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Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 4

  • "Par qui", un poème de Daniel Martinez

    Tu le revois sous la cassure de l'orage
    une évanescente main de cartes
    passée entre les doigts l'écho d'un rire
    comme si ce n'était pas toi l'adolescent
    nos visages se touchent mais aucune parole
    ne vient enluminer les herbes de juillet


    Villes d'or assoupies cités imaginaires
    qui furent accordées
    aux yeux ronds des oiseaux 
    est-il même certain que d'éclats en éclats
    entrevus dans ces moments où
    la contemplation absorbe 
    la pâleur qui s'élève 
    une promesse peut-être
    lancée à la va-vite
    noyée dans l'ocre du mur
    soit réelle puisse infléchir le chemin
    pour le sublimer plus que l'identifier


    Lui s'élançait dans le paysage flou
    désireux de repousser l'échéance
    le demi-jour cendré
              il avait fini par regagner
    le pays de ses lectures
    quand des perles filaient
    sur le bois des fenêtres
    derrière feuilles ronciers
    lianes rideaux de lierre
    roulaient sur des photographies
    à bordures dentelées
    avec cette couleur étrange
    que prennent les iris
    remis à l'espace      dissocié du temps

    Tu le revois au pied des trois jarres 
    laissant mûrir les minuties et le grandiose
    sans renier l'assise le syllabes de l'eau
    l'haleine même des mousses sur la pierre
    comme au fond du texte voyage l'inscription
    qui serpente et se perd
    fait germer l'infime phrase
    que d'invisibles fils arrachent à la mémoire
    entre le ferme le mouvant


    alors eux deux s'arrêteront là
    sans plus ni moins
    que l'esprit d'aventure
    propre à ceux qui ont voulu
    se reconstruire avant de ne plus se dire


    Daniel Martinez
    le 20 / 7 / 25

  • "Abstraite", un poème de Daniel Martinez

                      
    Où l'esprit des images ne serait plus
    que le pendant
    de ce qui nous fait défaut
    où l'astre depuis les monts
    disperserait la gloire de la rosée
    en eau de larmes


    Si la nature n'est pas un temple
    mais sous le fredon de la roche 
    et les c
    oraux de nos entrailles
    fait grésiller de maigres buissons
    répliques du corps étreint
    par les signes dont l'extension s'écrit
    dans un cercle infini
               
    Si la sève à la brune
    prenait couleur de sang
    et les vents en nous inspiraient
    plus que l'air nécessaire
    aux arceaux des heures
    légères les légendes jetteraient 
    nues dans le ventre nu de la femme
    l'écho de l'écho
    déjà presque sans voix
    le fruit d'un miel opaque
    entre l'eau et l'air


    Elle aurait pris le nom d'une île
    arrachée au hasard
    de la longue nuit minérale
    survenue sans crier gare
    d'un battement des paupières 
    d'un cillement à l'autre


    Elle aurait pris sous ses mille yeux
    couleur de la Question
    des rythmes et des forces
    qui se liguent et se livrent
    sans fin

    Daniel Martinez
    le 18/7/25



     

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  • "Sur le chemin du retour", de Jean Laude, éditions Club du Poème, nov. 1967, 54 pages, 300 exemplaires (les 12 premiers entés d'illustrations originales d'Yves Mairot)

    Jean Laude, né le  à Dunkerque et mort le est un poète, ethnologue, critique et historien de l'art français, spécialiste du primitivisme fauviste, du cubisme et des arts africains.

    Son premier recueil de poèmes (non mentionné sur Wikipédia) - sur les 14 qu'il fit éditer de son vivant a été illustré par Yves Tanguy, voici l'une des lithos l'accompagnant : 

    télécharger.png

         Son premier recueil donc avait pour titre Le Grand Passage (éditions du Dragon, 1954). Jean Laude concevait la poésie comme un acte qui doit "mener à ce qui est" (in Le Mur bleu, 1965). Nourri de l'œuvre des présocratiques Empédocle et Héraclite, lecteur assidu de Novalis et Hölderlin, il a voulu élaborer une écriture qui identifie l'Etre et la parole. Fuyant tout pittoresque, réduisant l'univers sensible aux éléments essentiels (l'arbre, l'oiseau, le sable, la mer, ou ici la montagne...), ses textes, constitués le plus souvent de versets irréguliers et fragmentés, expriment une quête de l'évidence première : harmoniser la parole et les éléments, ce serait assurer à l'homme l'éternité de la matière.
         Dans Le Grand passage, il écrit "Je porte la parole, pour tout pouvoir, un orage mort." Pour lui, l'espace investi (par l'écriture) renvoie l'homme non à la connaissance du monde, mais au doute introspectif. Toujours dans Le Grand passage, son livre fondateur : "Flux et reflux sur les sables, nous sommes envahis du dedans." L'apparente monotonie des sujets abordés par Laude dissimule, en fait, un mythe : la poésie doit être un retour aux origines du langage, au poète revient la tâche de retrouver une atlantide littéraire, qui recèlerait les mots d'avant la langue.

    J'aime particulièrement son récit : Sur le chemin du retour, dédié à Zdenek Lorenc, poète surréaliste, prosateur et traducteur, tchèque. Entre mes mains, l'exemplaire que Jean Laude avait dédicacé à Gérard Guillot (1932-2021), journaliste, critique littéraire et poète de son état.

    Pour les lecteurs du blog, quelques pages extraites du livre qui nous intéresse, où le narrateur s'adresse à une dédicataire inconnue de lui, virtuelle, ferment de l'écriture même. La symbolique de cette quête, fondue dans la nature environnante, ramène à la condition humaine, ses embûches, à accepter telles quelles.

    Voici :

     

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