Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 9
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Patrick Laupin est né en 1950 à Carcassonne. Il a publié une trentaine d’ouvrages de poésie, prose, récits, essais, qui sont des tentatives de restitution des lieux de la mémoire et de leurs effets vécus en corps. Il a créé à Lyon en septembre 2009 les journées d’écriture qui explorent l’étrange et merveilleuse présence du langage en chacun et les liens entre biographie, histoire et inconscient. Il anime des ateliers d’écriture fondés sur la rencontre et la découverte du Livre intérieur que chaque humain porte en lui. Il travaille avec des enfants dits autistes, en échec, perdus dans le langage ou refusant l’expression, mais dont la faim d’une inscription dans la lignée humaine scintille parmi la logique du vivant. Parallèlement, il a publié des livres, en apparence très différents, sur Mallarmé, sur les mineurs de fond des Cévennes, mais dont l’esprit commun tient au fait que quiconque écoute tient en vie son prochain.
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"Par qui", un poème de Daniel Martinez
Tu le revois sous la cassure de l'orage
une évanescente main de cartes
passée entre les doigts l'écho d'un rire
comme si ce n'était pas toi l'adolescent
nos visages se touchent mais aucune parole
ne vient enluminer les herbes de juillet
Villes d'or assoupies cités imaginaires
qui furent accordées
aux yeux ronds des oiseaux
est-il même certain que d'éclats en éclats
entrevus dans ces moments où
la contemplation absorbe
la pâleur qui s'élève
une promesse peut-être
lancée à la va-vite
noyée dans l'ocre du mur
soit réelle puisse infléchir le chemin
pour le sublimer plus que l'identifier
Lui s'élançait dans le paysage flou
désireux de repousser l'échéance
le demi-jour cendré
il avait fini par regagner
le pays de ses lectures
quand des perles filaient
sur le bois des fenêtres
derrière feuilles ronciers
lianes rideaux de lierre
roulaient sur des photographies
à bordures dentelées
avec cette couleur étrange
que prennent les iris
remis à l'espace dissocié du tempsTu le revois au pied des trois jarres
laissant mûrir les minuties et le grandiose
sans renier l'assise le syllabes de l'eau
l'haleine même des mousses sur la pierre
comme au fond du texte voyage l'inscription
qui serpente et se perd
fait germer l'infime phrase
que d'invisibles fils arrachent à la mémoire
entre le ferme le mouvant
alors eux deux s'arrêteront là
sans plus ni moins
que l'esprit d'aventure
propre à ceux qui ont voulu
se reconstruire avant de ne plus se dire
Daniel Martinez
le 20 / 7 / 25 -
"Abstraite", un poème de Daniel Martinez
Où l'esprit des images ne serait plus
que le pendant
de ce qui nous fait défaut
où l'astre depuis les monts
disperserait la gloire de la rosée
en eau de larmes
Si la nature n'est pas un temple
mais sous le fredon de la roche
et les coraux de nos entrailles
fait grésiller de maigres buissons
répliques du corps étreint
par les signes dont l'extension s'écrit
dans un cercle infini
Si la sève à la brune
prenait couleur de sang
et les vents en nous inspiraient
plus que l'air nécessaire
aux arceaux des heures
légères les légendes jetteraient
nues dans le ventre nu de la femme
l'écho de l'écho
déjà presque sans voix
le fruit d'un miel opaque
entre l'eau et l'air
Elle aurait pris le nom d'une île
arrachée au hasard
de la longue nuit minérale
survenue sans crier gare
d'un battement des paupières
d'un cillement à l'autre
Elle aurait pris sous ses mille yeux
couleur de la Question
des rythmes et des forces
qui se liguent et se livrent
sans finDaniel Martinez
le 18/7/25