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Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 16

  • "L'Immensité", un poème de Daniel Martinez

    Les vents qui secouent la tête du seringa
    couvrent le paysage frangé de brouillard
    d'un temps à l'autre écrire revient
    à tracer d'un doigt des signes
    jusqu'en sa plus profonde et verte détresse
    le nombre d'une aumône faite du pressentiment
    que les mots dont l'écho meurt
    sont uniques en eux-mêmes
    où la lumière a goût de sel
    où leur incessant renouvellement
    révèle la crainte de les voir disparaître sans retour


    Des larmes de buée filent sur le bord des fenêtres
    dessinent à leur manière ce lieu insituable
    où les paroles se forment avant de se formuler
    une langue visuelle
    les lueurs d'une mathématique d'ombre
    de la profondeur qui vibre ou tremble
    devant l'œil lourd du fleuve 
    des voix chuchotent un contrevent bat
    ah connaître l'instant que notre propre miroir 
    aura brisé net quand l'agonie fera vivre
    la violence première il n'est qu'un pas
    il n'est que la poitrine de la terre pour dire
    quoi dans sa propre essence retarde le passage

    Qu'un pas pour entendre les longs wagons liquides
    dévaler la pente flotter dans l'air
    dissiper une haleine de reine
    amoureuse des éléments qui l'entourent
    du bruissement des mémorables
    sous la profondeur d'un arrière-paysage
    sous les muscles de bronze
    des troncs d'érables laissés au vieillissement
    sous la chevelure de dynasties invisibles
    à travers l'immensité présente
    fardée de bleu pailletée d'argent


    Daniel Martinez

  • "Les Cœurs purs", de Joseph Kessel, éditions de la Nouvelle Revue Française, 20 avril 1927, 224 pages, 1012 exemplaires

    On ne présente plus Joseph Kessel, que j'ai découvert adolescent avec Le Lion, paru l'année de ma naissance. A mon sens plus palpitant que ne le fut Malraux, dont mon prof de Lettres m'avait demandé comme devoir de vacances d'étudier l'entrée en scène des différents protagonistes dans L'Espoir, en l'an soixante-quatorze. Je m'étais pour aller vite, plutôt ennuyé, passé les cent premières pages. Mais c'est une autre histoire.
    Le livre que je vous présente aujourd'hui regroupe trois titres du romancier et reporter Joseph Kessel, réunis en un seul : Mary de Cork (Gallimard, 1925), une nouvelle confiée préalablement à la Revue des Deux Mondes en 1924 ; Mahkno et sa juive (Éos, 1926), où il revisite la légende d'un anarchiste de pacotille : "Chef de bande, il commence par piller les grandes propriétés, puis fait en partisan la guerre aux Allemands, puis aux bolcheviks, s'allie à eux contre Denikine, s'allie à Wrangel contre les bolcheviks. Avec l'ataman Grigorieff il prend Odessa, le trahit et l'assassine, massacre les juifs, les bourgeois, les officiers, les commissaires, bref, pendant deux années, terrorise l'Ukraine entière par son audace, sa cruauté, sa rapidité de manœuvre et sa félonie." ; et, troisième titre qui clôt Les Cœurs purs  - Le thé du capitaine Sogoub 
    (paru Au Sans Pareil, en 1926). Joseph Kessel précise : "Les trois histoires qui composent ce livre sont véridiques. Selon la lettre et selon l'esprit.".
    J'ai choisi de vous donner à lire un extrait du Thé du capitaine Sogoub, avec le style s'il vous plaît d'un auteur qui l'avait en grand respect.

    Voici :

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  • "Vingt-deux poèmes dédiés", de Mathieu Bénézet, Le Voleur de Talan éditeur, 174 ex. numérotés, décembre 1983, 32 pages

         Né au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Mathieu Bénézet nous a quittés dans sa soixante-huitième année, en 2013. Le livre que je vous présente aujourd'hui n'est pas le plus connu de lui, la raison même de mon choix. Il est dédié à Alain-Christophe Restrat (qui a publié, lui, en cette même année 1983 : Quelque chez Le Voleur de Talan également). 
         Le livre de Mathieu qui m'est le plus cher est Ode à la poésie (janvier 1984-janvier 1987) (William Blake & Co. éditeur, 30 mars 1992) : son art poétique en quelque sorte, une leçon de lyrisme qui contraste singulièrement avec un certain minimalisme en vogue dans la poésie actuelle. Ecoutez plutôt :
              "âme de nos pas tu parais à l'instant où nous regagnons le vide
              c'est si difficile en pleine montée de l'enfance de quitter
              les fleurs et le ross

              ignol du désir lèvres humides des haleines lilas
              c'est effrayant chercher que la tristesse de l'homme ne se perde pas
              mais peut-on conserver un charme qui cachait une ruine d'homme..."
    Au sujet du moi en poésie, ce qu'il en disait :
    "Je désire commencer ainsi : le moi est sans littérature. Ou encore le moi est littéraire de part en part. Le moi sans littérature est le moi de naissance - celui dont il faudra porter le deuil après que nous l'avons tué." 

    C'est dans le numéro 142 (décembre 2024) de la Revue Alsacienne de Littérature que Jean-Paul Bota rend hommage à ce poète, ses lignes émouvantes : "Sur ta tombe ô mb ou j'applique ma main ligne de vie etc dit Desnos en forme de salut et la pluie qui tombe sur nous la même pluie ô mb et son bruit dessus les feuilles comme le bris de la biscotte et autrefois chez toi rue D. la résidence aux briques rouges et les relectures dans la cuisine à la lumière pénombrée..."

    Le 31 décembre 1985, Mathieu Bénézet, dans une adresse au(x) lecteur(s) :
    "Tu n'imagines pas la difficulté. Ni la peine, la souffrance de qui écrit de la poésie. En proie à l'extrême douleur, le démembrement, parfois l'agonie. Tout écrivain de poésie est, pour lui-même, damné. Il ne te présente que son propre cadavre - oui, tel Van Gogh, hanté par le cadavre de l'autre qu'il identifie pour son moi..."

    Quelques pages extraites de Vingt-deux poèmes dédiés :

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