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Auteurs - Page 8

  • "La Paix chez les Bêtes", Colette, Fayard et Cie éditeurs, 1916, 256 pages - en sus, une lettre inédite de la romancière

    Dans l'avertissement que portent les premières pages de "La Paix chez les Bêtes", Colette annonce :
    "A l'heure où l'homme déchire l'homme, il semble qu'une pitié singulière l'incline vers les bêtes, pour leur rouvrir un paradis terrestre que la civilisation avait fermée. La bête innocente a le droit - elle seule, - d'ignorer la guerre.

    Dès le printemps de 1914, des passereaux nichèrent, respectés, dans la gueule ébréchée d'un canon..."

    COLETTE A.jpg

    Consulté dans son édition originale, le livre est divisé en 33 courts chapitres. Entre ceux-ci j'ai choisi d'abord "Les chats-huants", qui sera suivi d'ici quelques jours du "Matou" - sachant que pour bien entendre Colette dans le second récit, il convient de se rappeler qu'en 1916, elle venait de contracter mariage avec Henry de Jouvenel et qu'elle le surnommait "Sidi", ou bien encore "le Pacha", sans oublier "la Sultane".

    Pour vous mettre en appétit en ce "dernier jour" - du moins côté chaleurs - de l'été 2023, voici le texte d'une lettre inédite de l'auteure, écrite vers 1920, où elle fait l'éloge de la fine, tout en évoquant le "gigot de sept heures" traditionnellement dédié au menu de Pâques, qu'elle mitonnera pour répondre à un présent qui eut les bonnes grâces du couple. Par parenthèse, vous n'êtes pas sans savoir que le gigot de 7 heures, accompagné de carottes, oignons et tomates se cuit la veille, pour être réchauffé le lendemain 20 minutes au four, sa chair est alors la plus tendre qui soit.
    L'en-tête est à l'adresse de Colette, au 69 boulevard Suchet, à Paris [elle y habita avec Henry de Jouvenel de 1916 à 1923, puis seule jusqu'en 1926]. Mais voici plutôt :

    "Ça, c'est de la fine! Si jamais un alcool distingué eut le droit de porter le nom de "fine", c'est celui-ci, et nul autre. "Voilà, a dit Sidi en parlant de vous, un homme avec qui on peut causer!". Je partage ce diagnostic. Peut-être que je vais en coucher délicatement une bouteille à mes côtés, demain, dans l'auto... Soyez donc béni, et nous reprendrons cette conversation dès mon retour, autour d'un "gigot de sept heures". Merci, à bientôt, croyez-moi cordialement vôtre et dites à Sylvie la grande sympathie de

    Colette de Jouvenel"

     

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  • "Mon Amérique" de Philippe Labro, éditions de La Martinière, octobre 2012, 232 pages, 30 €

      Un bien beau livre à la couverture cartonnée, signé par l'auteur de "L'Etudiant étranger", avec le portrait de cinquante personnages illustres, dans le domaine littéraire, artistique, musical et politique, le tout agrémenté de photographies "qui parlent d'elles-mêmes" selon l'expression consacrée.
       J'ai choisi pour vous ce que Philippe dit du plasticien Edward Hopper, un peintre que je situe haut dans mon panthéon pictural, une empathie tout simplement résumée par l'atmosphère que délivrent ses tableaux, inimitable. Si Yves Bonnefoy voit dans "The Lighthouse at Two Lights" "Le phare à deux feux" (1929) l'un de ses chefs-d'œuvre,

    phare à deux feux.jpg

    Edward Hopper : The Lighthouse at Two Lights (1929)

    j'avoue avoir un faible pour "La maison près de la voie ferrée" (1925) et plus encore pour ses tableaux dont la thématique renvoie à la solitude foncière d'une femme, nue ou presque, dans une chambre - série annoncée par deux gravures exceptionnelles "Evening Wind" (1921) ou "East side interior"" (1922) - à savoir :
    "Girl at sewing machine" (1921), "Cape Cod morning" (1950), "Morning sun" (1952), "A woman in the sun" (1961).
       Ceci dit sans compter "Sun in a empty room" (1963), une toile la plus dépouillée qui soit, trait d'union entre le vide de la pièce, sans mobilier aucun, et le vide intérieur ; une œuvre qui semble clore ledit cycle, privé de cette figure féminine si chère à l'artiste.
       Mais arrêtons là et cédons la place à ce qu'a dit Philippe Labro du peintre Edward Hopper, voici :

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  • "Mémoires" de Casanova, adaptation de Jacques Marcireau, éditions Baudelaire, illustrations de James Hodges, 800 pages, 3e trimestre 1964

    Du libertin Giacomo Casanova de Seingalt (1725-1798), la présente édition donne à lire des extraits du texte intégral qui compte l'équivalent de 4 250 pages. Il s'agit donc d'une édition allégée, qui suit les déplacements de Casanova jusqu'à l'année 1793, à Trieste, où les Mémoires prennent fin. C'est bien le style de l'auteur qui a retenu mon attention, plus que ses exploits d'alcôve et ses innombrables polissonneries, confirmant un désir insatiable. Le mémorialiste s'est fait à son corps défendant si j'ose dire le témoin d'un "siècle des lumières qui oscille entre la littérature larmoyante et les obscénités d'un Diderot, d'un Helvétius, d'un Crébillon ou d'un marquis de Sade", ainsi qu'a pu l'écrire Jacques Marcireau dans son introduction.
    L'extrait qui suit est à rattacher à la première partie des Mémoires, après la jeunesse à Venise, le périple se poursuit à Corfou, nous n'en sommes qu'au tout début des incessants voyages de ce séducteur professionnel qui décrira ses succès avec la même candeur que ses échecs, patents la quarantaine advenue, alors annonciatrice d'une déchéance morale précoce qui précède la décrépitude. Mais revenons donc au temps de la jeunesse de Casanova, à Corfou précisément, ville où il rencontre Madame F. dont le galant virtuel est un dénommé Monsieur D.R., gouverneur de galère. C'est en ces termes que le mémorialiste, amoureux d'elle et n'osant lui déclarer sa flamme parle de Madame F. :

     

      Ce qui me déplaisait, c'était qu'en public elle semblait s'étudier à me prodiguer ses faveurs, tandis qu'en particulier elle en paraissait avare. J'avais tout l'air d'être heureux aux yeux du monde, mais j'aurais voulu le paraître moins et l'être réellement un peu plus. Mon amour pour elle était pur, sans soupçon de vanité.
       - Vous avez des ennemis, me dit-elle un jour que j'étais seul avec elle, mais je leur ai imposé silence.
       - Madame, ce sont des envieux. S'ils étaient dans le secret de mon cœur je leur ferais pitié.
       - Vous leur faites pitié ? Et comment cela ?
      - Madame, ils me croient comblé et je languis. Dans le bonheur que j'ai de vous appartenir, je ne suis animé par aucune vanité. Si vos bontés en particulier devaient être compensées par de mauvais traitements en public, je m'estimerais heureux. Je serais heureux qu'on me plaigne, pourvu qu'on se trompe.
       J'avais souvent l'indiscrétion de me tenir derrière le rideau de la fenêtre de ma chambre pour regarder Mme F. à loisir, lorsqu'elle ne se croyait pas vue. Mais les larcins que je faisais étaient insignifiants. Tout dans son attitude était si mesuré que, même lorsque je la voyais dans son lit, mon bonheur n'allait pas au-delà de sa charmante figure.
       Un jour que sa femme de chambre épointait ses longs cheveux en ma présence, je ramassai ces jolies rognures, et je les posai sur sa toilette, à l'exception d'une mèche que je mis dans ma poche à son insu.
       Mais aussitôt que nous sommes seuls, elle me dit avec douceur de tirer de ma poche les cheveux que j'avais ramassés. Trouvant une rigueur pareille déplacée, j'obéis en posant les cheveux sur la toilette de l'air le plus dédaigneux.

       - Monsieur, vous vous oubliez.
       - Madame, vous auriez pu faire semblant de n'avoir pas vu ce larcin innocent.
       - C'est une gêne de faire semblant.
      - Madame, si vous aviez un cœur, vous ne me tiendriez pas rigueur d'un geste aussi puéril, mais vous n'avez que de l'esprit. Et cet esprit doit être méchant, car il se plaît à m'humilier. Vous avez surpris mon secret. Vous en ferez tel usage que bon vous semblera. En revanche j'ai appris à vous connaître. Cette science m'apprendra peut-être à être sage.

     

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