Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 36
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C'est Armel Guerne, un poète et traducteur dont j'apprécie particulièrement les Fragments, qui a établi la version française de ces écrits datant de l'époque de Heian (autrement dit : de la "Paix", en japonais, une époque qui court de 794 à 1185), âge d'or de la culture et de l'art nippon. Lesdits contes sont à rattacher à la troisième période de cette période (milieu du XI e siècle à la fin du XII e siècle de notre ère).
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"Pictures from Brueghel and other poems", de William Carlos Williams, New Directions, New York, 1962
William Carlos Williams a reçu en le Prix Pulitzer de poésie à titre posthume, pour le recueil Tableaux d'après Breughel et autres poèmes publié l'année précédente. Une poésie non lyrique, aimantée par le sujet, volontairement descriptive et portée par l'intention de faire sens. La découpe des vers, caractéristique, capte l'attention et fluidifie un rendu sans le musicaliser pour autant, à mi-chemin de la prose poétique. Dans la préface de son "grand œuvre", Paterson (du nom d'une ville ouvrière du New Jersey), il écrit :
"Nous voulons atteindre à la rigueur de la beauté. Mais comment retrouver la beauté quand c’est l’esprit qui l’emprisonne, sans qu’elle puisse lui échapper ?" Sans pour autant adopter dans son principe ce parti-pris, il convient néanmoins de lire une poésie qui, se défiant de tout essai de transcender le réel, finit presque malgré elle par convoyer des thèmes qui dans leur essentialité dérogent au simple rendu objectif, à cette école objectiviste et imagiste dont le poète, traducteur, critique littéraire et romancier américain a été l'un des membres fondateurs.
Quelques extraits choisis de Pictures from Brueghel and other poems, ici traduits par Yves Peyré : -
"Riveraines", Daniel Martinez
C'est verte que je te veux disait-il
peinture vivante descendue
aux sangs mêlés de nos légendes
ici et là les illusions permises
les anciennes soifs décriées
tout concourt au cœur lourd
et revient à l'éclat perdu
plus que Soleil et son bestiaire
le feu sommeille parmi les roches revenantes
sur l'ocre de la terre vers les empreintes
de ces pas qui creusent en toi
la question restée sans réponse
et sa vague d'or blanc
d'une lenteur nuptiale
ouvre des lèvres bleues
L'envers de la peau rayonne
d'une soudaine jeunesse
une rumeur enfantine de voix
venues d'on ne sait où
une poignée de brindilles
devenues bouquet d’étincelles
dans le tournoiement du regard
les moissons s'épandent
et le présent tout juste paru se dérobe
comme un poème insaisissable
un livre d'heures des lumières
où remonter à contre-courant
le tracé d’un très lent éclairet suivre la trame des mots
qui l’animent sans fin
Daniel Martinez