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"Les trois livres", de Marcelin Pleynet, éditions du Seuil, mai 1984, 320 pages, 95 F.

"Marcelin Pleynet est né à Lyon en 1933. Cet historien d’art est également un romancier et un poète. Il a publié des essais sur la peinture (Gallimard, Le Seuil) et a écrit pour les Editions de l'Epure Rothko et la France ainsi que Chardin, le sentiment et l’esprit du temps.
Marcelin Pleynet a également participé à la direction de la revue Tel Quel (1962-1982), fondée par Philippe Sollers.
En 1982, Philippe Sollers lançant alors une nouvelle revue, l’Infini, Marcelin Pleynet y collabore. Titulaire de la chaire d’esthétique à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris (1987-1998), il participe actuellement à la direction du groupe audiovisuel mk2."

J'ai choisi dans son recueil Les trois livres des extraits du quatrième chapitre intitulé Comme (Livre I), où l'auteur s'interroge sur les rapports entre le parler et l'écrit. Que l'on adhère ou modérément à ce genre de poésie, les pistes ouvertes laissent place à la réflexion, à tous les sens du terme, si le sens n'est pas ici abus de pouvoir mais la résultante d'un "éclatement d'où nous viennent les mots" (Michel Foucault).  

Ecoutons-le plutôt :

 

 

 

 

 

à droite le bonheur de ce qui se fait où sombre le mur (absent) percé de portes 
de fenêtres la lumière fermée alors que ceux qui parlent ou lisent lèvent les 
yeux cherchant encore comme une lumière un éclaircissement 
                                                                                               et dans ce qui 
se fait sur le mur eux-mêmes encore comme des ombres et se renvoient
les uns aux autres ce que vous entendez 
                                                                  assis 
écoutant lisant mot à mot ce qui gagne à être dit ou surpris 
                   et parfois (pourtant) ce qui fuit près d’eux est en eux s’élève comme
un mur et parle

 

 

 

ces matinées 
voici la vraie couleur 
comme un rideau derrière les vitres 
elle garde et s’élève ces temples qui ne parlent pas 

autant se soucier de cette urne grise 
qu’ils tiennent à la main 
ce qui tourne est exactement du style des couleurs 

"on dirait un paradoxe et aussi bien c’en est un en ce qui concerne le 
sentiment, mais non en ce qui concerne l’esprit"

autant dire que ceux qu’ils trouvent 
souffrent de ce défaut de la vue 
qui les rend aveugles 

ces trois dimensions dans un édifice quelconque
s’ajoutent et ne livrent rien 
que la répétition 
la vraie couleur qu’ils voient

 

 

 

Comme j’écris (ici) sur cette page aux lignes inégales 
justifiant la prose                (la poésie) 
les mots désignent des mots et se renvoient les uns aux autres ce que vous 
entendez 
Le livre certes pourrait se signaler par la présence d’une femme ou d’un 
paysage illustrant cette situation inouïe ou justifiant un regard le poème d’une 
ligne à l’autre ne va jamais plus loin (elle est (endormie) et la page se reconnaît
moins blanche déjà sans l’écriture (dire qu’elle s’arrête que nue sous son
manteau elle se laisse regarder qu’elle tremble encore quand il la prend)

                                                *

Ici nous ne tiendrons pas à l’écart de ce qui est dit même si je ne pense pas ce 
que j’écris 
vous lisez ce que je pense 
(les arbres comme des manteaux)

 

                                                *

Ici
chacun de nous entend parler 

 

                                                *

Nous n’échapperons pas au sujet 
le verbe est son motif 
Paysage 
Couple 


                                                                       ou bien 
         J’invente peut-être 
         plus simplement c’est le poème qui les croise 
         et ils consentent 


         (je ne sais pas) 

le couple n’est pas le seul sur cette bouche unie un regard l’accompagne 
aussi simplement que persuasive la ligne les unit d’un parallélisme insensé 

Dès ce moment l’ordre importe – je n’écris pas à la verticale – de gauche à 
droite le discours la phrase dessinent un ordre que nous relisons dans ce sens 
         dès ce moment (endormis ailleurs)

 

                                                *

Passant retenu le vent garde peut-être l’odeur des foins – et les bûcherons appuyés
à l’arbre… (je ferme la porte) sa robe arrachée elle apparaît dans l’herbe dans le livre
(derrière moi) je me retourne (derrière moi) elle garde ce charme lorsqu’elle ouvre
les yeux elle laisse tomber sa robe dès ce moment endormie 

(Passé simple ici        ou bien lu 

 

                                                *

Parler alors reviendrait à dire quelque chose ici et le sens du langage serait d’un 
langage parlé – ou bien le poème retrouverait on ne sait quelle ombre – les mots 
tenant un sens unique 

la phrase passant tout à coup par ce chemin trop exposé 
où dans la poésie 
ce qu’ils entendent inégalement lire      (sujet le chemin) 

où la pelouse s’étend ils rêvent côte à côte unis sur un drap d’herbe et de fleurs 
minces (      ) çà et là ces mots d’un langage courant (comme amour) mais tous
ne sont pas appelés

la description alors illustre on ne sait quel ennui on ne sait quelle beauté 
ennuyeuse et dans l’impossibilité de s’en tenir au mot à mot au langage étranger 
étymologiquement juste la route ennuyeuse droite plate avec ces arbres 
parallèles ces rochers les uns les autres couverts de poussière comme nous 
passons sans image 

"Les langages techniques diffèrent du langage courant"


Marcelin Pleynet

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