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Journal du 12/2/22

"Voudrais-je être une comète ? Oui. Car elles ont la rapidité des oiseaux, elles fleurissent en feu et elles sont en pureté comme des enfants." Hölderlin

Diane me dit : "Je ne voudrais pas devenir adulte".
Moi :"Le problème, mon petit cœur, est d'abord d'échapper à la bêtise du monde adulte, sous toutes ses formes. On le devient forcément, adulte, mais on peut éviter de laisser sa vie filer entre ses doigts, de se laisser dérouter à mesure par les mots-clés et les déterminants d'une prétendue réussite sociale. A cette heure, l'âge aidant, ce ne me semble pas vraiment difficile, quoique : sans opposer d'efforts à l'attraction générale, on perd la source même de nos passions premières, inévitablement. Car il est toujours plus facile de s'en remettre aux logiques illusoires de l'époque et de perdre de la manière ce qui fait notre richesse initiale. Je t'apprendrai jusqu'à ma fin à prendre tes distances avec la surface du monde, à cultiver la merveille de l'imprévu."

Gaëlle : "Je ne voudrais pas que tu meures un jour."
Moi : "Tu as des gens qui sont à peu près morts de leur vivant, j'en connais tant. Le problème n'est pas de mourir, on a tous une fin, on ne sait pas trop quand, qu'importe. Le tout, c'est de savoir, sa vie durant, épeler les bleus, les verts, les rouges, les jaunes, tout un alphabet de couleurs qui nous sont lumière, au seuil des heures et des jours et des années, ou dans le temps d'après, qui est leur suite logique. Il y a cette phrase d'André Breton que j'aime : "Sur cet écran tout ce que l'homme veut savoir est écrit en lettres phosphorescentes, en lettres de désir." La vie est un écran, et à chacun d'y trouver les couleurs qui le feront frémir, s'émouvoir, se passionner. Savoir regarder pour enfin savoir se regarder pour ce que l'on est, pas pour ce que l'on voudrait qu'on soit. La mort est juste une fausse note, elle n'a de réelle importance que pour celles et ceux qui n'ont rien cherché qu'à obéir aux préceptes sociaux, à se passer sous silence, à oublier que c'est la flamme qui donne sens au feu."

 

 

Une belle lettre de Daniel Abel, l'un des derniers surréalistes du groupe originaire toujours en vie, reçu par le courrier du jour, avec une petite peinture sur Canson noir, portant le titre d'un de mes poèmes : "Grand large". A lui la parole :

"Ici les perce-neige pointent la tête. Le rituel du printemps va s'instaurer et - ouf ! - les jours rallongent. Ma voisine et amie, Anne Ferdière (ndlr : la fille de Gaston Ferdière, dit "le docteur") chaque matin promène sa chienne. Il y a eu Igor, pour lequel le docteur avait fait fixer cet avertissement à la porte : "chien méchant et perspicace" alors que c'était un gros balourd, puis Flora et aujourd'hui Farandole, expansive au possible. Quand je me rends chez Anne j'ai droit à une séance de léchage. Les chiens ont été enterrés au fond du parc, sous les hauts arbres là où chaque année s'épanouit la symphonie d'or des jonquilles. Avec les espaliers en fleur c'est le plus beau moment du printemps - petite monnaie des anémones sylvie égrenées aux orées forestières.
Dans le salon d'Anne il y avait une baudruche représentant le Cri d'Edward Munch. Y est-elle encore, il faudra que je m'en assure. Sur le terre-plein, c'est le paradis des oiseaux : eau, menues miettes à leur intention, ils y viennent, légers, sautillants, donnant du bec, ils s'éparpillent, reviennent... le mouvement, la vie. La liberté d'aller où on le désire, d'obéir à ses envies, mais quelle chance !
A ce sujet, deux expositions au Grand Palais avaient retenu mon attention : Les 9 Rasas de l'art indien (les 9 aspects de la vie, l'érotisme en premier). La deuxième exposition avait pour thème Le mouvement. Passionnant. Le mouvement, qui est la vie même. Voir aussi ce qui le contrarie : l'affligeant spectacle des EHPAD (aux actualités ces temps-ci)..."

 

Beaucoup de services de presse gonflent le volume de ma boîte aux lettres. C'est à se demander si tous ces éditeurs ne voient en Diérèse qu'un tremplin publicitaire ! Ceci dit, je n'ai rien contre ceux avec qui j'ai des liaisons régulières et auprès desquels je sens un réel terrain d'entente, comme L'Ail des ours, L'Herbe qui tremble, Le Contentieux... Mais d'autres directeurs de publication, tout à fait inconnus, se permettent de m'appeler "Cher ami" et de terminer la lettre d'accompagnement de leurs services de presse en me faisant part de leur amitié... J'ouvre alors de grands yeux : d'amis, en aurais-je autant que cela, aux quatre coins de l'Hexagone ? Je m'amuse alors parfois à leur rendre la pareille à mes moments perdus - il en est peu -, en me décrétant le leur, et en leur demandant au passage s'ils accepteraient que je leur présente tel auteur de ma connaissance qui aimerait se faire publier chez eux. Même si ce n'est pas le cas, juste un ballon d'essai, pour voir.
Lorsqu'il y a réponse, c'est du genre... (je n'invente pas) :
"Veuillez m'excuser, j'ai perdu mes lunettes, mais mon opticien m'en a promis de nouvelles pour bientôt ; faites-lui envoyer son fichier numérisé, que je lirai dès qu'il me sera possible. Avec mes pensées cordiales."
Tout le charme du milieu littéraire, ici résumé.


Daniel Martinez

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