Journal - Page 15
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Souviens-toi semble dire la source
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"Aux confins", poème de Daniel Martinez
L'appui de la fenêtre garde les pierres tièdes encore
la chaleur maintenant diffuse a fait trembler les collines
elle voit devant elle sa vie défiler
un voile mauve sur la langue
les sables d'un feu sans brûlure
L'air remue très loin selon un rythme parfait
et la voix des vents s'enroule à même
l'haleine bleue régnante
sous le cri pincé d'un martinet
c'est l'heure du passage
l'heure où l'encre sur la page blanche
boit la manne de la saison
Elle se penche sur la table
et de ses mains voyeuses
dessine l'ombre de son premier amour
ses doigts transparents
fouillent le buisson de sa chevelure
les linges secrets du corps
se font vies simultanées
L'horizon sans appui
rappelle à lui les orges ici et là
insinue entre ses joues
et le mur de ciment rose
le suc d'un raisin généreux
Marie-Aude revoit précisément
paumes en alerte
la langue du cresson
et sent la mince horloge des rides
au tambour des tempes
ébaucher le hasard à grands traits
La caverne du cœur
dévorée de l'intérieur
tient le nid au plus haut
ailleurs selon le peu d'ici
soulevée par des châteaux enrochés
chevilles déliées il n'est plus rien qui puisse
la soustraire aux désirs d'être
un peu plus que la plus inachevée
des théories du ciel
Daniel Martinez
(15/8/24) -
"Le coeur noir du soleil" : Daniel Martinez
Laisser se perdre un son
à peine est-il formé
un sens, à peine formulé
surgir s'enfuir
écarter du regard
le sceau de la poussière
inciser le cœur noir du soleil
qui chuchote dans l'orme attentif
mille complaintes et mouvements de plumes
le couver d'un souffle pénétrant
celui-là même qui se joue
des frontières et des rites
route blanche vaisseaux de l'écorce
où s'accumulent des petits riens
semblables à notre histoire
grevée de fumées
traversée du dessein de puissance
Laisse se perdre ta voix
sous les sifflets du vent
car tout se défait
à l'écoute des sables
au double vide du saut de l'acrobate
tu reviens de loin l'horizon penche
et couvre un moment les partitions
Diane reprend une gigue en ré majeur
de Nicolas Chédeville le dernier des trois frères
qui firent de la musique flamme nouvelle
bois plutôt la beauté
sous l'infime rumeur du chaos
Et de grâce laisse tourner à l'aigre
le mauvais vin, se flétrir
la pourpre du rhododendron
s'embraser les poignets du jongleur
sans savoir où demain
nous conduira
car telle est dans le fond
comme dans la forme
l'ambiguïté fondamentale
qu'il importe de ne pas lever
Daniel Martinez