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"J'ai besoin de l'interdit" écrivait Jean-Claude Pirotte dans un recueil qu'il m'a dédicacé : "Autres séjours", lui qui me disait avoir mangé du hérisson avec les Manouches du temps où la faim le tenaillait. La vie est ainsi faite, de bas et de hauts, acceptables, inacceptables selon. Il n'a jamais flanché cependant : "viennent les choses en venant" fut son leitmotiv, je n'oublierai pas qu'il a confié à Diérèse certains de ses écrits non publiés en livre.
Plus loin dans ma lecture, en page 167 :
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"Deux Sœurs", ("The Sisters") d'Archibald Joseph Cronin, traduit de l'anglais par Jane Fillon, éditions Albin Michel, 313 pages, 1975
Considéré comme un roman mineur de Cronin, Deux sœurs n'en mérite pas moins le détour, servi qu'il est par l'excellente traduction de Jane Fillon. Car les multiples rebondissements de l'intrigue démontrent s'il en était besoin que rien n'est joué d'avance, que tout peut basculer, par la volonté de l'auteur et son refus de simplifier les tenants et aboutissants, dans une vision non manichéenne des rapports humains. Cette vision éthique du romancier a mes faveurs, celle d'un auteur découvert dès l'adolescence avec Les Clés du royaume. Voici ce que ce livre, Deux sœurs, met en scène, dans le milieu médical, sans oublier que A. J. Cronin fut d'abord médecin des pauvres en milieu industriel :
"Ce n'est pas Anne Lee qui aurait laissé un malade en danger de mort pour aller se préparer une tasse de thé : elle a une conception bien trop haute de son devoir d'infirmière. Sa sœur, Lucy, n'a pas autant de conscience professionnelle et l'enfant qu’elle aurait dû surveiller meurt. Afin que Lucy, encore stagiaire, ne se voit pas interdire la profession, Anne prend la faute sur elle. Renvoyée de l'hôpital de Shereham, elle est engagée à celui de Hepperton, dans la banlieue de Manchester. Sa valeur y est vite appréciée. Son intervention lors de l'opération du très influent Matt Bowley en est une des multiples preuves. Pourtant, elle sera encore congédiée.
Le chirurgien Prescott l'a recommandée à un hôpital de Londres, mais elle a dû renoncer a son rêve de faire carrière avec sa sœur : Lucy, qui ne pense qu'à gagner de l'argent, est entrée dans une clinique de mauvaise réputation. Se consacrer à l'amélioration du sort des infirmières, voilà désormais le seul but d’Anne - une vie solitaire vouée son métier, sa seule ambition - mais de nouveau l'égoïste et légère Lucy est la pierre qui déviera le cours de son existence, cette fois vers un avenir moins austère et plus heureux."Pour les lecteurs du blog, cet extrait :
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"Détours", un poème de Daniel Martinez
A l'instant que le soleil visite
le chant liquide de la flamme
sur les roses trémières fleurs de chair
où la vie attend de paraître
à nu de mots prise dans les creux
de la métamorphose
où s'écrit en silence
la teneur de chaque tremblement
Perds ton habit d'homme
ce visage qui s'éloigne
n'est plus le tien
ni celui d'août enfiévrant les pierres
à seule fin de mieux voir paraître
la cendre blanche des vieux bois
du langage et des éléments mêlés
car tout est égal conquis d'un rien
par l'air allègre et vif qui traverse
le simple dessin des chimères
dans la déchirure du grillage
car toute pensée malgré elle
fait entrer en pauvreté
et s'émeut dans l'entrée
des choses familières
derrière lesquelles se condense
une matière moins nocturne
sous la peau des mains
sous les rides bleues des veines
les moires des orges remuant
toute une page de l'histoire
réanimée par le flux et reflux
de ceci dont l'oreille
se souvient encore
le recouvrement du calme
la royauté des vitrages restés captifs
de ce qui fut ôté au mystère
faute de lui avoir prêté tes yeuxDaniel Martinez