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Auteurs - Page 12

  • "Espace méridien", de Madeleine Poncet, éditions La Coïncidence, 56 pages, mai 1980

    Une poétesse inconnue des anthologies de poésie, un peu comme l'est Céline Zins dont je vous ai déjà parlé dans le premier blog. Le livre à l'honneur aujourd'hui a été édité par Guy Chambelland, qui a ceci dit en passant effectué un travail de découverte remarquable. Il dirigeait entre autres les éditions La Coïncidence, à cette époque implantées au 69 boulevard Richard Lenoir dans le onzième parisien, siège de la galerie Le Pont de l'Epée.

    Madeleine Poncet, née Lombard, est née en 1922 et s'est éteinte le 12 mai 2021. La poétesse a publié 4 livres, avec, dans le même temps, une participation remarquée dans le numéro 22/23 (septembre 1978) de la revue "Solaire", livraison qui avait pour thème "Le jardin".

    Solaire-vignette.jpg

    vignette de la revue Solaire


    Madeleine Poncet est publiée pour la première fois aux éditions du Marais avec "Le nez du renard", 51 pages, 15 juin 1973. Suivent :
    "Erreur perpétuelle", éditions Librairie Chambelland, 71 pages, janvier 1974
    "Contes pour une paix provisoire", éditions du Pont de l'Epée, 1977
    "Espace méridien", éditions La Coïncidence, 56 pages, mai 1980
    "Les appuis du vent", éditions Le Pont sous l'Eau, 44 pages, juin 1991

    Pour illustrer, seront saisis ci-après cinq poèmes représentatifs, extraits de "Espace méridien" :

     

    LA CHANSON DES JONCS

     

                        L'oblique des roseaux 
                        Indique le grand beau
                        Il faudrait bien s'y faire 
                        Aux ruisseaux de la terre

                        Aux ruisseaux de la terre 
                        Au verseau des pays 
                        Aux années éblouies 
                        Remuant leurs conflits

                        Quelque lointaine fête 
                        Pénétrait aux fenêtres 
                        Et la nuit respirait 
                        Son anxieuse utopie 
                        Reinettes vous chantiez

                        Reinettes vous chantiez 
                        L'afflux tiède des prés 
                        Les eaux vertes du bief 
                        Peuplées d'âmes trop brèves 
                        Qui couraient et couraient 
                        Entre les joncs surpris 
                        De voir glisser des rêves 
                        A l'ombre de leurs glaives

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  • "Le Matou", de Colette in "La Paix chez les Bêtes", Fayard et Cie éditeurs, 1916, 256 pages

    LE MATOU 


       J’avais un nom, un nom bref et fourré, un nom d’angora précieux, je l’ai laissé sur les toits, au creux glougloutant des gouttières, sur la mousse écorchée des vieux murs : je suis le matou. 
        "Qu’ai-je à faire d’un autre nom ? Celui-là suffit à mon orgueil. Ceux pour qui je fus autrefois "Sidi", le seigneur Chat, ne m’appellent pas : ils savent que je n’obéis à personne. Ils parlent de moi et disent : "le matou". Je viens quand je veux, et les maîtres de ce logis ne sont pas les miens. 
       "Je suis si beau que je ne souris presque jamais. L’argent, le mauve un peu gris des glycines pâlies au soleil, le violet orageux de l’ardoise neuve jouent dans ma toison persane. Un crâne large et bas, des joues de lion, et quels sourcils pesants au-dessous de quels yeux roux, mornes et magnifiques ! … Un seul détail frivole dans toute cette sévère beauté : mon nez délicat, mon nez trop court d’angora, humide et bleu comme une petite prune… 
       "Je ne souris presque jamais, même quand je joue. Je condescends à briser, d’une patte royale, quelque bibelot que j’ai l’air de châtier, et si j’étends cette lourde patte sur mon fils, infant irrévérencieux, il semble que ce soit pour le rejeter au néant … Attendiez-vous de moi que je minaude sur les tapis, comme la Shâh, ma petite sultane que je délaisse ? 

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  • "La Paix chez les Bêtes", Colette, Fayard et Cie éditeurs, 1916, 256 pages - en sus, une lettre inédite de la romancière

    Dans l'avertissement que portent les premières pages de "La Paix chez les Bêtes", Colette annonce :
    "A l'heure où l'homme déchire l'homme, il semble qu'une pitié singulière l'incline vers les bêtes, pour leur rouvrir un paradis terrestre que la civilisation avait fermée. La bête innocente a le droit - elle seule, - d'ignorer la guerre.

    Dès le printemps de 1914, des passereaux nichèrent, respectés, dans la gueule ébréchée d'un canon..."

    COLETTE A.jpg

    Consulté dans son édition originale, le livre est divisé en 33 courts chapitres. Entre ceux-ci j'ai choisi d'abord "Les chats-huants", qui sera suivi d'ici quelques jours du "Matou" - sachant que pour bien entendre Colette dans le second récit, il convient de se rappeler qu'en 1916, elle venait de contracter mariage avec Henry de Jouvenel et qu'elle le surnommait "Sidi", ou bien encore "le Pacha", sans oublier "la Sultane".

    Pour vous mettre en appétit en ce "dernier jour" - du moins côté chaleurs - de l'été 2023, voici le texte d'une lettre inédite de l'auteure, écrite vers 1920, où elle fait l'éloge de la fine, tout en évoquant le "gigot de sept heures" traditionnellement dédié au menu de Pâques, qu'elle mitonnera pour répondre à un présent qui eut les bonnes grâces du couple. Par parenthèse, vous n'êtes pas sans savoir que le gigot de 7 heures, accompagné de carottes, oignons et tomates se cuit la veille, pour être réchauffé le lendemain 20 minutes au four, sa chair est alors la plus tendre qui soit.
    L'en-tête est à l'adresse de Colette, au 69 boulevard Suchet, à Paris [elle y habita avec Henry de Jouvenel de 1916 à 1923, puis seule jusqu'en 1926]. Mais voici plutôt :

    "Ça, c'est de la fine! Si jamais un alcool distingué eut le droit de porter le nom de "fine", c'est celui-ci, et nul autre. "Voilà, a dit Sidi en parlant de vous, un homme avec qui on peut causer!". Je partage ce diagnostic. Peut-être que je vais en coucher délicatement une bouteille à mes côtés, demain, dans l'auto... Soyez donc béni, et nous reprendrons cette conversation dès mon retour, autour d'un "gigot de sept heures". Merci, à bientôt, croyez-moi cordialement vôtre et dites à Sylvie la grande sympathie de

    Colette de Jouvenel"

     

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