Auteurs - Page 26
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"Histoire d'une ascension", de Michel Orcel, éditions Le Temps qu'il fait, 25 décembre 1995, 32 pages, 35 F
Un auteur peu médiatisé et pourtant... Grand traducteur, et reconnu par ses pairs en tant que tel (de Leopardi, Dante, L'Arioste, Le Tasse, Ugo Foscolo, Michel-Ange...), poète et romancier, fondateur de la revue et des éditions de L'Alphée il a su construire une œuvre originale qui prend racine aux frontières du discernement et compose avec le réel pour lui redonner le contenu sensible autant qu'originel qui finirait par nous échapper si nous n'y prenions garde - sa formation de psychanalyste l'y incite - sans corset rhétorique ou blindage théorique. Dans la forme, parfois proche de Gérard Macé, Michel Orcel sait puiser au bonheur des mots pour leur conférer du sens au pied de l'arbre du langage. Il veille de la manière à se montrer autant passeur que témoin, faisant corps avec la toute-puissance du regard pour ce qu'il lui permettra de configurer, afin d'en porter la substance jusqu'à l'écrit, le mettre en mots.
Depuis 1981 où il a publié chez L'Alphée son premier livre, Le Théâtre des nues, jusqu'aux jours d'aujourd'hui Michel Orcel n'a eu de cesse d'élargir le champ de ses possibles...
Deux Hommes contemplant la Lune de Caspar David FriedrichSon dernier livre en date, intitulé Paradoxa, est sorti en février 2022, aux éditions Arcadès Ambo (Nice). Il est composé de billets – d'aphorismes, aurait dit Nietzsche – qui pointent quelques paradoxes sur lesquels sont établis nos savoirs les plus sûrs ; ils dénoncent aussi les dérives, politiques ou religieuses, de la post-modernité ; et, loin de tout dogmatisme, laissent également place à de brèves rêveries métaphysiques.
Ci-après, l'Histoire d'une ascension, qui prend place dans la capitale, Paris - une ville qui, été comme hiver, en manque tant, certes. Mais voici plutôt : -
"Le Brigand", de Robert Walser, traduction de Jean Launay, éditions Gallimard, 1985, 160 pages, 85 F
Les premières lignes de L’Institut Benjamenta ont révélé aux lecteurs français, par la traduction de Marthe Robert (Grasset, 1960), la voix étrange de ce grand écrivain suisse de langue allemande : « Nous apprenons très peu ici, on manque de personnel enseignant et nous autres, garçons de l’Institut Benjamenta, nous n’arriverons à rien, c’est-à-dire que nous serons plus tard des gens très humbles et subalternes. » Peu connu de son vivant, Walser a été admiré par les plus grands de ses contemporains : Kafka, Hesse, Musil, Walter Benjamin.
Quand il publie Vie de poète (1917), il est revenu depuis quatre ans à Bienne, sa ville natale, petite bourgade du canton de Berne. Dès 1892, à 15 ans, il abandonne l’école malgré des résultats honorables, et en 1895, quitte sa famille – des commerçants aisés –, pour une vie d’aventures poétiques et théâtrales et un quotidien de petits travaux précaires. En 1905, il rejoint à Berlin son frère Carl, peintre et décorateur de théâtre, et ces huit années berlinoises où il fréquente l’avant-garde littéraire sont fécondes. Tout en suivant une formation de domestique et en étant, quelque temps, laquais dans un château, il publie des poèmes dans des revues et ses trois romans Les Enfants Tanner (1907), L’Homme à tout faire (1908), L’Institut Benjamenta (1909). De retour à Bienne en 1913, il est atteint par une dépression, la première.
En 1921 il s’installe à Berne, continue à écrire de petits textes, des feuilletons, des « microgrammes », même dans la maison de santé de Waldau où il est hospitalisé en 1924. Mais quand il est, en 1933, interné – contre son gré –, à l’hôpital psychiatrique de Herisau, il se tait pour toujours. Robert Walser est mort seul dans la neige le jour de Noël 1956.Francine de Martinoir