Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 4
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Les éditions Le Fourneau ont publié trois fois Michel Bulteau. La première fois en 1982, avec Le Martyre de M. de Palmyre, une nouvelle constituée de trois fragments de journaux intimes puis, en 1983, avec un Calembour qu'Antoine Zettel le directeur, lui avait demandé, et qu'il lui donna malgré qu'il ait avoué n'avoir pas vraiment le sens des jeux de mots. Il s'était fort bien tiré de l'exercice, en y ajoutant une pointe de poésie, qu'on en juge : « Depuis le hold-up du temps, l'or loge dans les pendules. »
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"L'Immensité", un poème de Daniel Martinez
Les vents qui secouent la tête du seringa
couvrent le paysage frangé de brouillard
d'un temps à l'autre écrire revient
à tracer d'un doigt des signes
jusqu'en sa plus profonde et verte détresse
le nombre d'une aumône faite du pressentiment
que les mots dont l'écho meurt
sont uniques en eux-mêmes
où la lumière a goût de sel
où leur incessant renouvellement
révèle la crainte de les voir disparaître sans retour
Des larmes de buée filent sur le bord des fenêtres
dessinent à leur manière ce lieu insituable
où les paroles se forment avant de se formuler
une langue visuelle
les lueurs d'une mathématique d'ombre
de la profondeur qui vibre ou tremble
devant l'œil lourd du fleuve
des voix chuchotent un contrevent bat
ah connaître l'instant que notre propre miroir
aura brisé net quand l'agonie fera vivre
la violence première il n'est qu'un pas
il n'est que la poitrine de la terre pour dire
quoi dans sa propre essence retarde le passageQu'un pas pour entendre les longs wagons liquides
dévaler la pente flotter dans l'air
dissiper une haleine de reine
amoureuse des éléments qui l'entourent
du bruissement des mémorables
sous la profondeur d'un arrière-paysage
sous les muscles de bronze
des troncs d'érables laissés au vieillissement
sous la chevelure de dynasties invisibles
à travers l'immensité présente
fardée de bleu pailletée d'argent
Daniel Martinez -
"Les Cœurs purs", de Joseph Kessel, éditions de la Nouvelle Revue Française, 20 avril 1927, 224 pages, 1012 exemplaires
On ne présente plus Joseph Kessel, que j'ai découvert adolescent avec Le Lion, paru l'année de ma naissance. A mon sens plus palpitant que ne le fut Malraux, dont mon prof de Lettres m'avait demandé comme devoir de vacances d'étudier l'entrée en scène des différents protagonistes dans L'Espoir, en l'an soixante-quatorze. Je m'étais pour aller vite, plutôt ennuyé, passé les cent premières pages. Mais c'est une autre histoire.
Le livre que je vous présente aujourd'hui regroupe trois titres du romancier et reporter Joseph Kessel, réunis en un seul : Mary de Cork (Gallimard, 1925), une nouvelle confiée préalablement à la Revue des Deux Mondes en 1924 ; Mahkno et sa juive (Éos, 1926), où il revisite la légende d'un anarchiste de pacotille : "Chef de bande, il commence par piller les grandes propriétés, puis fait en partisan la guerre aux Allemands, puis aux bolcheviks, s'allie à eux contre Denikine, s'allie à Wrangel contre les bolcheviks. Avec l'ataman Grigorieff il prend Odessa, le trahit et l'assassine, massacre les juifs, les bourgeois, les officiers, les commissaires, bref, pendant deux années, terrorise l'Ukraine entière par son audace, sa cruauté, sa rapidité de manœuvre et sa félonie." ; et, troisième titre qui clôt Les Cœurs purs - Le thé du capitaine Sogoub (paru Au Sans Pareil, en 1926). Joseph Kessel précise : "Les trois histoires qui composent ce livre sont véridiques. Selon la lettre et selon l'esprit.".
J'ai choisi de vous donner à lire un extrait du Thé du capitaine Sogoub, avec le style s'il vous plaît d'un auteur qui l'avait en grand respect.Voici :