Journal - Page 4
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Les yeux intouchables du jour
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Le feu des roches invente
Mort le mot qui vient aux lèvres
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"Le martyre de M. de Palmyre" : Michel Bulteau, éditions du Fourneau, 31/12/1982, 32 pages, 250 exemplaires
"Enfant terrible" de la poésie, dandy de son état, les puristes lui reprocheront de s'être acoquiné avec certains poètes beat outre-Atlantique, d'avoir un temps eu des atomes crochus avec Andy Warhol, d'avoir initié la poésie dite "électrique" dont Les Deux-Siciles ont rendu compte dans un livre préfacé par Zeno Bianu :
Les éditions Le Fourneau ont publié trois fois Michel Bulteau. La première fois en 1982, avec Le Martyre de M. de Palmyre, une nouvelle constituée de trois fragments de journaux intimes puis, en 1983, avec un Calembour qu'Antoine Zettel le directeur, lui avait demandé, et qu'il lui donna malgré qu'il ait avoué n'avoir pas vraiment le sens des jeux de mots. Il s'était fort bien tiré de l'exercice, en y ajoutant une pointe de poésie, qu'on en juge : « Depuis le hold-up du temps, l'or loge dans les pendules. »
Le nom de Michel Bulteau se retrouve une dernière fois sur une couverture sortie des presses du Fourneau (devenu Fornax) en 2004. Il s'agissait d'une commande de l'auteur à Fornax imprimeur : Londres jaune, imprimé sur vélin jaune pour le compte d'A l'Europe galante.Des extraits du Martyre... ci-dessous, pour le plaisir des yeux et pas seulement :
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"L'Immensité", un poème de Daniel Martinez
Les vents qui secouent la tête du seringa
couvrent le paysage frangé de brouillard
d'un temps à l'autre écrire revient
à tracer d'un doigt des signes
jusqu'en sa plus profonde et verte détresse
le nombre d'une aumône faite du pressentiment
que les mots dont l'écho meurt
sont uniques en eux-mêmes
où la lumière a goût de sel
où leur incessant renouvellement
révèle la crainte de les voir disparaître sans retour
Des larmes de buée filent sur le bord des fenêtres
dessinent à leur manière ce lieu insituable
où les paroles se forment avant de se formuler
une langue visuelle
les lueurs d'une mathématique d'ombre
de la profondeur qui vibre ou tremble
devant l'œil lourd du fleuve
des voix chuchotent un contrevent bat
ah connaître l'instant que notre propre miroir
aura brisé net quand l'agonie fera vivre
la violence première il n'est qu'un pas
il n'est que la poitrine de la terre pour dire
quoi dans sa propre essence retarde le passageQu'un pas pour entendre les longs wagons liquides
dévaler la pente flotter dans l'air
dissiper une haleine de reine
amoureuse des éléments qui l'entourent
du bruissement des mémorables
sous la profondeur d'un arrière-paysage
sous les muscles de bronze
des troncs d'érables laissés au vieillissement
sous la chevelure de dynasties invisibles
à travers l'immensité présente
fardée de bleu pailletée d'argent
Daniel Martinez