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Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 12

  • "L'allée", un poème de Daniel Martinez

    Calèche postée devant la grille
    son ombre recouvre les nôtres
    au travers d'une brume les runes
    gravées au fond des yeux
    multiplient les sensations
    que l'on reçoit des choses
    personne ne nous attendait


    Des lunes de papier cherchaient refuge
    entre les mains du hasard
    des galaxies providentielles
    affûtaient les lois du huitième ciel
    comme si la fenêtre entrouverte
    avait laissé passer le silence des dieux
    la poussière des os quand le cœur tonne
    dans le grand vide un fluide étrange
    une sorte d'orage sec célèbre nos destins
    et tu pleures comme d'autres rient
    une mousse d'or semblable aux vaisseaux
    des paupières à l'odeur de l'humus
    confondue à celle de ton corps

    Maintenant que la pluie bat à la fenêtre écoute
    les mots qui furent nôtres se fluidifier 
    sous la langue se sont perdus
    tous les chemins possibles
    les éclats du puzzle à recomposer
    tandis qu'émerge la vie antérieure 
    dans la texture du présent
    unissant l'ici à l'au-delà des songes 
    aspirés vers la terre
    et déviés par le second jour de la chambre
    entre les mains noires de la grille d'entrée
    et les roses de pierre
    changées en talismans

    Daniel Martinez
    26/6/25

  • "A l'écart", un poème de Daniel Martinez

                                                 A poem is not made of words
                                                             George Oppen


    A l'écart     il tombe le météore
    indifférent à la gravité de l'enjeu
    paré de la couleur de l'espérance
    un vœu lancé à même
    les anfractuosités de la pierre
    mais toujours projeté
    dans le frémissement du vide
    dans l'intervalle qui sépare la chute
    de quelques pétales
    sa propre musique accordée
    à cette peur dans ta poitrine
    que le temps efface
    ton histoire tout entière


    à l'écart de l'esprit de conquête
    des fibres de la nuit
    cerclée des mots pauvres
    de leur incomplétude
    rien ne parle et tout résonne
    du premier au dernier cri
    sous le courant des souvenirs
    jamais tu ne donneras pouvoir
    aux pointillés qui bougent dans la page
    mais sauras toujours maintenir
    la nécessaire distance
    pour retrouver la trace
    d'un avenir libre
    de s'éteindre à sa guise


    à l'écart du bleu de la langue
    et de l'absorption de la loupe
    vrille
    la glotte du bègue
    papillonnent les perles 
    il pleut des fragments de monde
    l'autre en lui cherche une voie nouvelle
    qui n'est pas moins chimérique


              Entre tes mains caresse
    ce que délivre le poème
    bois à la destinée des flâneurs
    suis la longue calligraphie déployée
    par les ailes de l'aigle
    lisible à la fin
    lorsqu'entrevu ce peu
    se sera dissipé


    Daniel Martinez

     

     

  • "lèvre", un poème de Daniel Martinez

    lèvre pour éventer
    ce qui sourd à la porte de l'âme
    pour suivre la mort très lente
    des derniers finistères 
    et d'autres Amériques
    un simple souffle sur les cheveux
    livrés à la naïve harmonie de cet instant
    sur quoi se détachent
    les silhouettes de journaliers
    qui s'en vont défier d'un regard
    les progrès de la souffrance
    quand elle emprunte
    l'odeur des flammes blanches
    sur le brun des grès
    d'une rive à l'autre pour payer
    le prix de ton passage


    lèvre qui débouche à l'orée
    tel un faon passant
    le porche des sous-bois
    sur la terre feue
    pour y cueillir l'herbe guérisseuse
    y boire toucher des deux
    le vœu de la bruyère
    parmi les poussières invisibles
    tu n'es qu'un morceau d'ombre
    semé des grandeurs
    de l'entre-deux corps
    eau et sable mêlés


    lèvres qui lance leurs racines aériennes
    leurs mauves marelles
    aux portants de l'automne
    elles entourent ce qui n'a pas été
    ou si peu qu'on l'a oublié
    de grâce ne macule rien du règne
    d'une enfance qui tire à elle
    engravé jusqu'à la quille
    ses voiles élancées
    autour de quoi tourner encore
    sans plus de fin

    sous le tamis des orpailleurs
    et qui nous donne en retour
    le poème et la règle


    lèvres à travers cela
    que l'œil s'exerce à voir
    convoquant Keats Shelley
    parfois même
    le regard soucieux de Stevens
    apurant les comptes d'une vie
    consacrée à dame Poésie
    les retrouver dans le murmure
    prolongé d'insectes fragiles
    une vie en somme
    dont tu ne saurais t'évader

     

    Daniel Martinez
    le 9/6/25