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  • "Abstraite", un poème de Daniel Martinez

                      
    Où l'esprit des images ne serait plus
    que le pendant
    de ce qui nous fait défaut
    où l'astre depuis les monts
    disperserait la gloire de la rosée
    en eau de larmes


    Si la nature n'est pas un temple
    mais sous le fredon de la roche 
    et les c
    oraux de nos entrailles
    fait grésiller de maigres buissons
    répliques du corps étreint
    par les signes dont l'extension s'écrit
    dans un cercle infini
               
    Si la sève à la brune
    prenait couleur de sang
    et les vents en nous inspiraient
    plus que l'air nécessaire
    aux arceaux des heures
    légères les légendes jetteraient 
    nues dans le ventre nu de la femme
    l'écho de l'écho
    déjà presque sans voix
    le fruit d'un miel opaque
    entre l'eau et l'air


    Elle aurait pris le nom d'une île
    arrachée au hasard
    de la longue nuit minérale
    survenue sans crier gare
    d'un battement des paupières 
    d'un cillement à l'autre


    Elle aurait pris sous ses mille yeux
    couleur de la Question
    des rythmes et des forces
    qui se liguent et se livrent
    sans fin

    Daniel Martinez
    le 18/7/25



     

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  • "Sur le chemin du retour", de Jean Laude, éditions Club du Poème, nov. 1967, 54 pages, 300 exemplaires (les 12 premiers entés d'illustrations originales d'Yves Mairot)

    Jean Laude, né le  à Dunkerque et mort le est un poète, ethnologue, critique et historien de l'art français, spécialiste du primitivisme fauviste, du cubisme et des arts africains.

    Son premier recueil de poèmes (non mentionné sur Wikipédia) - sur les 14 qu'il fit éditer de son vivant a été illustré par Yves Tanguy, voici l'une des lithos l'accompagnant : 

    télécharger.png

         Son premier recueil donc avait pour titre Le Grand Passage (éditions du Dragon, 1954). Jean Laude concevait la poésie comme un acte qui doit "mener à ce qui est" (in Le Mur bleu, 1965). Nourri de l'œuvre des présocratiques Empédocle et Héraclite, lecteur assidu de Novalis et Hölderlin, il a voulu élaborer une écriture qui identifie l'Etre et la parole. Fuyant tout pittoresque, réduisant l'univers sensible aux éléments essentiels (l'arbre, l'oiseau, le sable, la mer, ou ici la montagne...), ses textes, constitués le plus souvent de versets irréguliers et fragmentés, expriment une quête de l'évidence première : harmoniser la parole et les éléments, ce serait assurer à l'homme l'éternité de la matière.
         Dans Le Grand passage, il écrit "Je porte la parole, pour tout pouvoir, un orage mort." Pour lui, l'espace investi (par l'écriture) renvoie l'homme non à la connaissance du monde, mais au doute introspectif. Toujours dans Le Grand passage, son livre fondateur : "Flux et reflux sur les sables, nous sommes envahis du dedans." L'apparente monotonie des sujets abordés par Laude dissimule, en fait, un mythe : la poésie doit être un retour aux origines du langage, au poète revient la tâche de retrouver une atlantide littéraire, qui recèlerait les mots d'avant la langue.

    J'aime particulièrement son récit : Sur le chemin du retour, dédié à Zdenek Lorenc, poète surréaliste, prosateur et traducteur, tchèque. Entre mes mains, l'exemplaire que Jean Laude avait dédicacé à Gérard Guillot (1932-2021), journaliste, critique littéraire et poète de son état.

    Pour les lecteurs du blog, quelques pages extraites du livre qui nous intéresse, où le narrateur s'adresse à une dédicataire inconnue de lui, virtuelle, ferment de l'écriture même. La symbolique de cette quête, fondue dans la nature environnante, ramène à la condition humaine, ses embûches, à accepter telles quelles.

    Voici :

     

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  • "Traversières", un poème de Daniel Martinez

    Vignes de sang
    dans la chambre pulmonaire
    où se fragmente l'île
    enserrée par les deux bras
    entre lesquels se divise 
    la rivière qui grandit
    à mesure qu'on l'approche
    portée par le picotis des minutes
    par l'inlassable rythme
    l'incessant renouvellement
    interrogeant le rouge et l'or
    de signes que tu ne reconnais pas
    comme ces roses de la nuit
    leur trace ailée entre tes doigts
    ne saurait mourir


    Sous les senteurs voisines
    la plainte d'une fontaine dévide
    les membranes du souvenir
    tu t'en approches
    les lèvres sèches pour y boire
    un pan de ciel aux mille bouches
    pour y capter la trace d'un songe
    dans le vertige de l'eau
    l'enfoncement d'un cri
    entre deux souffles
    en quête de paysages enfouis
    d'une illusion de trésor englouti

    C'est là même que le futur 
    redessine sur la paroi
    jour après jour
    étage par étage
    chacun effaçant l'autre
    épelle ce qui demeure à écrire
    un peu de nous y pénètre
    surimpressionne une réalité
    inscrite dans l'insatiable
    où l'on reste campé
    face aux feuilles rouges ébouriffées
    comme les ceps à l'aube
    respirent les cendres
    de tes cheveux défaits


    Daniel Martinez