Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 5
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"Entre hier et demain", un poème de Daniel Martinez
Dehors sans point d'ancrage
quêtant la montée des signes
tendu plus âpre qu'avant
langue nouée nueuse
et ma toute buée
tu es là qui me parles m'envahis
sous la grenaille crépusculaire
jusqu'à perdre les mots
qui attestent la réalité du monde
ses formes et mouvements
dans la tête de celui en qui se tient
et attend l'univers entier
mâtiné d'un ailleurs
où la fugue où le souffle s'allient
pour le meilleur dirait-onDehors délivré
des viscères du froid
comme offrande consentie
aux ailes ouvertes de l'effraie
sur la toile griffée
et la marque de l'air
soudainement sensible
gardienne des visages anciens
livrés à la matière des brumes
de l'automne qui sonne
d'où s'effluvent les senteurs
et charbonne la parole
au paon de l'horizonDehors avec la sensation
de s'éprouver un instant
seul au monde emporté
au cœur de l'épaisseur
dont l'écho meurt en toi
la bise tourne entre les doigts écorcés
abandonne ses poignées de feuilles
les arbres craquent éventent
les rumeurs alentour
entre fétiches d'ébène
et verroteries de nuées tardives
vers le plus inconnuDaniel Martinez
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"Les moissons délaissées", de Jean-Guy Soumy, chez Robert Laffont, octobre 1992, 396 pages, 125 F
Jean-Guy Soumy est né à Guéret (Creuse), le premier juin 1952. Il a étudié la physique et les mathématiques à l'université de Limoges, puis a enseigné les mathématiques à l'I.U.F.M. du Limousin, à Limoges. Il vit aujourd'hui près de Bourganeuf, en région Nouvelle-Aquitaine.
Il est l'auteur de la trilogie "Les Moissons délaissées", dont le 1er tome a paru en octobre 1992, celui-là même dont je vous livrerai plus bas quelques extraits, mais aussi co-auteur d'ouvrages de mathématiques parus dans la collection "Vivre les mathématiques" chez l'éditeur Armand Colin. Jean-Guy Soumy appartient à l'École de Brive, nom donné à un courant contemporain du roman de terroir.
C'est l'histoire d'un homme et d'une famille que nous retrace Les moissons délaissées, roman chargé d'événements et de péripéties, qui restitue avec fidélité le monde rural du Second Empire et le Paris de Haussmann et de Garnier. Plus encore, Jean-Guy Soumy rend vie à un moment mal connu de notre passé et redonne voix au pays creusois. C'est en mars 1860, dans le petit village de Couteilles, au sud de Guéret, que le jeune François Ribière, pour la première fois, s'apprête à grossir la troupe de ceux qui partent "limousiner" - entendons par là qui s'en vont, à pied ou à cheval, rejoindre Paris afin de travailler, comme apprentis puis comme maçons, dans les gigantesques chantiers que le Second Empire y a ouverts. Il abandonne donc les siens tout comme les figures aimées et troque un environnement champêtre contre un cadre citadin, se fortifiant l'âme au contact des républicains qui s'opposent à l'Empereur Napoléon III, surnommé Badinguet par les républicains (du nom de l'ouvrier qui lui avait prêté ses habits lorsqu'il s'évada du fort de Ham, en 1846).
J'ai choisi pour les lecteurs du blog (qui me pardonneront d'être resté silencieux pendant le temps de la mise au net du numéro 94 de Diérèse) un extrait du quatrième chapitre (d'un livre qui en compte neuf) intitulé "L'hiver aux Couteilles".