Auteurs - Page 30
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Ce titre renvoie à un livre futur de Pierre Torreilles paru chez Gallimard en 1992 : Où se dressait le cyprès blanc. Un poète que les tenants de l'anti-lyrisme ne porteront pas aux nues, vous connaissez ma position sur le sujet (il n'y a pas un lyrisme, mais différentes formes de lyrisme, allant du "dépouillé" au "critique", avec tous les stades intermédiaires ; dans ce domaine en particulier, toute simplification entrave la compréhension plus qu'elle ne la libère. Pour reprendre l'expression de Michaux, cet "indéfiniment insaisissable" qui nous intéresse fait feu de tout bois, il est quête d'authenticité d'abord : à ce titre, il inclut bien plus qu'il exclut.
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"La Tendresse" de Jacques Ancet, Mont Analogue éditeur, juin 1997, 120 pages, 500 exemplaires
Généralement non mentionné dans la bibliographie du poète, romancier et traducteur Jacques Ancet, ce livre - d'une étonnante proximité avec le réel le plus immédiat, intériorisé à mesure - qu'ont précédés "L'incessant (Flammarion, 1979), La mémoire des visages (Flammarion, 1983) et Le silence des chiens (Ubacs,1990) [qui] constitue en fait le dernier chapitre (que les vicissitudes de l'édition ont empêché de paraître plus tôt) d'un texte écrit entre 1974 et 1984.
Ce texte, je le vois aujourd'hui non pas comme un récit, c'est-à-dire, malgré méandres et ruptures, une linéarité (commencement, développement et accomplissement), mais, dans le surgissement imprévisible d'une voix et d'une irrépressible altérité, comme un récitatif en quatre mouvements, dont j'ignore s'il pourra un jour être publié en un seul volume intitulé Obéissance au vent." ainsi que l'auteur le précise dans son avant-lire. Signalons que La Tendresse est le second livre publié par Jacques Ancet au Mont Analogue. Le premier fut, en 1996, Silence corps chemin (en fait la réédition d'un texte écrit en 1973, publié initialement par Edmond Thomas).
... Ajouter ici que le défunt Mont Analogue a toujours effectué un travail de qualité, il a ainsi pu donner voix à des auteurs tels que Hervé Carn (Avec Sima), Alain-Claude Gicquel, Jacques Izoard (Entre l'air et l'air), Francis Coffinet (Contre le front du temps), Thierry Maricourt (La Limonade sans bulles)...
Pour mémoire, Diérèse a eu le plaisir d'accueillir par trois fois Jacques Ancet dans ses numéros 50, 52-53 et 84.Des extraits de La Tendresse dont voici l'exergue :
La tendresse prend naissance à l'instant où nous sommes rejetés sur le seuil de l'âge adulte et où nous nous rendons compte avec angoisse des avantages de l'enfance que nous ne comprenions pas quand nous étions enfants. Milan Kundera
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Gérald Neveu, "Une solitude essentielle" : Guy Chambelland éditeur, 15 octobre 1972, 62 pages, 540 exemplaires
Cet ouvrage a été mis en pages par Jean Malrieu à partir des poèmes inédits que Gérald Neveu lui avait donnés avant sa mort, à Paris, le 28 février 1960. Confectionné dans un format proche de l'A 4 (21 x 27 cm), imprimé sur les presses de l'éditeur Guy Chambelland en son mas de La Bastide d'Orniol (Gard), édité dans le Marais au 23 rue Ste-Croix-de-la-Bretonnerie, à l'époque des nouvelles librairies parisiennes, qui étaient à la fois lieux de vente, galeries et lieux de rencontre. Celle qui nous intéresse a trouvé asile successivement au 35 rue St-Georges, au 23 rue Ste-Croix-de-la-Bretonnerie donc, au 77 boulevard Richard Lenoir et enfin au 23 rue Racine : dénommée dès lors Librairie-Galerie-Racine.
La couverture de ce livre, d'un beau vert olive, annonce la couleur si je puis dire. Des poèmes en vers mais aussi en prose, le tout se défiant de ce qu'écrivit au XVIIe siècle Malherbe, affirmant sans autre forme de procès "qu'un poète n'était pas plus utile à l'Etat qu'un joueur de quilles". Une exclusion qui date de Platon, ainsi que le soulignait Alain Jouffroy in Diérèse 19 (octobre 2002) : premier "philosophe pur" (car les Présocratiques agrémentent leur enseignement de poésie, musique, rhétorique), il fut aussi le premier à condamner explicitement dame poésie, tournant fondamental vers ce qu'on pourrait appeler, d'un terme hélas actuel, la "communautarisation" des arts et des sciences. Et il le fit au nom de la morale et d'une opposition irréductible entre la philosophie-méthode et la philosophie-rencontre. Pour lui, la pensée naît de l'étonnement, puis de la violence corrélative pour s'en libérer. Les tenants de la poésie en restent eux, à l'étonnement, à la stupeur originelle (et la poésie est l'esthétique de cette stupeur), pouvoir fait de douceur et d'inquiétude. Ils ont senti un jour leur vie suspendue, ils demeureront donc fidèles aux choses, et refuseront une violence pour eux inutile et même dérisoire.
A partir de là se multiplièrent les exclusions et les rejets (ayant pratiquement chaque fois, il faut le reconnaître, pour initiateurs les zélotes de la philosophie). Les philosophes post-platoniciens, tenants de l'unicité d'un monde ayant son ordre propre et ses limites, ne pouvaient que récuser une poésie attachée à la multiplicité, plongée tout entière dans les apparences, pour les requalifier à sa manière.
Les poèmes du co-fondateur de la revue "Action poétique" choisis pour vous le sont en prose, moins connus il est vrai que ceux en vers. Des prosèmes où transparaît une détresse sourde, une ironie noire, d'une veine peu ou prou surréalisante, où les mots semblent s'ordonner à mesure, aux prises avec ce qui leur serait ici et là possible de révéler, jusqu'à... l'ultime éclaircie.
