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On le connaît moins en tant que poète, et pourtant... Les poèmes en prose qui suivent, toujours inédits en livre, ont été écrits fin 1987, dans l'éphémère mais non moins talentueuse revue de Francis Giraudet et Bérénice Constans, amateurs d'art brut et de poésie en liberté : une revue qui a donné asile à bien des plumes qui deviendront célèbres. Ce numéro 9 des Cahiers du Schibboleth était entièrement dédié à Michel Vachey, mort dans sa quarante-huitième année le 5 mars 87, dont le dernier livre paru s'intitulait "Après-midi à rien" (éd. Inanition S.A.) :
Que nos dents le sel
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"Les limites heureuses" : Daniel Martinez
Les mains plongent fouillent
couleurs et sons
allers et retours au profond
elles y recueillent le mystère des choses
sans visage et sans yeux
brume haletée soupirs cornes de brume
à cris rauques emportées
par le mourir du temps
vrilles crinières échevelées
sans le compas de la raison
toute conscience effacée
Aux terres crêtées d'eaux
festin de haute de basse mer
aux longs mâts de bois brut
dans la claire rougeur
riche de tous les vents
consonnes opaques contenues
lapées dissoutes oubliées
entre le vivre et son suspens
tripes et biles noires
dessous la coque pleine
offerte aux courants
amarrée à demeure
au présent du passé
s'estompe la lumière
fige les grappes d'acier
nœuds de chair
en quête du sans-nom
Daniel Martinez -
"Murmures d'érable", de Georges Coppel, aux éditions L'œil du griffon, avec un dessin de Raymonde Godin, 15 novembre 1995, 32 pages
De cet auteur bientôt centenaire, très peu médiatisé, amateur de peinture et devenu éditeur à soixante-dix ans (il n'est jamais trop tard pour bien faire), on sait qu'il a publié quatorze livres, tous d'essence rare et pas pour autant hors de prix. J'en retiens trois, hors "Murmures d'érable" dont vous pourrez lire un extrait choisi, proche du poème en prose, comme beaucoup de ses opus.
Au fil de l'eau, mentionnons deux de ses livres parus en 1995 : "Le rêve d'Albert" et "Manuscrit trouvé dans l'Otago" (l'Otago étant comme chacun sait une région de Nouvelle-Zélande). Son dernier, qui le restera vraisemblablement : "L'îsle aux femmes" (2012), illustré par Colette Deblé, opus dont voici la couverture, plus bas reproduite. Tous les ouvrages de cet auteur ne sont qu'exceptionnellement documentés, c'est donc un plaisir pour les amateurs de livres, les happy few, que de les découvrir, ici ou là, hors les circuits commerciaux habituels.
Langue classique, émaillée des caprices de la réalité, revisitée selon. Parades d'ombre et de lumière, un vocable possible, un autre encore ! Ou tel autre ? Travail, tourments, risques du choix...