Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 45
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Matin gris lumineux répercuté sur la pierre
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"Poésies" de J.W. Gœthe, traduction de Gérard de Nerval, éditions La Délirante, 4 lithographies de François Rouan, 23 mars 1994, 48 pages
Un travail d'édition soigné, sur beau papier, réalisé par la première imprimerie ukrainienne en France (pour le texte). Dans la translation que nous donne Gérard de Nerval, ce ne sont pas des poèmes à proprement parler, mais des "prosèmes", entés de deux brèves séquences théâtrales à vocation lyrique, intitulées "Le voyageur" et "La première nuit du sabbat".
Gérard de Nerval a traduits lesdites "Poésies" en 1830, alors qu'il avait 22 ans, après sa traduction du premier "Faust", de Johann Wolfgang von Gœthe en 1828 (signalons ici l'excellent rendu de ce livre, tel que l'a façonné l'éditrice Diane de Sellier, livre paru en février 2011. Le texte y est accompagné de la reproduction des dix-huit lithographies d'Eugène Delacroix provenant de l'exemplaire personnel du peintre, le tout au format d'origine).
Suivent trois textes du "Sage de Weimar", extraits de ses "Poésies" : -
"Armadale", de William Wilkie Collins, traduit de l'anglais par Emma Allouard, préface de Michel Le Bris, 912 pages, éd. Phébus, septembre 2011, 15,60 €
Les inconditionnels de l'œuvre de Collins (l'inventeur du thriller), et Borges entre autres, considèrent généralement "Armadale" comme son chef-d'œuvre, un livre où le romancier s'attache à décrire par le menu ce qui, non avouable, aurait dû rester dans l'ombre "pour dépeindre l'hypocrisie de la haute société victorienne".
De tous ses romans en tout cas, c'est celui où l'innocent lecteur se perdra avec le plus de trouble - et de délices, l'un n'allant pas ici sans l'autre. Quelque neuf cents pages de frissons et d'égarements garantis. Et la mise en œuvre de toutes les diaboliques recettes qu'exploitera plus tard au cinéma l'admirable Alfred Hitchcock. Sentiment de Henry James (un admirateur parmi beaucoup d'autres) : "Il introduit dans l'espace romanesque le plus mystérieux des mystères : celui qui se cache derrière nos portes."
Conclusion de Michel Le Bris, préfacier enthousiaste de l'ouvrage : " l'indécence au service du suspense. "
Tous deux s'appellent Allan Armadale : l'un est tout ce que l'autre n'est pas ; l'un sait, surtout, ce que l'autre ne sait pas - et l'un des deux, semble-t-il, est de trop sur cette terre. A partir du thème éternel de la rivalité entre Caïn et Abel (amour et haine confondus), Wilkie Collins brode une intrique au fil de laquelle le lecteur est convié à toutes les conjectures, c'est-à-dire à tous les égarements : neuf cent pages de déambulation à l'intérieur d'un labyrinthe où les personnages et le destin rivalisent d'imagination - et de perversité -, neuf cent pages de machinations, de complots et de mensonges, au terme desquelles, délicieusement mis à mal, nous espérons malgré tout découvrir de ce qu'il est convenu d'appeler la vérité (la dette de Charles Palliser, l'auteur du Quiconque, à l'endroit de Collins est sans doute plus évidente ici que partout ailleurs).J'ai choisi pour vous un extrait du deuxième livre, intitulé : "Les Norfalks Broads", un recueil qui en compte cinq, entés d'un prologue et d'un épilogue. Au passage, signalons que les éditions Phébus est une maison d'édition fondée en France, en 1975, par Jean-Pierre Sicre ; j'ai pu lire grâce à cet éditeur courageux les "Mémoires de l'ombre" de Marcel Béalu dont je vous ai parlé dans le premier blog : http://diereseetlesdeux-siciles.hautetfort.com / Les éditions Phébus sont, depuis 2009, un département de l'éditeur Libella.
L'extrait ici retenu, l'est pour l'extrême délicatesse avec laquelle le jeune Allan Armadale courtise Neelie Milroy, fille de major, voyez et lisez plutôt :