Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Surréalisme

  • Daniel Abel nous a quittés...

    Vendredi 28 décembre de l'an 24, Daniel Abel a tiré sa révérence, il allait sur sa quatre-vingt douzième année. Le dernier des surréalistes du groupe originel, réunis non sans quelques accrocs mémorables autour de la figure tutélaire d'André Breton. C'est en 1958 qu'il se décide, accompagné de Denise son épouse, à sonner au 42 rue Fontaine, à Paris, tout près de la place Blanche. Il écrit alors : « Nous ouvrions de grands yeux devant les tableaux de Crépin ou Lesage, Dali ou Chirico, devant les livres sur les étagères, les objets merveilleux : miroir de sorcière, pierre rare... et cette foule, dans l'autre pièce, de masques, de totems venus d'Océanie, des civilisations dites "primitives"...»
    Cet émerveillement fut une constante dans la vie de Daniel, partisan d'un temps dédoublé, où la beauté (celle du désir désirant se conjuguant aux pas que l'on fait dans les allées du Hasard, porté par un chant intérieur). Lors de cette première rencontre, il se risque à demander à André Breton : "Et y a-t-il toujours des réunions de café ?",
    - Bien sûr, chaque soir, vous pouvez y venir mais ne serez-vous pas déçus ?"
    Il s'agissait bien sûr du café la Promenade de Vénus, à l'angle de la rue du Louvre. Denise et Daniel, habitant alors en province ne s'y rendront que le samedi, vers 18 heures, cinq années durant. Là, Breton arrivait accompagné d'Elisa, descendant d'un bus le plus souvent. Daniel ajoute, parlant du maître d'œuvre : "Il avait sa place, au centre, face à un grand miroir, ainsi il regardait venir. Nous étions une quinzaine, une vingtaine ? Jean Benoît et Mimi Parent, Huguette et Jean Schuster, qui écrivait : "L'analogie est universelle, mais rien ne ressemble à rien.", Joyce Mansour, l'Egyptienne... les dames. Avec une élégance de seigneur André Breton pratiquait le baise-main."
    Diérèse a reproduit une lettre manuscrite inédite que l'auteur du Manifeste du surréalisme lui a adressée grâce aux bons soins de Bruno Sourdin lorsqu'il a interviewé le destinataire, sur deux numéros consécutifs. L'entretien le plus abouti qu'ait jamais donné Daniel Abel.
    Me concernant, nous nous sommes retrouvés (avant de nous rencontrer) dans le sommaire du numéro 10 des Cahiers du Schibboleth (juin 1988), une revue qu'animaient Francis Giraudet et Bérénice Constans, côté illustrations. Une publication bien dans l'esprit du surréalisme, sans cloisonnement abusif, très ouverte à la création, avec un côté artisanal voulu. Daniel y parlait, dans cette livraison, du "Jardin des modes", évoquant sa cousine, transplantée dans le décor qui devait être celui du petit pavillon que Denise et lui avaient acquis à Héricy, en Seine-et-Marne, avec ces totems qu'il avait élevés dans le fond du jardin : "La fenêtre de la cuisine dominait les différents étages du jardin, embrassait sa perspective..." C'est en ce lieu magique, là-même, qu'il a rendu l'âme il y a peu.
    Il conviendrait que je parle ici encore de la librairie (une ancienne boucherie parisienne) : Le Pont traversé que tenait l'écrivain-libraire  - à l'angle de la rue de Vaugirard et de la rue Madame, des années 50 à 1993 -, Marcel Béalu, collectionneur de Michaux, notamment ; une librairie où Mitterrand venait faire ses emplettes, pour y dénicher des raretés (les rues avoisinantes étaient alors bouclées). Denise et Daniel  connaissaient bien le couple Béalu ; lui, qui grimpait à la mezzanine par une petite échelle intérieure pour se retirer lorsque l'inspiration lui venait, laissait son épouse œuvrer dans ce lieu de culture, véritable capharnaüm. Des personnages haut en couleur... J'en parle plus longuement dans le n° 69/70 de Coup de soleil (juin 2007) auquel participait aussi Daniel Abel, dans un dossier consacré à l'auteur des Mémoires de l'ombre. Marcel Béalu évoque ainsi les écrits de son ami Daniel : "l'enchantement nocturne de ses écrits et cet acharnement à ne pas sombrer avant l'orée première, celle où se lève enfin le jour vrai sur les prairies immaculées." Mais Daniel Abel fut un homme d'une grande modestie et plutôt gêné quand il se voyait encensé. Sa vie ne fut pas de tout repos, loin de
    là ; et depuis la mort de son épouse Denise, isolé, des tracas de tous ordres s'enchaînaient sans relâche, le laissant quelque peu désemparé face à l'adversité...

    J'ai choisi de vous donner un extrait aujourd'hui d'une plaquette du poète parue fin 1997, intitulée Sur la rive, en la rivière, une édition des amis de Hors Jeu, sise à Epinal. Cet ouvrage, tiré à bien peu d'exemplaires, compte 20 pages et se vendait alors au prix de 20 F.

     

    Lire la suite

  • "Ambrose Light ou l'enchantement blême", de Claude Tarnaud, in-16 (101 x 116mm) broché, couverture à rabats de papier gris, 13 pages non chiffrées.

    Poète et artiste peintre, Claude Tarnaud fonde avec Yves Bonnefoy et Jaroslav Serpan la revue La Révolution la nuit. Contacté par André Breton, il rejoint alors le groupe surréaliste et participe activement à l'Exposition internationale du surréalisme de 1947, et à la revue Néon (5 numéros de janvier 1948 à avril 1949). En novembre 1948, en désaccord avec l'exclusion du peintre Roberto Matta, il rompt avec le groupe surréaliste, à l'instar de ses amis Victor Brauner, Stanislas Rodanski et d'autres. Il est ensuite associé avec François Di Dio à la direction de la revue Positions publiée aux éditions Le Soleil noir, maison à laquelle il donnera trois ouvrages. De 1953 à 1966, il participe aux activités du mouvement Phases et collabore à la revue du même nom. En 1966, il rencontre Pénélope et Franklin Rosemont qui fondent à Chicago, grâce à lui, le premier groupe surréaliste des États-Unis. Il se lie avec Gilles Dunant, qui est le directeur de la revue tchécoslovaque Le la.

    Gilles Dunant, lui-même poète et plasticien, illustra quant à lui Silhouettes de hasard, paru aux éditions Myrddin (1995) et tiré à 250 exemplaires, sur beau papier, livre dont l'auteur est Guy Cabanel. Poète surréaliste qui publiera un ensemble inédit de poèmes in Diérèse 85, il dédicaça entre autres son opus à l'une de ses connaissances, Jean-Pierre Le Goff, de la manière : "A Jean-Pierre Le Goff, ces feuilles qui se voudraient canevas de perles. Guy ». L’ouvrage comporte 20 miniatures numérotées de 21 à 40 de Gilles Dunant qu’il adressa à Guy Cabanel pour les « collisionner avec des phrases, textes ». Celui-ci a donc répondu favorablement à la demande de Gilles Dunand. Les 20 miniatures sont rassemblées en frontispices et sont présentes au-dessus de chaque texte qui leur correspond. Myrddin était une collection dirigée par Pierre Peuchmaurd. 

    De Claude Tarnaud, vous sera donné lecture ci-après d'un poème écrit en décembre 1961, qui très vite fera l'objet d'un recueil imprimé par ses soins à un petit nombre d'exemplaires, à New York : Ambrose light ou l'enchantement blême.

     

    Lire la suite

  • Jacques Kober (1921-2015), un entretien avec Daniel Leuwers

    Jacques Kober a participé à plusieurs numéros de Diérèse, comme le n°47 (décembre 2009) ou le n°58 (octobre 2012), c'est Jean Rousselot qui lui avait communiqué mes coordonnées suite à un article polémique de Noël Arnaud paru dans l'un des premiers numéros de la revue - Noël Arnaud, autre surréaliste, avait écrit un texte qui mettait en cause l'auteur de Divination d'une barque et à propos duquel Jacques Kober m'avait demandé un droit de réponse, accordé naturellement. Ceci dit pour la petite histoire, n'étant pas spécialement friand des querelles de clocher.
    A l'évidence, ce qui me plaisait chez Jacques Kober était cet esprit libre qui était le sien, affranchi des mots d'ordre justement et qui lui ont valu quelques inimitiés parmi ses pairs. Ce qui lui importait peu. Il devait rencontrer Nicolas de Staël, l'évoquant avec regret dans quelques-unes de ses lettres (aucune adresse électronique à signaler pour autant, nos échanges ne s'en portaient pas plus mal).

    En 1975 Jacques Kober effectue un voyage coup de foudre et décisif en Inde. Par la suite il fait la rencontre en 1977 du poète et éditeur Jean Breton, qui publie son recueil Divination d'une barqueFenêtre vous êtes entrée (1982), Un Puits nommé plongeon (1984) et Volatil embonpoint de la mer (1988).
    Au début des années 1990, Jacques Kober se rapproche de Paul Sanda et des éditions Rafael de Surtis, qui vont, jusqu'en 2003, publier le principal de sa production : La disparition Fellini (1997), Changer d’éternité (2000), Connemara Black (2003), la réédition de 1998 de Jasmin tu es matelot. Après 2003, Jacques Kober ne publiera que des livres à tirage limité, comme chez l'éditeur Serge Chamchinov, présenté par Pierre Schroven dans le numéro 83 de Diérèse - qui vient de paraître. Il meurt à Drap le lundi .

    C'est cette rencontre avec le sous-continent indien qu'il évoque ici même, dans un entretien accordé à Daniel Leuwers, voici :

    Lire la suite