Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 2
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Relecture du manuscrit de La Recherche de Proust, précisément le quatrième paragraphe du feuillet d'épreuves qui regroupe les quatre thèmes essentiels développés autour des jeunes filles de Balbec, soit : le passage du temps, sous l'effet duquel les visages accomplissent une "révolution insensible", et le caractère éphémère de la jeunesse des jeunes filles en fleurs (j'y mets le "s" qui ne s'impose pourtant pas).
Elle suscite mon admiration, Gaëlle qui redoute d'entrer au collège à la prochaine rentrée scolaire, je la rassure, sous-entendant que le niveau général actuel n'est pas tout à fait le sien... et conclut pour le plaisir des sonorités par cette phrase qui me revient d'on ne sait trop où, lui en donnant la traduction : Cara mia selva d'oro richissimi capelli in voi quel laberinto amor intesse ond'uscir non saprà l'anima mia, soit : "Ma chère forêt aux cheveux d'or (c'est à Gaëlle que je pense, pour qui j'ai écrit d'une traite après sa naissance vingt-six lettres in Le Temps des yeux), l'amour tisse en toi ce labyrinthe dont mon âme ne pourra s'échapper."
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"Pas à pas jusqu'au dernier", de Louis-René des Forêts, Mercure de France, 80 pages, 21 janvier 2002, 9,50 €
Les débuts littéraires de Louis-René des Forêts datent de l'Occupation. Entre 1941 et 1943, il écrit Les Mendiants, publiés par Gallimard, et suivis en 1946 du Bavard, presque ignoré du public. Des Forêts se lie d'amitié avec Raymond Queneau et André Frénaud.
Après une année de travail avec le jeune éditeur Robert Laffont, il se retire en province. Il publie dans plusieurs revues : L'Arbalète, Les Lettres nouvelles, La NRF. En 1953, il revient à Paris et participe chez Gallimard à la conception de l'Encyclopédie de la Pléiade, avec Raymond Queneau, Il se lie alors d'amitié avec Michel Gallimard, Robert Anselme, Georges Bataille et Maurice Blanchot.
"Pas à pas jusqu'au dernier", paru post mortem mais dont le tapuscrit a été relu par l'auteur, est un recueil de « fragments réunis [...] un testament extrêmement lucide destiné aux êtres ‘‘animés’’ que sont le langage et la mémoire »Ci-après, un extrait, pour les lecteurs de ce blog :
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"De la mélancolie", un poème de Daniel Martinez
Et l'eau recouvre l'eau
un navire remonte jusqu'à
prendre le visage
d'une lointaine déchirure
dans les coulisses d'un miroir
elle voyage en elle-même
sur le seuil surprise du ciel
qui se coule dans la pénombre
et continue de scintiller
pour lui signifier le bruit de la nage
au retour vers le rivage
un soleil fauve l'effleure
l'infini devenu mouvement
sous le fouillis des heures
s'avance cette onde qui va
encombrée d'écritures
l'arracher aux soumissions
étreindre la peau tendre
de ses pieds nusElle est là souveraine
dans l'embrasure de la porte
qui te sourit jupons ébouriffés
jalousée par les dieux maladroits
fixant les cheminements de la mémoire
et les délices de la mélancolie
au travers d'un natté jaune d'or
une idée d'herbe remuée sous les mains
où l'on écoute le rien pénétrer
une histoire qui serait la sienne
quelque chose qui se rapproche
de ce qu'elle appelle de ses vœux
qui couvrirait ses chevilles glacées
muette mais certaine
des grands épanchements
qui président à notre destinée
quand vole file et flotte
la musique du vertige
et que reste inentamée
la chimie des vagues
ouvertes au plus offrant
aux choses que le temps
divise pour les réconcilier
Daniel Martinez
12/8/25