il y avait des cheveux collés aux ombres
ici ou là courant entre les pierres
un oiseau vint à traverser le bosquet
quel est-il évanoui au bord de l'être
à même les ramures agitées
et les ronces fugaces
Tout frémit à présent
échardes broussailles
en la clairière traversée
là-bas les bogues d'un châtaignier
t'ont blessé les mains et
à chaque fois l'air
dont le nom est visible
aura redéfini la forme du monde
entraîné soit-il
par les murmures alentour
au fil du chemin qui se perd
sous les eaux du dessusDaniel Martinez
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"La Tristesse du roi", un poème de Daniel Martinez, d'après une toile de Matisse
à Richard R.-W.
Si bien qu'en vêture noire
ce qui persiste au centre de la toile solennise
forme un chœur autour de la plaie
et le peintre dont le visage a disparu
dans les eaux basses de la nuit
collecte les sonorités qui lui parviennent
près desquelles il est Lui
depuis le puits de son oreille
celui qui continue d'animer la scène
ses mains percluses d'arthrose voudraient
bien saisir la guitare qui lui jure
éternelle allégeance
il n'y a plus dans l'atelier
ni huile de lin ni siccatif
mais pressentiments d'immortalité
Seules les gouaches découpées
réinventent à leur manière le flux fœtal
la forme des formes au moment même
où elle s'éprennent de réalité
sans qu'ici représenté l'artiste
puisse vraiment voir cette part d'invisible
qui entoure la création
encapuchonné qu'il est une voûte
où sèche le bois à feu
que d'autres mers et d'autres cieux
graveront en leurs lieux
frôlant le ventre de la danseuse qui s'éploieBelle dont la poitrine semble celle
soulignant doucement courbes et contre-courbes
dans l'ordre débridé des surfaces
la transparence de sa carnation
dévore l'espace clair
Elle s'élève face à lui l'univers aux aléas contenus
lui fait signe l'enveloppe uniment
feuilles et plantes poussent de ses mains
virevoltant de-ci de-là
à l'échelle où notre regard
ne se sent dominé de nulle part
reine en son genre
qui fait de l'atelier une serre
lianes estampillées de mille attentes
semblables à celles lancées
pour retrouver les pas d'un père
sur les lieux mêmes qu'il aurait parcourus
Vous êtes pris vous en êtes
de ces auditeurs qui sentent
aux sons du tambourin
les rythmes premiers du monde
ceux du Musicien suprême
tout ce désordre apparent
rassemblé du dehors au dedans
glissant de leur atmosphère propre
à celui du tableau en sa présence bleutée
en son apesanteur sans jamais
l'épuisement de sa transposition
ses mains à lui au musicien
illuminent ce qui reste de noirceur
embellissent les indices
d'une prise de possession du monde
par la musique des sphères
toute une gamme de gestes simples
condensent les veloutés sonores
Des forces croissent indivises
une volonté inconnue change d'expression
librement hardiment
éclate la Délivrance
Daniel Martinez