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Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 7

  • "A l'écart", un poème de Daniel Martinez

                                                 A poem is not made of words
                                                             George Oppen


    A l'écart     il tombe le météore
    indifférent à la gravité de l'enjeu
    paré de la couleur de l'espérance
    un vœu lancé à même
    les anfractuosités de la pierre
    mais toujours projeté
    dans le frémissement du vide
    dans l'intervalle qui sépare la chute
    de quelques pétales
    sa propre musique accordée
    à cette peur dans ta poitrine
    que le temps efface
    ton histoire tout entière


    à l'écart de l'esprit de conquête
    des fibres de la nuit
    cerclée des mots pauvres
    de leur incomplétude
    rien ne parle et tout résonne
    du premier au dernier cri
    sous le courant des souvenirs
    jamais tu ne donneras pouvoir
    aux pointillés qui bougent dans la page
    mais sauras toujours maintenir
    la nécessaire distance
    pour retrouver la trace
    d'un avenir libre
    de s'éteindre à sa guise


    à l'écart du bleu de la langue
    et de l'absorption de la loupe
    vrille
    la glotte du bègue
    papillonnent les perles 
    il pleut des fragments de monde
    l'autre en lui cherche une voie nouvelle
    qui n'est pas moins chimérique


              Entre tes mains caresse
    ce que délivre le poème
    bois à la destinée des flâneurs
    suis la longue calligraphie déployée
    par les ailes de l'aigle
    lisible à la fin
    lorsqu'entrevu ce peu
    se sera dissipé


    Daniel Martinez

     

     

  • "lèvre", un poème de Daniel Martinez

    lèvre pour éventer
    ce qui sourd à la porte de l'âme
    pour suivre la mort très lente
    des derniers finistères 
    et d'autres Amériques
    un simple souffle sur les cheveux
    livrés à la naïve harmonie de cet instant
    sur quoi se détachent
    les silhouettes de journaliers
    qui s'en vont défier d'un regard
    les progrès de la souffrance
    quand elle emprunte
    l'odeur des flammes blanches
    sur le brun des grès
    d'une rive à l'autre pour payer
    le prix de ton passage


    lèvre qui débouche à l'orée
    tel un faon passant
    le porche des sous-bois
    sur la terre feue
    pour y cueillir l'herbe guérisseuse
    y boire toucher des deux
    le vœu de la bruyère
    parmi les poussières invisibles
    tu n'es qu'un morceau d'ombre
    semé des grandeurs
    de l'entre-deux corps
    eau et sable mêlés


    lèvres qui lance leurs racines aériennes
    leurs mauves marelles
    aux portants de l'automne
    elles entourent ce qui n'a pas été
    ou si peu qu'on l'a oublié
    de grâce ne macule rien du règne
    d'une enfance qui tire à elle
    engravé jusqu'à la quille
    ses voiles élancées
    autour de quoi tourner encore
    sans plus de fin

    sous le tamis des orpailleurs
    et qui nous donne en retour
    le poème et la règle


    lèvres à travers cela
    que l'œil s'exerce à voir
    convoquant Keats Shelley
    parfois même
    le regard soucieux de Stevens
    apurant les comptes d'une vie
    consacrée à dame Poésie
    les retrouver dans le murmure
    prolongé d'insectes fragiles
    une vie en somme
    dont tu ne saurais t'évader

     

    Daniel Martinez
    le 9/6/25

  • "cendre", un poème de Daniel Martinez

    Cendre coupant le signe
    du savoir qui passait pour irrésistible
    viens te perdre dans le rayon mortel
    dans le très lent démêlement du matin
    nous volerons entre les ombres
    sereins


    cendre majuscule mémorable
    ne manque que la formule du passage
    des cônes ramassés dans l'herbe pleurent
    leur essence où viendra se réduire
    un univers
    telle est la romance
    le bourdonnement de la foule
    le chemin qui fait son chemin
    sans se soucier
    du tremblement qui l'achemine


    cendre fragments peaux mortes
    entre souffle et bruits de gorge
    avec quoi peser une fumée
    avec qui composer ma ténébreuse
    quand le matin revêtit sa robe déchirée
    laissant paraître les Sept Sceaux
    quelque chose d'extérieur s'écrit là
    volutes volutes où s'éploie
    le mûrier sauvage dans des odeurs
    de bitume de natrum et de myrrhe
    il n'est qu'un pas à faire pour infiltrer
    la liberté rongeuse du vent


    cendre au flanc des vases
    à l'odeur fauve comme un bras de la terre
    en quête du chiffre secret
    qui nous résume à ce peu
    traversant les rideaux
    la vraie distance
    de soi à soi enfin résolue


    Daniel Martinez
    8/6/25