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Journal

  • Une page de mon Journal : le 11 août 2025

    L'accueil mitigé reçu auprès de certains auteurs après mon hommage au poète surréaliste Daniel Abel in Diérèse opus 93 ne laisse pas de m'impressionner, par une méconnaissance de ce mouvement même dont les membres n'étaient pas tous affiliés à André Breton, loin s'en faut... C'est Alain Jouffroy avec qui j'ai correspondu dans le temps qui m'écrivait que Malcolm de Chazal, n'ayant rien d'un provocateur, à titre d'exemple, mériterait un hommage appuyé. Ainsi va.

         Il en va de même du lyrisme, tant décrié en référence à la célèbre formule de Blaise Pascal, mal comprise par le commun des mortels (dans l'Hexagone en particulier). Car, enfin, réduire ce mouvement à de sempiternelles jérémiades autour de sa personne est oublier que l'écriture poétique est indissociable de la marche et des rythmes que fait naître son scripteur. Faire disparaître le moi est bien éclipser artificiellement l'individu en tant que pièce essentielle du puzzle social.

         Relecture du manuscrit de La Recherche de Proust, précisément le quatrième paragraphe du feuillet d'épreuves qui regroupe les quatre thèmes essentiels développés autour des jeunes filles de Balbec, soit : le passage du temps, sous l'effet duquel les visages accomplissent une "révolution insensible", et le caractère éphémère de la jeunesse des jeunes filles en fleurs (j'y mets le "s" qui ne s'impose pourtant pas).
         En voici, pour les lecteurs du blog, la première version, avec les mentions manuscrites correctives en italiques. Comprendre ainsi le travail de l'auteur, qui n'obéissait qu'à son bon vouloir :
         "Quelquefois, bien que ces jeunes filles fussent très peu avec leurs familles, j'apercevais Rosemonde ou celle aux yeux clairs avec leur mère. Si je n'avais eu profondément en moi le sentiment que les visages humains quand ils nous paraissent immobiles accomplissent une révolution aussi insensible mais aussi certaine que celle des planètes, si je n'avais pas suivi la ligne du nez de telle jeune fille avec délices mais comme j'aurais fait de ces vaguelettes d'une eau matinale qui ride le flot d'un trait moyen et mobile quoique dessinable, [pour remplacer ce segment de phrase de manière synthétique, Proust a écrit en marge puis biffé "se déplacent d'une façon aussi insensible mais aussi certaine que les planètes, ou un mer calme, pendant la marée"] il m'eût suffi de regarder les mères ou les tantes à côté des filles ou des nièces, pour voir la totalité des distances que sous la fascination interne d'un type généralement affreux, ces traits auraient dans la durée de trente ou quarante années accomplies, jusqu'à l'heure du déclin des regards, jusqu'à celle où le visage tout entier passé au-dessus de l'horizon ne reçoit plus aucune lumière."

         Retour en terres connues, cet été 2025, en empruntant le boulevard des lauriers-roses, puis le chemin des acacias pour terminer par le chemin Hermitte qui nous conduisaient à la grande bleue. Il y avait bien dans le temps une douche commune en retrait sur un terre-plein cimenté qui a disparu (pour économiser l'eau, me dit-on). Le sable nous reste donc plus ou moins collé au corps jusqu'à l'hôtel où l'on pourra enfin s'en débarrasser. Nous avions loué une chambre triple, mais le léger surcroît de sable importé nous a valu une absence de ménage pendant notre séjour, sans oublier les serviettes, qui n'étaient pas changées, trop iodées sans doute. Un questionnaire de satisfaction m'a été envoyé à l'issue, suite à quoi j'ai bloqué l'expéditeur, sans autre forme de procès.

         Défiance certaine vis-à-vis de ces organismes ou de ces applications créés pour disqualifier si besoin au passage le travail des employés concernés ; en prime, ladite "satisfaction de la clientèle", qui justifierait les moyens. L'ère du numérique, dans toute sa splendeur. Lorsque je peste contre, on me traite de passéiste (alors que tout le corps social a été embarqué dans ce prétendu progrès, qui occasionne des ravages humains, eux non encore quantifiés).

         Gaëlle qui vient d'avoir onze ans, profite en soirée de la chambre pour écrire (elle me voit souvent en train de le faire, et, par effet d'entraînement...), elle compose donc sur son calepin un petit livre qui a pour titre : "Le Voyage en Jamaïque", il compte 5 chapitres au total, dont je vous livre les deux premières sections, sans en rien changer :

    "Chapitre 1 : le voyage

    Aujourd'hui, Lucie et Alexis ont décidé d'aller quelque part en, vu le niveau géé vacances ! Lucie ne savait pas où ils pourraient aller. Et Alexis a dit : "Et si on allait en Jamaïque ?" 

    Ensuite, ils sont partis à l'aéroport et ont pris l'avion. Puis, ils avaient envie de manger donc ils ont acheté de la nourriture dans l'avion : deux gamelles avec des croquettes.

    Chapitre 2 : L'hôtel

    Ils sont arrivés, mais c'est le soir et ils se sont dépêchés pour aller au supermarché acheter à manger, ils ont acheté une pizza et des boissons. Après, ils ont acheté un hôtel et ont pris une chambre pour deux et sont allés dans la chambre puis ils ont rangé leurs affaires. Ensuite, ils sont allés manger et sont allés dormir."

         Elle suscite mon admiration, Gaëlle qui redoute d'entrer au collège à la prochaine rentrée scolaire, je la rassure, sous-entendant que le niveau général actuel n'est pas tout à fait le sien... et conclut pour le plaisir des sonorités par cette phrase qui me revient d'on ne sait trop où, lui en donnant la traduction : Cara mia selva d'oro richissimi capelli in voi quel laberinto amor intesse ond'uscir non saprà l'anima mia, soit : "Ma chère forêt aux cheveux d'or (c'est à Gaëlle que je pense, pour qui j'ai écrit d'une traite après sa naissance vingt-six lettres in Le Temps des yeux), l'amour tisse en toi ce labyrinthe dont mon âme ne pourra s'échapper."
         Perfection de la langue italienne, pourtant non enseignée à son futur collège. Bref.


    Daniel Martinez

  • "De la mélancolie", un poème de Daniel Martinez

    Et l'eau recouvre l'eau
    un navire remonte jusqu'à 
    prendre le visage
    d'une lointaine déchirure
    dans les coulisses d'un miroir
    elle voyage en elle-même
    sur le seuil surprise du ciel
    qui se coule dans la pénombre
    et continue de scintiller
    pour lui signifier le bruit de la nage
    au retour vers le rivage
    un soleil fauve l'effleure
    l'infini devenu mouvement
    sous le fouillis des heures
    s'avance cette onde qui va
    encombrée d'écritures
    l'arracher aux soumissions
    étreindre la peau tendre
    de ses pieds nus

    Elle est là souveraine
    dans l'embrasure de la porte
    qui te sourit jupons ébouriffés
    jalousée par les dieux maladroits
    fixant les cheminements de la mémoire
    et les délices de la mélancolie
    au travers d'un natté jaune d'or
    une idée d'herbe remuée sous les mains
    où l'on écoute le rien pénétrer
    une histoire qui serait la sienne
    quelque chose qui se rapproche 
    de ce qu'elle appelle de ses vœux
    qui couvrirait ses chevilles glacées
    muette mais certaine
    des grands épanchements
    qui président à notre destinée
    quand vole file et flotte 
    la musique du vertige
    et que reste inentamée
    la chimie des vagues
    ouvertes au plus offrant
    aux choses que le temps
    divise pour les réconcilier


    Daniel Martinez
    12/8/25

  • "Par qui", un poème de Daniel Martinez

    Tu le revois sous la cassure de l'orage
    une évanescente main de cartes
    passée entre les doigts l'écho d'un rire
    comme si ce n'était pas toi l'adolescent
    nos visages se touchent mais aucune parole
    ne vient enluminer les herbes de juillet


    Villes d'or assoupies cités imaginaires
    qui furent accordées
    aux yeux ronds des oiseaux 
    est-il même certain que d'éclats en éclats
    entrevus dans ces moments où
    la contemplation absorbe 
    la pâleur qui s'élève 
    une promesse peut-être
    lancée à la va-vite
    noyée dans l'ocre du mur
    soit réelle puisse infléchir le chemin
    pour le sublimer plus que l'identifier


    Lui s'élançait dans le paysage flou
    désireux de repousser l'échéance
    le demi-jour cendré
              il avait fini par regagner
    le pays de ses lectures
    quand des perles filaient
    sur le bois des fenêtres
    derrière feuilles ronciers
    lianes rideaux de lierre
    roulaient sur des photographies
    à bordures dentelées
    avec cette couleur étrange
    que prennent les iris
    remis à l'espace      dissocié du temps

    Tu le revois au pied des trois jarres 
    laissant mûrir les minuties et le grandiose
    sans renier l'assise le syllabes de l'eau
    l'haleine même des mousses sur la pierre
    comme au fond du texte voyage l'inscription
    qui serpente et se perd
    fait germer l'infime phrase
    que d'invisibles fils arrachent à la mémoire
    entre le ferme le mouvant


    alors eux deux s'arrêteront là
    sans plus ni moins
    que l'esprit d'aventure
    propre à ceux qui ont voulu
    se reconstruire avant de ne plus se dire


    Daniel Martinez
    le 20 / 7 / 25