"Journal en miettes", d'Eugène Ionesco, Mercure de France, 8 septembre 1969, 256 pages, 16,95 F.
Dramaturge, essayiste, romancier, conférencier, j'ai en mémoire ma classe de première au lycée de Mutuelleville (Tunisie) où Francis Valette présentait à ses élèves le recueil "Rhinocéros". C'est cet écrivain, véritable inventeur du théâtre de l'absurde, que nous avions entre autres au programme, un livre qui m'a marqué, s'il me faut ici le préciser. Il y avait bien du libertaire chez Ionesco, et cette manière qu'il avait de remettre en cause les vérités admises (de tous ordres) m'impressionnait, il est vrai.
J'ai choisi un extrait du Journal en miettes d'Eugène Ionesco, livre qui "n'est pas un journal habituel, où seraient consignés, au jour le jour, les événements d'une vie", mais où l'auteur couche sur la page "non pas chaque jour ce qui arrive, mais chaque jour ce qui n'arrive pas". Livre peu cité dans sa bibliographie mais qui mérite le détour. La manière dont il parle du passage du monde de l'enfance à celui de l'âge adulte est d'une telle vérité qu'elle préfigure ce que Ionesco écrira sur les interrogations générées par la société en général et par sa vieillesse en particulier. C'est un homme sans repos qui se livre ici, sans littérature, mais en quête de sens (ou de son avers, l'absence de sens) : conflit intérieur à proprement parler déchirant.
Voici pour vous :