Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 4
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Ce n'est pas l'édition originale - qui date de février 1939 - que j'ai entre les mains, mais une réédition parue moins de deux mois après qu'a été publiée la première mouture dans la collection la Pléiade des œuvres de Saint-Exupéry, avec une préface de Roger Caillois. Le côté Journal de bord de ce livre m'intéresse (quoi qu'il fût récompensé par le Grand Prix du roman de l'Académie française, alors que ce n'en était pas un), recueil qui devait initialement avoir comme titre "Etoile par grand vent".
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"Côte à côte", un poème de Daniel Martinez
De ce goût d'iode et de sel
au croisement des songes
où tenter de prendre fond
parmi les moires et reflets
du cheminement de l'être
un ibis un cortège de pies lovés
hantent l'immobile paix
pour se détacher
du siècle pèlerin
qui nous vit naître
Les formes s'épuisent et renaissent
roulent volutes dans l'arbre des veines
s'étirent les nuées
au cœur de notre incomplétude
âmes exaltées qui savent
la violence d'exister
les grandes solitudes
de l'art et de la passion
le désir de se laisser emporter
de se perdre au plus loin
en des terres inconnues
Glissent des oiseaux
dans le ciel incandescent
pareillement les émotions
qu'agitent mille nœuds subtils
d'intelligence et de mémoire
défaits là avec le temps
qu'il faut pour que ces chimères
s'évanouissent
Nous allions de concert
aborder l'autre rive où voltigent les heures
où l'étendue convoie
l'odeur de la mer
ses lignes et voltes ses cris étouffés
ses doigts mouvants
ombres d'étraves brisants de cendre
éboulements sableux
Sur le miroir mouillé des laisses
les mots nôtres ne seraient-ils
que coquillages concassés
remués sans fin par les marées
Daniel MartinezPS : les quatre poèmes qui précèdent ont été écrits d'une traite, donc non travaillés. Ils le seront pour éventuelle publication.
A E*, qui m'interrogeait tout récemment sur la tenue d'un Journal intime, d'un diaire, par votre serviteur, voici ce que je lui ai répondu :"Bonjour E*,
Si par le passé (il y a donc plus de dix ans) j'ai pu tenir un journal, "intime" comme tu le précises, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ce n'est pas que je manque de "matière", c'est que je n'ai pas vraiment le temps, et l'esprit qui va avec. Au jour d'aujourd'hui, je me suis orienté vers des poèmes (un journal poétique façon Pasolini) non travaillés, qui le seront ensuite si je les destine à la publication.
Du temps où j'en tenais un, de journal dit intime, c'était toujours avant de regagner mes pénates, une sorte de compte-rendu de la journée, au stylo à bille sur un calepin. Par exception : pendant mes voyages, comme en Inde, c'était dans le bus, pour aller d'une ville à l'autre, un carnet posé sur mes genoux. Mon journal indien est le plus abouti et je ne m'en interdis pas la publication un jour ; parallèlement, je dessinais alors, souvent dans le corps du texte. Le dessin permettant de se relaxer l'esprit tout en gardant sous les yeux le texte qui précède, en attente de celui qui suivra.
Et puis j'ai toujours eu une certaine défiance pour le fait de se raconter, prosaïquement parlant, car n'est pas Montaigne qui veut. Donc, je n'écrivais pas plus de 20 lignes au quotidien quand je me livrais à cet exercice.
Voilà, en résumé. Je ne crois pas qu'il y ait une recette miracle,. Cependant, l'écran du PC introduit une distance alors que le contact tactile avec la feuille de papier intimise la scription. Ce n'est pourtant pas le cas des poèmes présentés dans la rubrique "Journal" de mon deuxième blog. Dernier point : je n'écris jamais dans l'attente d'un publication, mais pour moi-même, par nécessité autant que par "hygiène mentale..." DM -
"Faux jours", un poème de Daniel Martinez
Un village investi par des elfes de jade
nos yeux brûlent dans l'infinité du dedans
dans une autre lumière plus vive
que le faux jour
la neige mentale verse sur la plaine
le mouvement lent d'une blancheur ailée
fenêtre ouverte tu feuilletais les dessins fébriles
d'Unica Zûrn avant qu'elle ne succombe
à ses propres fantasmes
cela simplement emporté par le flux
et les châteaux d'écume du temps
où girent sans fin
le sang d'étoiles naines
tombé d'un nid défait
juché sur la ramure
N'étions-nous pas payés
mille fois déjà d'avoir vécu
loin de tout dans la dérive
des oiseaux de grand chemin
n'étions-nous pas
horlogers de la rime
à incanter tel poème des Chimères
en l'heure creuse
qui floconne tout à l'entour
quelque part sur la frontière
de la veille et du sommeil
au regard vert de l'aube
confondue aux faibles battements
d'une mémoire primordiale
Daniel Martinez