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Serge Safran est né à Bordeaux et vit à Paris. Auteur de livres de poésie, récits de voyages et théâtre, il a d'abord partagé son temps entre son travail d'enseignant (professeur de lettres en lycée et collège à Sarcelles), de journaliste (notamment au Magazine littéraire), et de directeur aux éditions Zulma qu'il fonde en 1991 avec Laure Leroy.
Le livre dont j'ai choisi un extrait, Lettres gersoises, fait partie de ses écrits intimes ; il a été publié dans une sympathique maison d'édition : les éditions du Laquet, où Gil Jouanard (écrivain évoqué il y a quelques jours dans ma note blog - rubrique Auteurs - sur C'est la vie) y a publié par deux fois, soit : Maramures - Terra incognita ainsi que Paris villages - Etapes a capella à travers l'harmonia mundi,
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"La Tristesse du roi", un poème de Daniel Martinez, d'après une toile de Matisse
à Richard R.-W.
Si bien qu'en vêture noire
ce qui persiste au centre de la toile solennise
forme un chœur autour de la plaie
et le peintre dont le visage a disparu
dans les eaux basses de la nuit
collecte les sonorités qui lui parviennent
près desquelles il est Lui
depuis le puits de son oreille
celui qui continue d'animer la scène
ses mains percluses d'arthrose voudraient
bien saisir la guitare qui lui jure
éternelle allégeance
il n'y a plus dans l'atelier
ni huile de lin ni siccatif
mais pressentiments d'immortalité
Seules les gouaches découpées
réinventent à leur manière le flux fœtal
la forme des formes au moment même
où elle s'éprennent de réalité
sans qu'ici représenté l'artiste
puisse vraiment voir cette part d'invisible
qui entoure la création
encapuchonné qu'il est une voûte
où sèche le bois à feu
que d'autres mers et d'autres cieux
graveront en leurs lieux
frôlant le ventre de la danseuse qui s'éploieBelle dont la poitrine semble celle
soulignant doucement courbes et contre-courbes
dans l'ordre débridé des surfaces
la transparence de sa carnation
dévore l'espace clair
Elle s'élève face à lui l'univers aux aléas contenus
lui fait signe l'enveloppe uniment
feuilles et plantes poussent de ses mains
virevoltant de-ci de-là
à l'échelle où notre regard
ne se sent dominé de nulle part
reine en son genre
qui fait de l'atelier une serre
lianes estampillées de mille attentes
semblables à celles lancées
pour retrouver les pas d'un père
sur les lieux mêmes qu'il aurait parcourus
Vous êtes pris vous en êtes
de ces auditeurs qui sentent
aux sons du tambourin
les rythmes premiers du monde
ceux du Musicien suprême
tout ce désordre apparent
rassemblé du dehors au dedans
glissant de leur atmosphère propre
à celui du tableau en sa présence bleutée
en son apesanteur sans jamais
l'épuisement de sa transposition
ses mains à lui au musicien
illuminent ce qui reste de noirceur
embellissent les indices
d'une prise de possession du monde
par la musique des sphères
toute une gamme de gestes simples
condensent les veloutés sonores
Des forces croissent indivises
une volonté inconnue change d'expression
librement hardiment
éclate la Délivrance
Daniel Martinez -
"La langue des chemins", un poème de Daniel Martinez
Au ponton d'une rime
sur la table de verre tu écoutes
bruire la solitude des jours
mes mains en toi renouvelées
abordent la langue des chemins
et le mufle luisant des roches
touchent aux confins
les plus reculés de la conscience
peignent l'imaginaire
de cet absoluCe sont là-devant
offertes en attente
peintures d'Italie claires
une troublante dérive vers
ces toiles de Nicolas de Staël
peintes lors de son voyage en Sicile
toute chronologie leur est inutile
ce qu'elles donnent creuse la durée
au gré de l'histoire
d'une œuvre à l'autre reproduisent
le même immobile frémissement
Frère poète qui répondait
au nom de Paul Engelibert
tu t'es pareillement défenestré
un jour de décembre
et le bleu se fit bas
sur l'huile du soir naissant
l'horlogerie des particules
avait trouvé sa proie
en un monde qui fait sien
l'extrême que l'on ne peut élider
Daniel Martinez
27/10/24