Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 12
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Calèche postée devant la grille
Maintenant que la pluie bat à la fenêtre écoute
Daniel Martinez
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"A l'écart", un poème de Daniel Martinez
A poem is not made of words
George Oppen
A l'écart il tombe le météore
indifférent à la gravité de l'enjeu
paré de la couleur de l'espérance
un vœu lancé à même
les anfractuosités de la pierre
mais toujours projeté
dans le frémissement du vide
dans l'intervalle qui sépare la chute
de quelques pétales
sa propre musique accordée
à cette peur dans ta poitrine
que le temps efface
ton histoire tout entière
à l'écart de l'esprit de conquête
des fibres de la nuit
cerclée des mots pauvres
de leur incomplétude
rien ne parle et tout résonne
du premier au dernier cri
sous le courant des souvenirs
jamais tu ne donneras pouvoir
aux pointillés qui bougent dans la page
mais sauras toujours maintenir
la nécessaire distance
pour retrouver la trace
d'un avenir libre
de s'éteindre à sa guise
à l'écart du bleu de la langue
et de l'absorption de la loupe
vrille la glotte du bègue
papillonnent les perles
il pleut des fragments de monde
l'autre en lui cherche une voie nouvelle
qui n'est pas moins chimérique
Entre tes mains caresse
ce que délivre le poème
bois à la destinée des flâneurs
suis la longue calligraphie déployée
par les ailes de l'aigle
lisible à la fin
lorsqu'entrevu ce peu
se sera dissipé
Daniel Martinez -
"lèvre", un poème de Daniel Martinez
lèvre pour éventer
ce qui sourd à la porte de l'âme
pour suivre la mort très lente
des derniers finistères
et d'autres Amériques
un simple souffle sur les cheveux
livrés à la naïve harmonie de cet instant
sur quoi se détachent
les silhouettes de journaliers
qui s'en vont défier d'un regard
les progrès de la souffrance
quand elle emprunte
l'odeur des flammes blanches
sur le brun des grès
d'une rive à l'autre pour payer
le prix de ton passage
lèvre qui débouche à l'orée
tel un faon passant
le porche des sous-bois
sur la terre feue
pour y cueillir l'herbe guérisseuse
y boire toucher des deux
le vœu de la bruyère
parmi les poussières invisibles
tu n'es qu'un morceau d'ombre
semé des grandeurs
de l'entre-deux corps
eau et sable mêlés
lèvres qui lance leurs racines aériennes
leurs mauves marelles
aux portants de l'automne
elles entourent ce qui n'a pas été
ou si peu qu'on l'a oublié
de grâce ne macule rien du règne
d'une enfance qui tire à elle
engravé jusqu'à la quille
ses voiles élancées
autour de quoi tourner encore
sans plus de fin
sous le tamis des orpailleurs
et qui nous donne en retour
le poème et la règle
lèvres à travers cela
que l'œil s'exerce à voir
convoquant Keats Shelley
parfois même
le regard soucieux de Stevens
apurant les comptes d'une vie
consacrée à dame Poésie
les retrouver dans le murmure
prolongé d'insectes fragiles
une vie en somme
dont tu ne saurais t'évaderDaniel Martinez
le 9/6/25