Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 90
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Une poète, qui fut aussi traductrice, éditrice, qui a consacré sa vie à la poésie nous a quittés tout récemment, à quelques pas de la nouvelle année. Déjà très affaiblie, Jeanine Baude n'était pas présente sur le stand des éditions Petra qu'elle animait, au Marché de la poésie qui s'est tenu du 20 au 24 octobre 2021. Son dernier livre, Les Roses bleues de Ravensbrück, sera commenté dans le numéro 84 de Diérèse.
"La nature reverdit de sa noble lumière, éternelle vestale de ce jour
Revient
Geste cent fois répété de l’oubli sur les pages, l’effacement
J'ai choisi pour accompagner ce trop court hommage son "Portrait de femme", elle y parlait alors de Patricia Castex Menier. Un texte paru dans la revue A l'Index n° 34, collection Empreintes (juillet 2017), pages 78 à 80. Une projection personnelle y est lisible, soulignant en écho l'implication dans l'écriture qui a été aussi celle de Jeanine Baude.
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"Les Cahiers du Schibboleth" n° 9, 20 décembre 1987, 146 pages, 60 F
Antoine Volodine est né en 1949. Il a publié une quinzaine de livres qui fondent le « post-exotisme », univers littéraire parallèle où onirisme, politique et humour du désastre sont le moteur de toute fiction. Des anges mineurs (1999) lui a valu le prix Wepler et le prix du Livre Inter 2000. Terminus radieux (2014) lui a valu le prix Médicis. Après avoir enseigné la littérature russe – qu’il traduit également –, il se consacre entièrement à son œuvre. Il a écrit plusieurs textes pour la radio (France-Culture) et sa construction romanesque est aujourd’hui riche d’une trentaine de titres. Il vit à Orléans et voyage souvent en Orient (Macao, Hong Kong).
On le connaît moins en tant que poète, et pourtant... Les poèmes en prose qui suivent, toujours inédits en livre, ont été écrits fin 1987, dans l'éphémère mais non moins talentueuse revue de Francis Giraudet et Bérénice Constans, amateurs d'art brut et de poésie en liberté : une revue qui a donné asile à bien des plumes qui deviendront célèbres. Ce numéro 9 des Cahiers du Schibboleth était entièrement dédié à Michel Vachey, mort dans sa quarante-huitième année le 5 mars 87, dont le dernier livre paru s'intitulait "Après-midi à rien" (éd. Inanition S.A.) :
“Noire sœur
sang frais de la pluie
le ciel est ta sente
la nuit t’envie
tu te donnes &
ne rends rienQue nos dents le sel
la touffe des narines
prix & déchirure
l’inverse l’averse”
Voici à présent, en ce dernier jour de la mémorable année 2021, trois prosèmes d'Antoine Volodine : -
"Les limites heureuses" : Daniel Martinez
Les mains plongent fouillent
couleurs et sons
allers et retours au profond
elles y recueillent le mystère des choses
sans visage et sans yeux
brume haletée soupirs cornes de brume
à cris rauques emportées
par le mourir du temps
vrilles crinières échevelées
sans le compas de la raison
toute conscience effacée
Aux terres crêtées d'eaux
festin de haute de basse mer
aux longs mâts de bois brut
dans la claire rougeur
riche de tous les vents
consonnes opaques contenues
lapées dissoutes oubliées
entre le vivre et son suspens
tripes et biles noires
dessous la coque pleine
offerte aux courants
amarrée à demeure
au présent du passé
s'estompe la lumière
fige les grappes d'acier
nœuds de chair
en quête du sans-nom
Daniel Martinez