Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 5
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Comme autant de scories pétrifiées
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"Silhouettes", un poème de Daniel Martinez
Tout s'est évanoui, la lumière à la fin
de la neige a cerné les fleurs de ta bouche
dont les froids vifs avaient éprouvé les lèvres
descendant le long de la nuque
l'ombre s'est faite au beau milieu du temps
dans une ville de voyage où tu avais passé
il y a de cela des années
Il en reste comme le fil comme l'ailleurs
d'un dessein impossible
avec ses regards en dehors
ses regards en dedans
qui ne savaient attendre que se constitue
la très pauvre cendre des souvenirs
inquiètes de mourir de mort lente
sans avoir dénoué la profondeur
sans avoir rêvé à la lueur d'une flamme
de bougie posée à terre
là au centre d'un rien sans limites
la vie semble s'être retirée
Regarde sur ta paume se dessiner
les pleins et les déliés dans l'espace
des paroles échangées
un liséré d'eau sertir
chaque fois plus indéchiffrables
les silhouettes des arbres
qui pénètrent dans la maison
pour s'enliser à mesure
dans un azur terrestre
où se projettent et se confondent
toutes les œuvres humaines
et le vouloir qui les tient réunies
dans un secret espoir de réconciliation
entre les deux pôles qui les embrassent
comme ramenées à elles
nues à la mortelle blancheurDaniel Martinez
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"Elévation et mort d'Armand Branche", de Georges Duhamel, Bernard Grasset éditeur, 48 pages, 20 novembre 1919, 500 exemplaires sur vélin à la forme des Papeteries d'Arches (+ 12 HC)
Durant la Première Guerre mondiale, Georges Duhamel décide de s'engager dans le service actif, alors qu'il avait auparavant bénéficié d'une réforme médicale en raison de sa vue. Il veut faire don de lui-même et partager les épreuves des hommes de sa génération. À partir de 1914, il occupe pendant quatre ans les fonctions de médecin aide-major dans des "autochir" (ambulances chirurgicales automobiles), dans des situations souvent très exposées. Alors qu'il exerce près du front de Champagne en 1915, puis participe à la bataille de Verdun et à la bataille de la Somme, il décide de raconter les épreuves que les blessés subissent. Deux romans naîtront de cette expérience : d'une part Vie des martyrs, paru en 1917, un recueil de récits qui connaîtra un certain succès. La presse compare ce livre au roman d'Henri Barbusse, Le Feu, lauréat du Prix Goncourt en 1916. Georges Duhamel entreprend ensuite la rédaction de Civilisation, livre-témoignage sur les ravages de la guerre. Le livre sort en avril 1918 sous le pseudonyme de Denis Thévenin car Duhamel ne veut pas être accusé de profiter de la guerre pour faire de la littérature et reçoit le 11 décembre 1918 le Prix Goncourt.
Juste après ce Prix, Georges Duhamel écrivit "Elévation et mort d'Armand Branche", un livre étonnant où le narrateur opère un flash-back pour nous conter l'histoire d'un soldat pour le moins fantasque, victime de la Grande Guerre. Les valeurs humanistes de Georges Duhamel transparaissent, il se pose ici en témoin et emporte ainsi le lecteur par effet miroir, pour finir avec : "Tout cela peut vous paraître absurde. Je me rappelle seulement que, quand Branche expira, j'avais pris ses deux mains dans les miennes..."
Pour les lecteurs de ce blog, voici un extrait de ce livre, peu cité dans la bibliographie de Georges Duhamel, à tort.
Voici :