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Les problèmes posés par le narrateur sont primordiaux dans son œuvre. Un autre récit à la première personne, qui marque une crête de son œuvre, Second Skin, 1964 (Cassandra), constitue aussi un sommet de l'ironie narrative : Skipper, « héros » narcissique et pathétique d'un roman où le revers diurne de l'imagerie de Hawkes commence de se manifester, manipule ses réminiscences et le compte rendu de sa vie présente, interdisant ainsi que le lecteur lui fasse confiance. L'oscillation entre un îlot noir et maléfique et une île tropicale à la luxuriance édénique rythme les temps d'un récit à la chronologie indécise, les fragments d'une vie, l'ambiguë fascination du narrateur pour une existence où il refuse de se commettre, pour les pulsions érotiques et morbides de l'être et les ambivalences des inscriptions qui les traduisent. Les palpitations souterraines de mythologies empruntées font de ce roman l'un des plus riches de Hawkes, dans lequel s'enchevêtrent de façon inégalée les efflorescences oniriques et les réseaux iconographiques où l'auteur loge ses analyses psychologiques aiguës. C'est en partie à la distanciation ironique illustrée par Second Skin que Hawkes attribue son ambition d'être considéré comme un « auteur comique », en dépit des effets sombres de surface où le lecteur retrouve la trace d'obsessions primitives somptueusement orchestrées."
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Patrick Laupin : "Le jour L'aurore", éditions Comp'Act, vignette de couverture d'Henri Jaboulay, janvier 1987, 80 pages
Patrick Laupin est né en 1950 à Carcassonne. Il a publié une trentaine d’ouvrages de poésie, prose, récits, essais, qui sont des tentatives de restitution des lieux de la mémoire et de leurs effets vécus en corps. Il a créé à Lyon en septembre 2009 les journées d’écriture qui explorent l’étrange et merveilleuse présence du langage en chacun et les liens entre biographie, histoire et inconscient. Il anime des ateliers d’écriture fondés sur la rencontre et la découverte du Livre intérieur que chaque humain porte en lui. Il travaille avec des enfants dits autistes, en échec, perdus dans le langage ou refusant l’expression, mais dont la faim d’une inscription dans la lignée humaine scintille parmi la logique du vivant. Parallèlement, il a publié des livres, en apparence très différents, sur Mallarmé, sur les mineurs de fond des Cévennes, mais dont l’esprit commun tient au fait que quiconque écoute tient en vie son prochain.
La Société des Gens de Lettres lui a décerné son Grand prix en 2014 pour l’ensemble de son œuvre poétique. Il fut lauréat du prix Kowalski 2016 pour son livre Le Dernier Avenir (La Rumeur libre éditions). Au printemps 2018 le prix Robert Ganzo lui a été décerné pour l’ensemble de son œuvre. En 2021 il a reçu le prix Max Jacob pour son ouvrage Mon livre, paru aux éditions du Réalgar.
Le livre aujourd'hui présenté, "Le jour L'aurore" est divisé en trois chapitres, des extraits du premier de ceux-ci, au titre éponyme, suivent : -
"Par qui", un poème de Daniel Martinez
Tu le revois sous la cassure de l'orage
une évanescente main de cartes
passée entre les doigts l'écho d'un rire
comme si ce n'était pas toi l'adolescent
nos visages se touchent mais aucune parole
ne vient enluminer les herbes de juillet
Villes d'or assoupies cités imaginaires
qui furent accordées
aux yeux ronds des oiseaux
est-il même certain que d'éclats en éclats
entrevus dans ces moments où
la contemplation absorbe
la pâleur qui s'élève
une promesse peut-être
lancée à la va-vite
noyée dans l'ocre du mur
soit réelle puisse infléchir le chemin
pour le sublimer plus que l'identifier
Lui s'élançait dans le paysage flou
désireux de repousser l'échéance
le demi-jour cendré
il avait fini par regagner
le pays de ses lectures
quand des perles filaient
sur le bois des fenêtres
derrière feuilles ronciers
lianes rideaux de lierre
roulaient sur des photographies
à bordures dentelées
avec cette couleur étrange
que prennent les iris
remis à l'espace dissocié du tempsTu le revois au pied des trois jarres
laissant mûrir les minuties et le grandiose
sans renier l'assise le syllabes de l'eau
l'haleine même des mousses sur la pierre
comme au fond du texte voyage l'inscription
qui serpente et se perd
fait germer l'infime phrase
que d'invisibles fils arrachent à la mémoire
entre le ferme le mouvant
alors eux deux s'arrêteront là
sans plus ni moins
que l'esprit d'aventure
propre à ceux qui ont voulu
se reconstruire avant de ne plus se dire
Daniel Martinez
le 20 / 7 / 25