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Les éditions Le Fourneau ont publié trois fois Michel Bulteau. La première fois en 1982, avec Le Martyre de M. de Palmyre, une nouvelle constituée de trois fragments de journaux intimes puis, en 1983, avec un Calembour qu'Antoine Zettel le directeur, lui avait demandé, et qu'il lui donna malgré qu'il ait avoué n'avoir pas vraiment le sens des jeux de mots. Il s'était fort bien tiré de l'exercice, en y ajoutant une pointe de poésie, qu'on en juge : « Depuis le hold-up du temps, l'or loge dans les pendules. »
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"L'Immensité", un poème de Daniel Martinez
Les vents qui secouent la tête du seringa
couvrent le paysage frangé de brouillard
d'un temps à l'autre écrire revient
à tracer d'un doigt des signes
jusqu'en sa plus profonde et verte détresse
le nombre d'une aumône faite du pressentiment
que les mots dont l'écho meurt
sont uniques en eux-mêmes
où la lumière a goût de sel
où leur incessant renouvellement
révèle la crainte de les voir disparaître sans retour
Des larmes de buée filent sur le bord des fenêtres
dessinent à leur manière ce lieu insituable
où les paroles se forment avant de se formuler
une langue visuelle
les lueurs d'une mathématique d'ombre
de la profondeur qui vibre ou tremble
devant l'œil lourd du fleuve
des voix chuchotent un contrevent bat
ah connaître l'instant que notre propre miroir
aura brisé net quand l'agonie fera vivre
la violence première il n'est qu'un pas
il n'est que la poitrine de la terre pour dire
quoi dans sa propre essence retarde le passageQu'un pas pour entendre les longs wagons liquides
dévaler la pente flotter dans l'air
dissiper une haleine de reine
amoureuse des éléments qui l'entourent
du bruissement des mémorables
sous la profondeur d'un arrière-paysage
sous les muscles de bronze
des troncs d'érables laissés au vieillissement
sous la chevelure de dynasties invisibles
à travers l'immensité présente
fardée de bleu pailletée d'argent
Daniel Martinez -
"L'espace au-devant qui se trace", un poème de Daniel Martinez
Comme un ressort ôté de toute horloge
qui se dépenserait en tremblements soubresauts
menus délires et rebondissements épars
la vie investit les lambeaux les débris et les bribes
de nos silences qui valent autant
que le temps immobile
que les gouttelettes de brouillard
déposées sur la face cachée des liserons
saisies au biais de l'œil
les vents t'apportent
en manière de musique
la libellule d'automne près de l'eau
du bassin qui creuse à mesure
une entaille profonde dans l'air
vole l'éclat bleuté de tes larmes ma belle
et l'écho dessiné autour de nos destins
ne dit rien moins que la pâte pauvre et mince
alourdie des tracas comme l'éclair entrevu
dans cette folle course après
la lyrique tendresse de la mort qui nous guette.
Plus que jamais le pays reculait
telle une lanterne sourde sur nos visages
sa lueur immanente dévoilant
les quatre facultés de la Nature
tout est là qui se donne sans compter
tu essaies de penser à chaque goutte d'eau
chaque goutte de sang qui traverse nos veines
ne sachant plus qu'attendre
ne sachant plus que dire
quand les vents de l'esprit auront quitté
les mille yeux de la mémoire
et que ta main profuse surabonde
se sera immiscée entre les lèvres du monde.Daniel Martinez