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  • Pourquoi écrivez-vous ? : Inger Christensen

    Nous allons commencer, si je puis dire (car le sujet a déjà été abordé dans mon premier blog) par une poétesse, écrivaine, dramaturge et essayiste danoise, traduite dans le numéro 71 de Diérèse, Inger Christensen (1935-2009). Les traducteurs sont Janine et le regretté Karl Poulsen (pages 45 à 69). Une écriture marquée par Chomsky et François Jacob. Sa réponse devait faire la part belle à  la poésie, car Inger Christensen s'estimait avant tout poète, voici :

     

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  • "Lignes de vie"

    Plaisir à commencer la composition du numéro 91 de Diérèse, avec P. qui me confie son Journal, vingt-cinq pages enlevées, je rectifie au passage le "l" manquant à "girolles", sans le lui dire bien entendu. On y retrouve l'écrivain dans son entièreté, au vrai peu soucieux du jugement de ses pairs, pas plus que des communes instances d'homologation, pourtant si puissantes dans le paysage éditorial.

    Gaëlle me montre ses devoirs du jour, j'y découvre le mot "serpillière" sans le "i". Après lui avoir fait écrire au feutre d'ardoise la cinquantaine de mots à savoir orthographier pour le lendemain, je lui fais remarquer de ne pas oublier le "i" pour le mot qui dans sa liste précisément m'avait fait tiquer. En soirée, au sortir de l'école, elle m'informe que son maître lui a spécifié qu'il convient de ne pas noter le fameux "i" après les deux "l", cela lui a donc été compté comme une faute. No comment.

    Hôpital de jour le 7 mai en milieu de journée, le régime imposé avant ce que d'aucuns nomment "examen" me laisse sur les rotules. Entrée dans le bloc entièrement dévêtu, recouvert d'un drap de tissu crépon bleu, et conduit à vive allure par un brancardier, au dernier moment je demande que l'on me relève un peu la tête, ayant crainte de m'étouffer au réveil.

    Au réveil, je m'informe de suite : "Quelle heure est-il ?", n'ayant pas eu le droit de conserver ma montre. Le cathéter me tire sur la veine du revers de la main droite. Le retour à la conscience a eu lieu sans encombre, mais j'ai les yeux qui brûlent un peu, larmoyants (l'émotion sans doute). Conduit dans un box, derrière le rideau, j'entends le médecin discuter, "Il avait 18 de tension en arrivant, c'est descendu à 10, c'est bas, et à présent 12, attendons". On me propose une collation (jus d'orange, tartine beurre-confiture, yaourt nature), mais "le cathéter ne pourra vous être enlevé qu'au moment où vous sortirez, accompagné de votre épouse". - Pourquoi garder aussi longtemps cette sonde, je vous prie ?" - "En cas de malaise, afin de vous piquer sans délai." Sans malaise à la clé, je remercie l'équipe en sortant de l'établissement. La page est tournée.

    Diane en matinée joue à la flûte à bec "Se canto", un chant de paix occitan : 
         "Se Canto, que canto
           Canto pas per you
           Canto per ma mio
           Qu'es al lent de you",
    Je la félicite, l'attaque me plaît plus que tout, soufflée en clé de sol. Les notes qui suivent, moins prononcées, glissent dans l'oreille comme un chœur d'oiseaux l'aube venue. Ravie, elle penche la tête en arrière, sa manière d'être quand on la complimente. Ses yeux pétillent.

    Je lis ici ou là que scientifiques et mathématiciens reconnaissent qu'il est tout à fait possible de faire sauter la planète Terre. Quel intérêt, me direz-vous ? En manière de provocation je répondrais : "pour permettre à ceux qui l'imaginent d'être aux premières loges !"... Ce goût du sang que le vingt-et-unième siècle ne fait que raviver se retrouve dans de multiples domaines certes, qui ne touchent pas que l'armement. Qu'y faire ?, sinon se référer au fabuliste Jean de La Fontaine. Et en tirer leçon.

    Relecture du "Livre d'un homme seul", de Gao Xingjian, paru aux éditions de l'Aube en l'an 2000. Page 400 de la version Poche :
    "Dans les familles paysannes, c'était la nuit noire, car on économisait l'électricité et on se couchait tout de suite après le repas du soir. Seule sa lampe restait allumée, mais il ne tentait pas de la cacher, car cela aurait sans doute davantage attiré les soupçons sur lui.
    Il ne lisait pas sérieusement, il laissait divaguer son imagination, il ne comprenait rien aux personnages du Canard sauvage, aux élucubrations métaphysiques de ce brave Hegel qui réfléchissait sans fin au sens du beau : ces auteurs vivaient dans un monde si différent, tandis que le monde réel où lui vivait, ils n'y auraient rien compris et n'auraient même pu croire qu'il existait. Allongé sous son toit de tuiles, il entendait crépiter la pluie, c'était la saison des pluies, l'humidité régnait, les herbes folles sur les bords des chemins et les pousses dans les rizières croissaient frénétiquement dans la nuit, elles étaient plus hautes chaque matin, plus verdoyantes chaque jour. La vie qui s'écoule génération après génération est comme les pousses de riz, l'homme est comme la plante, à quoi bon posséder un cerveau, n'est-ce pas plus naturel ? L'accumulation d'efforts humains appelée la culture est en fait bien vaine."
    Qui douterait qu'il s'agit là d'une antiphrase ?

    Daniel Martinez

     

  • "Sans une ternissure", poème

    Près de l'ombre fendue par la beauté des grilles
    de la demeure où se perdre
    méandres
    du feu que le soleil dispense
    jusqu'aux pieds
    des rosiers
    gravés sur la porte-fenêtre

    puis derrière dans le cercle immobile du bassin
    par intervalles plus clair et plus vif
    des herbes flottaient là nageant dans les regards
    innervaient déjà nos membres
    une tiédeur rapportée
    au terreau que les mains nues fouillaient
    jonché de grumes pour y découvrir
    l'arc du pauvre dieu entre les strophes
    entre les lignes improvisées du poème
    c'était l'été au-dessus de nos têtes
    dans l'air sucré mêlé à la paix des choses
    à leur grandeur à leur mystère
    avec une spontanéité glissante si naturelle
    qu'elle dépassait tout étonnement
    et recomposait couleur sur couleur
    les chaînons manquants de la vie

    Daniel Martinez