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"Paraulas per questa terra", de Marcela Delpastre, imprimerie de Plein Chant, poèmes choisis, 31 pages, édité à Bassac en décembre 1997

Poète, conteuse, romancière et ethnologue, Marcelle Delpastre est parfois citée comme l'un des dix plus grands écrivains occitans du XXe siècle (au côté de Joan Bodon, Bernard Manciet, René Nelli ou Max Rouquette). 
Marcela Delpastre est née en 1925 dans le hameau de Germont, sis en la commune limousine de Chamberet. Sa vie prendra fin au même endroit en 1998. Indépendante de tous les "ismes" qui ont marqué le siècle passé, et préservée d'un désir de reconnaissance par la "grande" édition, son œuvre poétique est immense (ballades, proses poétiques, poèmes dramatiques, etc.), tant en occitan qu'en français. Quant à ses nouvelles, elles délivrent un univers angoissant et un érotisme cruel, piquant, au regard du poussif Puydômois Georges Bataille. Elle fut aussi mémorialiste (sept gros volumes de souvenirs, dont trois parus chez Payot : Les chemins creux, Derrière les murs, Le temps des noces).

Sous le titre de Paraulas per questa terra, ce sont plus de quatre cents poèmes (20 ans de poésie occitane : 1975-95) qui ont été publiés en cinq volumes, comme la suite des soixante-dix Saumes Pagans (1974) dont ils eussent pu également prendre le bel intitulé : Psaumes païens.

Les poèmes choisis par Plein Chant dans ledit opuscule et dont je vous donnerai à lire des extraits appartiennent aux deux premiers volumes publiés en décembre 97 aux Edicions dau Chamin de Sent Jaume, 87 380 Royer de Meuzac (224 F les deux tomes).



 

 

Les deux levains   (Los dos levams)

Il y a deux levains dans chaque corps, le levain vif, le levain mort - la graine et la poussière.

La semence qui t’enracine dans la terre depuis si longtemps prend son souffle dans la poussière.
De si longtemps elle a traversé le corps, entre l’étoile et la poussière, entre le temps et l’autre temps.
La graine. Le sang de la graine qui porte l’arbre de la graine, entre les fleurs d’hier et les fleurs qui viendront.
Et la poussière. Un corps. Un corps de gel qui prend son corps d’éternité, dur comme pierre. 
Mais la pierre se désagrège, sans tarder, tendre fange et cette boue fermente, cidre nouveau.µ

Levain, levain de l’autre graine ! Un corps de fumier où tant de bouches viennent boire,
et tant d’ailes, dans la chaleur. Tant de racines, tant de mains, qui toutes porteront
de feuilles et de de fleurs les deux levains, la graine et la poussière.

 
* * * * *

Le tendre temps   (Lo tendre temps)

Je le sais bien, qu'un jour - le soir, la nuit, à l'aube -
j'oublierai le vent et les nuées, et la saveur de l'herbe.

Plus rien ne me troublera, ni la terre qui fend, ni le soleil qui brûle,
le gel qui pend depuis le haut du toit, ce qui hurle et ce qui brame,
et ni la course de la chèvre, ni le poil ni la paille, le grain ni la graine.

Je peux faire le tour de tout ce qui se voit, se sent, se mange et se touche,
rien qui ne s'oublie, rien qui reste - de tout ce qui s'entend, de la rose, et de l'odeur du miel.

Je l'oublierai, je le sais bien. Mais revienne, pourtant, revienne un seul jour de vent !
- d'eau, de vent, de pluie douce, de respiration - à perte de vue du ciel le temps
tendre, le tendre temps qui fait rire la branche et qui berce la fleur.

 
* * * * *

L'arbre coupé   (L'aubre copat)

L'arbre qu'on a coupé se vide de sa sève, et l'homme de son sang.
le source de sa coulée. Vignes, douces vignes, vous donnerez le vin,
et le parfum en montera, du moût nouveau, comme de rose.

Et quelle odeur en montera, du vin nouveau, comme d'un four !

L'eau s'en ira trouver les chemins de la sève. Et tu te sèmeras
graine de l'homme comme un gland, d'un temps à l'autre.

Tu te sèmeras, tu seras parfum, tu seras le sang, tu seras la sève.
Et la chair de la noix sous la neige d'hiver, le papillon blanc dans son cocon.

Ce que tu fus, tu le seras. Ce que tu es, ce que tu seras - que tu le croies ou ne le croies pas - d'un seul élan.

Tu seras l'arbre coupé, la branche, tu seras la fontaine et l'étang,
l'herbe, la graine, l'homme vivant - tu portes dans ton cœur la terre avec l'étoile,
et le vent de l'éternité.

 

Marcela Delpastre

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