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Journal - Page 7

  • "Aux confins", poème de Daniel Martinez

    L'appui de la fenêtre garde les pierres tièdes encore
    la chaleur maintenant diffuse a fait trembler les collines
    elle voit devant elle sa vie défiler
    un voile mauve sur la langue
    les sables d'un feu sans brûlure


    L'air remue très loin selon un rythme parfait
    et la voix des vents s'enroule à même
    l'haleine bleue régnante
    sous le cri pincé d'un martinet
    c'est l'heure du passage
    l'heure où l'encre sur la page blanche
    boit la manne de la saison


    Elle se penche sur la table
    et de ses mains voyeuses
    dessine l'ombre de son premier amour
    ses doigts transparents
    fouillent le buisson de sa chevelure
    les linges secrets du corps
    se font vies simultanées


    L'horizon sans appui
    rappelle à lui les orges ici et là
    insinue entre ses joues
    et le mur de ciment rose
    le suc d'un raisin généreux

    Marie-Aude revoit précisément
    paumes en alerte
    la langue du cresson 
    et sent la mince horloge des rides 
    au tambour des tempes
    ébaucher le hasard à grands traits


    La caverne du cœur
    dévorée de l'intérieur
    tient le nid au plus haut
    ailleurs selon le peu d'ici
    soulevée par des châteaux enrochés
    chevilles déliées il n'est plus rien qui puisse
    la soustraire aux désirs d'être
    un peu plus que la plus inachevée
    des théories du ciel


    Daniel Martinez
    (15/8/24)

  • "Le coeur noir du soleil" : Daniel Martinez

     

    Laisser se perdre un son
    à peine est-il formé
    un sens, à peine formulé
    surgir s'enfuir
    écarter du regard
    le sceau de la poussière
    inciser le cœur noir du soleil
    qui chuchote dans l'orme attentif
    mille complaintes et mouvements de plumes
    le couver d'un souffle pénétrant
    celui-là même qui se joue
    des frontières et des rites
    route blanche vaisseaux de l'écorce
    où s'accumulent des petits riens
    semblables à notre histoire 
    grevée de fumées
    traversée du dessein de puissance



    Laisse se perdre ta voix
    sous les sifflets du vent
    car tout se défait
    à l'écoute des sables
    au double vide du saut de l'acrobate
    tu reviens de loin l'horizon penche
    et couvre un moment les partitions
    Diane reprend une gigue en ré majeur
    de Nicolas Chédeville le dernier des trois frères
    qui firent de la musique flamme nouvelle
    bois plutôt la beauté
    sous l'infime rumeur du chaos



    Et de grâce laisse tourner à l'aigre
    le mauvais vin, se flétrir
    la pourpre du rhododendron
    s'embraser les poignets du jongleur 
    sans savoir où demain
    nous conduira
    car telle est dans le fond
    comme dans la forme
    l'ambiguïté fondamentale
    qu'il importe de ne pas lever


    Daniel Martinez