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Pages de mon Journal : du 24 au 29 mars 25

Alors, le chemin devant lequel je m'engageais semblait flotter dans le feu : un indicible bruissement de l'espace et le grésillement des feuilles arrachées au suspens des nuées.
- Vieille branche murmura-t-il. Ainsi, on se promène ?, et je restais sans répondre.
Voix tout juste audible de l'ami qui avait volontairement quitté la vie il y a bien des années de cela. Et c'est en songe qu'il m'apparaissait à cette heure, sur l'écran déployé d'un ciel crépusculaire.
La nue bientôt convertie en crêtes d'écume violacées, aspirées à mesure, dissoutes dans le Grand Tout. Accompagnant les derniers flamboiements, l'image gagnait en netteté, redessinant les traits d'un visage griffé d'ombres
, le présent d'un rêve, la figure du plus léger salut. Souveraines tractations dont nous ne percevons que les derniers aboutissements.


Car les mots collent aux choses, éclairent les choses, sont les choses dans leur vie au-delà des apparences. Des mots quand nous manions des quartiers de monde, quand nous épousons des continents en délire, quand nous forçons de fumantes portes, des mots qui sont des raz-de-marée consentis et des érésipèles et des laves musicales et des feux de joie, des cieux envenimés d'éphippigères, des flèches de lumière décochant le fruit dont l'ignorance même est la saveur.


Le temps va de l'objet à nous. Et notre pensée a beau l'engloutir sans cesse, l'objet est toujours là à exhaler son invisible fumée, laissant pressentir une suite que l'on imaginerait infinie.


Val de Fontenay : quand arrivera l'automne, le pommier qui de l'autre côté du ballast, tout contre le grillage qui le sépare de l'autoroute, laissera paraître des pommes si vertes et charnues que l'on regrettera de ne pouvoir en goûter tant la traversée des voies s'annonce dangereuse : le désir et l'objet du désir.
Ayant assimilé dans son champ visuel ce qui lui fait défaut, le poète jouit alors d'un espace que l'on qualifiera de virtuel, né dans l'intervalle qui appelle en image la substance entrevue, toute distance en voie de personnalisation.
En mémoire le dernier livre paru du vivant de Jean Grosjean, La Lueur des jours, où sont énumérées avec grâce les diverses qualités de pommes, moins cézanniennes d'esprit que vives en bouche, destinées qu'elles sont à être dégustées.


Je fais remarquer à P*, qui a tant compté dans la vie de la revue, qu'un livre de lui (est-ce bien le seul ?) est à peu près systématiquement oublié dans sa bibliographie, fruit des éditions "à bruit secret" (sic). Pour me répondre sur ce point : "De toutes façons, il est épuisé et ne sera malheureusement pas réédité", ce que je veux bien croire. Un ouvrage sur l'art brut, où l'auteur, le poète, nous entretient par exemple de la transe qui guidait la main d'Hélène Smith, de par ses diverses hallucinations - et la graphie alors inventée, qui prit le nom de "Néographie". Puis, évoquant Aloïse : "Elle se refuse également au contrôle syntaxique, elle préfère à la construction la juxtaposition. Un même groupe de mots servira de complément et de sujet : "Gurtelrose... ceinture d'Eros... ceinture de roses", la rose est un orbe, les exemples abondent de ces associations que suggèrent les sons, surtout dans les noms propres..."

 

Ces archives sonores émanant de Blaise Cendrars, en date du 29 février 1952, ont-elles été consignées quelque part. N'ayant pas lu les deux volumes de La Pléiade qui lui ont été consacrés, je me contente de saisir ce que j'ai découvert dans une ancienne revue de littérature qui n'a compté que deux numéros faute de moyens, parue quelques années après la Seconde Guerre mondiale :
"Microcosme. Macrocosme. Ce qui est en-haut est analogue à ce qui est en bas. Tout est dans tout.
La spirale est la liberté de la chute de la vie au centre de l'épanouissement universel."
Tout cela écrit en capitales d'imprimerie, autour de l'idée selon laquelle le mouvement circulaire est le principe même de l'univers. Propos auxquels Cendrars a donné son imprimatur avant leur publication, à l'évidence.

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