- Page 2
-
On sait bien peu de choses sur ce poète, né en 1931, mort en 1988, discret de nature, qui fut libraire à Amiens, traducteur du japonais, avec ce livre posthume édité par La Délirante : "L'Ermitage d'illusion" qu'il traduisit (un opus de Matsuo Bashô) et préfaça. On citera aussi, dans cette lignée et cette fois composé en français, son recueil "Allumettes japonaises" (aux éditions Léoréca,1977). Ou encore : "Onze vues à travers les volets" : des proses de Jacques Bussy inspirées par des tableaux de Katsuji Ishikawa, opus paru aux éditions Aoï en 1978.
-
"Yann Andréa Steiner" de Marguerite Duras, éditions POL, 9 juin 1992, 144 pages, 79 F
L'un de ces livres autobiographiques de Marguerite Duras, dont elle avait le secret, où elle nous parle de celui qui fut son dernier compagnon, Yann Andréa Steiner, son dernier amour, qui donne son titre au livre. Rien de romancé, de sentimental à l'excès, tout est dans le ton, un style faussement simple pour dire le fragile et l'impalpable, le fugitif qu'il convient d'essayer de saisir au mieux pour ne pas le perdre, ou en perdre le moins possible par l'écrit, avec l'étrange sensation d'avoir effeuillé des jours leurs envers. Quand la beauté serait son en-face, son miroir dans le fini, la figure de son manque, sur la scène de la vie. Son subtil inachèvement.
D'une voix qui bien sûr s'adresse ostensiblement au lecteur, mais se permet, aussi, de parler à la personne qu'elle fait vivre, qu'elle vouvoie ou tutoie selon, et à celles qui viennent se greffer à l'histoire dans le même temps, l'enrichir ; une voix totale et qui, pour le rester, refuse de se plier à un quelconque genre.
Lisez plutôt cet extrait choisi : -
"La Mer écrite" : Marguerite Duras, photographies d'Hélène Bamberger, éditions Marval, 1996, 72 pages, 59 F.
Dernier livre de Marguerite Duras, décédée le 3 mars 1996, dont elle a pu corriger les épreuves mais qu'elle n'a jamais vu imprimé, on ne peut se le procurer aujourd'hui que dans sa version numérique (...). De 1980 à 1994, Marguerite Duras et sa jeune amie photographe Hélène Bamberger ont réalisé de petits voyages en Normandie, mais aussi dans son appartement de la rue Saint-Benoît à Paris. Peu à peu les itinéraires et les cadrages ont été dictés par l'écrivain qui présente dans ce livre "son" paysage, via des images de très nombreux lieux, maisons, objets qui retenaient son regard. Yann Andréa, son compagnon rencontré en 1980 et qui l'accompagnera jusqu'à sa mort, la conduit dans ses courts périples avec la photographe chargée de garder mémoire de ce que sont, de ce que furent ses derniers points d'attache à la vie.
Le 3 janvier 96, elle dit : "Yann, je suis encore là.
Il faut que je parte.
Je ne sais plus où me mettre.
Je vous écris comme si je vous appelais."Plus tard :
"Je crois que c'est terminé. Que la vie c'est fini.
Je ne suis plus rien.
Je suis devenue complètement effrayante.
Je ne tiens plus ensemble. Viens vite.
Je n'ai plus de bouche, plus de visage."
Quelques photos, accompagnées des paroles que Marguerite Duras écrivit en les regardant, ont permis aux éditions Marval de publier La Mer écrite.
Les propos qui suivent, d'Hélène Bamberger - qui raconte l'aventure de ces photos, de ce livre -, ont été recueillis par Michel Cournot :