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"A chaque pas", de Bertrand Degott, éditions L'Arrière-Pays, mai 2008, 40 pages, les 15 premiers exemplaires accompagnés d'une peinture originale de Christine Poumirau.

Bertrand Degott est né en 1955 au pied des Vosges, à Colmar. Il vit depuis 1982 à Besançon, ville historique fortifiée par Vauban, où il a enseigné en tant que professeur à l'I.U.F.M. Il partage avec les Bisontins une vive conscience de l'entropie ; notons que Bertrand Degott a pour bernard-l'hermite la langue et le vers (rimé). Ses quatre enfants sont bien vivants, eux aussi.

Bertrand D. a publié aux éditions Les Deux-Siciles (couplées avec la revue Diérèse, est-il besoin de le rappeler ici ?) "plusieurs vols d'étourneaux", ce en juin 2003, du temps où j'imprimais chez un reprographe à Fontainebleau. Par ailleurs, Bertrand Degott a publié à trois reprises dans les colonnes de la revue Diérèse, dans le numéro 18 (juillet 2002), 19 (octobre 2002) et 24 (décembre 2003). En ces temps-là, Diérèse ne comptait que 200 pages, imprimées elles dans le dix-huitième parisien.

Le livre dont je vais vous livrer quelques extraits a été publié par une maison d'édition défunte, tenue par Josette Ségura et Eric Dazzan. Signalons que lesdits ont été les maîtres d'œuvre d'une revue qui méritait le détour, "Possible imaginaire", une publication qui a compté trois numéros, s'échelonnant de l'an 97 à avril 2001, avec quelques belles signatures (Thierry Metz, Pierre Dhainaut, Gérald Neveu, Béatrice Douvre...)

 

 

 

 

 

La nuit superpose aux cyprès
dans la lueur de la lampe à pétrole
ton visage et le mien, mon regard près
du tien... parfois un papillon s'affole

et pour finir se heurte à la paroi
brûlante... aussi longtemps que nous demeure
la nuit, c'est en remède au désarroi
que nous cherchons les mots dont rien ne meure

en échec aux forêts si dévastées
par l'incendie, la bêtise ou l'orage
qu'en leur désastre on retrouve hélas tes
pas et les miens - les mots en témoignage

du silence à la lampe, aussi joyeux
qu'un soir où l'étang prolongeait tes yeux.

 

* * *

Septembre alors nous réapprend l'heure et
comme il passe en plein jour des traînées noires
que ça prend tout le ciel, qu'on a pleuré
peut-être, on veut en parcourant le square

marquer pour chaque rose une station
- la première veinée de rouge et rose
se désassemble avec ostentation
- de la seconde où le jaune refuse

d'être du rose on ne voit pour finir
qu'un restant de pluie près du cœur - la tierce
fripe son rose afin de retenir
les arcs-en-ciel que déplierait l'averse

pourquoi songer sur des chemins étroits
à l'églantier dont la fleur vaut les trois ?

 

* * *

Là-haut dans la bourrasque et le brouillard
à chaque pas la tourbe sur les chaumes
nous rend la pluie... un peu plus et le soir
la brume aidant l'on deviendrait fantômes

aussi faut-il nommer (même en plein jour
c'est urgent) le fil d'araignée, la branche
d'épicéa, les baies du sorbier pour
sentir qu'on est en vie, que c'est dimanche

sous la lampe au retour tu poursuivras
dans les bouquins ta recherche érudite
de mon côté j'éprouve entre tes bras
l'éventualité que l'amanite

rime avec ton prénom... - chacun s'endort
dans le langage, amas de feuilles d'or.

 

* * *

Dans le brouillard et sous la pluie battante
ils ont suivi la route entre les buis
que savaient-ils jusqu'alors de la sente
perdue ? l'avons-nous retrouvée depuis ?

et maintenant qu'une voix nous appelle
avec douceur, qui veut être obéie
tout prend l'humilité d'une chapelle
les justes proportions d'une abbaye

la pluie tombe encore sans doute, il monte
toujours du silence entre nous, l'odeur
abandonnée dans l'écharpe s'estompe
nous oublierons bientôt les promeneurs

à moins que leur passage entre les gouttes
et nos pas dans la brume ouvrent des voûtes.

 

* * *

Décembre en longues battues nous emmène
avec ses chiens de bise et de frimas
- voici fanées les fleurs d'un cyclamen
blanc où notre œil quelque temps s'arrima

tout ce qu'on risque à regarder les ombres
aller venir, aussitôt disparues
c'est d'éprouver comme on est seul et sombre
la neige tarde à recouvrir nos rues

on voudrait exprimer des fleurs fanées
non la vie tout extérieure et qu'on feint
mais l'émerveillement des fins d'années
mais la mort goutte à goutte - extraire enfin

la rose de Noël des immondices
et la nuit blanche où les lièvres bondissent.


Bertrand Degott

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