Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 9
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Dramaturge, essayiste, romancier, conférencier, j'ai en mémoire ma classe de première au lycée de Mutuelleville (Tunisie) où Francis Valette présentait à ses élèves le recueil "Rhinocéros". C'est cet écrivain, véritable inventeur du théâtre de l'absurde, que nous avions entre autres au programme, un livre qui m'a marqué, s'il me faut ici le préciser. Il y avait bien du libertaire chez Ionesco, et cette manière qu'il avait de remettre en cause les vérités admises (de tous ordres) m'impressionnait, il est vrai.
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"Entrevisions", de Charles Jean Van Lerberghe, Paul Lacomblez éditeur, Bruxelles, 149 pages, 1898.
C'est Hubert Juin qui a permis que soit éditée une biobibliographie fournie de ce poète belge (Seghers, 1969, coll. Poètes d'aujourd'hui, n° 185), un auteur quelque peu absent des anthologies, mais que le Mercure de France publia par deux fois au début du vingtième siècle, soit :
Les Flaireurs, réédition, en 1904
Pan, en 1906 (cf. supra).
Poète symboliste belge francophone, Charles Jean Van Lerberghe est né dans une famille bourgeoise de Gand. Il est le fils de Jean Van Lerberghe et de Jeanne Marie Ghislain. Son père décède alors qu'il a sept ans ainsi que sa mère alors qu'il a quatorze ans. Il est alors confié à Désiré van den Hove, son tuteur légal qui est un oncle de Maurice Maeterlinck, futur écrivain et prix Nobel de littérature.
Surnommé "le poète au crayon d'or", Van Lerberghe n'assistera pas à la première de sa pièce Pan, représentée à Paris le 28 novembre 1906, avec, dans le rôle de Paniska, Colette, nue sous une peau de fauve. Il n'est pas présent non plus au Théâtre du Parc à Bruxelles, le 4 décembre de la même année, pour y applaudir une Colette portant un maillot et une robe. Quelques mois auparavant, en septembre, en visite chez son ancien camarade de classe, Grégoire le Roy, à Molenbeek, il avait été victime d'une hémorragie cérébrale. Après une année de paralysie, Van Lerberghe, le séraphin, mourut le 26 octobre 1907, à quarante-six ans.
Sans plus attendre, voici pour le plaisir de l'œil un poème (qu'il me soit pardonné, à mille lieues du registre mallarméen) extrait d'Entrevisions : -
"La naissance de l'instant", un poème de Daniel Martinez
Que fais-tu là porte ouverte à tous vents
sous la vague des années
à suivre des yeux
l'écho d'une figure singulière
où l'ici serait un maintenant
pour ainsi dire happé
par les matins de gel
l'hiver se prononce à cette heure
sourd aux incantations de la foule
sourd à ce qui plonge
au cœur du froid en ses terres là même
où s'étiolent les corridors d'une vie
tu te crèverais les tympans
pour ne plus entendre gémir
sous tes pas maints royaumes
pour ne plus te soucier
que de la naissance de l'instant
langue arrachée
à ce qui n'est pas visible
sans que tu saches au vrai
où accrocher tes doigts
où demeurer plus que jamais
Que fais-tu là porte ouverte
mendiant des repères
à redouter que rien vraiment
ne se décide à croître
hors l'inventive cruauté humaine
Daniel Martinez