Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Pourquoi écrivez-vous ? : Theodore Wilson Harris (1921-2018)

Theodore Wilson Harris, surnommé Kona Waruk, naît le 24 mars 1921 à New Amsterdam, en Guyane britannique (aujourd'hui Guyana). Il fréquente le Queen's College de Georgetown de 1934 à 1939. Topographe pour le compte de l'État de 1942 à 1958, il mettra à profit sa parfaite connaissance de la savane ainsi que de la forêt amazonienne qui occupent l'intérieur du pays pour bâtir le décor de ses fictions. En 1959, il part vivre à Londres. Les premiers écrits d'Harris, poétiques, sont rassemblés sous les titres Fetish (1951), The Well and the Land (1952) et Eternity to Season (1954), toujours inédits en français.

Il ébauche ensuite plusieurs manuscrits, qu'il abandonne tour à tour, avant de publier The Guyana Quartet (le Quatuor guyanais), une tétralogie qui réunit Palace of the Peacock (1960, Le Palais du paon), The Far Journey of Oudin (1961), The Whole Armour (1962) et The Secret Ladder (1963, L'Échelle secrète). A partir des années 70, il situera ses sujets en Europe.

 

 

 

Il m'est difficile de dire pourquoi j'écris, la nécessité intérieure à laquelle j'obéis est si rigoureuse que je peux aussi bien me demander, "pourquoi respires-tu, pourquoi rêves-tu ou penses-tu, éprouves-tu si intensément certaines choses ?"

Ecrire m'engage dans une vison complexe des lieux et des personnes qui m'aide à supporter bien des peines et des adversités de l'existence. Dans les années 40 et 50, j'ai voyagé comme expert géomètre au cœur des épaisses forêts guyanaises d'Amérique du Sud, et j'ai pu m'évader de l'éprouvante vie quotidienne parce que chaque soir, à la lueur d'une lampe fumeuse, et chaque week-end au camp, dans la forêt dense ou au bord d'une rivière, j'écrivais un vers ou deux ou une page de fiction. Une telle écriture était tout à fait intime. Je gardais soigneusement pour moi ce que j'écrivais à l'abri du regard indiscret de mes collègues.
Les épreuves demeuraient, mais un élément nouveau entrait en jeu : une façon plus intime de voir au-delà de la simple forme des choses ; je sentais deux forces ou deux tâches semblables mais profondément et subtilement différentes l'une de l'autre.

Il y a l'application au travail et le travail de l'imagination, ils sont entretissés mais dans leur différence essentielle ils nous donnent à voir, je pense, que si proche soit la violence, par exemple, de la création, l'exploitation de la nature par l'homme, entre ce que nous faisons et rêvons de faire subsiste une différence complexe, car les composantes ne sont pas les mêmes. En effet les piliers - à entendre comme l'architecture - de l'œuvre à venir sont le donné par excellence et non le fruit d'un travail, piliers à partir desquels des traverses nouvelles - idéelles - sont à tisser, en fonction.
Cette différence constitutive est la pierre angulaire d'une civilisation que la fiction peut poursuivre encore et toujours, dans de nombreux lieux et territoires, et chercher à atteindre, jusqu'à un certain degré, à travers le cœur, le corps et l'esprit. Cette quête jamais vraiment aboutie est sans doute celle qui me permet ainsi d'accéder au lieu le plus proche d'une vérité intérieure, quête ardue et vecteur de l'écriture.


Wilson Harris

Prochain invité : l'Irlandais John Mc Gahern

Les commentaires sont fermés.