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"Au miroir des mots", de Lionel Ray, avec 5 acryliques de Lydia Padellec, éditions de la Lune bleue, 16 pages, 50 exemplaires, décembre 2012

Ayant participé par deux fois à Diérèse, dans ses numéros 40 (avril 2008) et 54 (octobre 2011) Lionel Ray, né en 1935, vit à présent retiré à Saint-Brieuc. Avec 36 livres parus, la plupart aux éditions Gallimard, dont Souvenirs de la maison du Temps (en 2017) son dernier recueil en date, Lionel Ray, pseudonyme de Robert Lohro, s'est aussi intéressé de près à la poésie bengalie, initié en cela par son épouse Sumana Sinha, une romancière et traductrice franco-indienne originaire de Calcutta : citons ici 12 poetas bengalis (éd. Lancelot, 2006), Tout est chemins, éd. Le Temps des cerises, 2007, deux anthologies de poésie bengalie écrites en collaboration avec sa femme.
Le numéro 13-14 de la revue Incendits, hiver [décembre] 1986-1987, intitulé : "Lionel Ray" et donc consacré à cet auteur, fait référence.

Au sujet de l'œuvre de Lionel Ray, ce qu'a écrit Francis Wybrand :

Si "mutation et métamorphoses" sont les termes élus par Lionel Ray, ils peuvent aussi servir à approcher un travail qui, à l'écart des théories, a cherché à éviter les retours nostalgiques à l'académisme comme la fuite en avant dans le formalisme. Le lyrisme qui caractérise son œuvre est tout sauf facile : les élans spontanés de la subjectivité sont ici constamment brimés par un travail sur la matière même du langage. Le sujet qui parle ou qui chante n'oublie jamais qu'il parle de quelque chose, du concret du monde, et que ce qu'il dit s'adresse toujours à quelqu'un, ce destinataire inconnu, anonyme qu'est le lecteur. Les mots simples, les syntaxes accordées au rythme de la prosodie laissent transparaître le sens, le font jaillir dans des coulées heureuses, non exemptes d'inquiétudes. Comme un château défait (1993, prix Supervielle en 1994) et Syllabes de sable (1996) disent avec pudeur l'irréparable, l'ineffable perte" : "Ce désarroi des pas d'avant / sur des chemins jamais aboutis : / maison des vents, maison d'absence..." C'est de l'intérieur même du chant que se disent les ruptures (Entre nuit et soleil, 2010). Ce n'est certainement pas un hasard si, en 1976, Lionel Ray a consacré un essai à Rimbaud : la poésie, à défaut de "rythmer l'action" ou de la devancer, accompagne les hommes, intensifie leur séjour, refuse tricheries et stratagèmes. Lionel Ray se sent proche d'auteurs comme Supervielle, C. Milosz, Aragon, mais aussi Michaux, auquel il a consacré un Tombeau (dans Une sorte de ciel).  


Francis Wybrand

 

 

 


I


Tu es mon autre saison
le goût secret du matin
quand l'eau de lune passe
fragile entre tes mains.

Ce qui reste de nuit te ressemble
nul ne connaît comme toi l'éclat du sable
sinon le feu qui te construit et chante
et ne lui sied que cette cendre.

Mais qui connaît le souffrir du miroir
il ne retient pas même nos traces
sans feu ni lieu ni mémoire
ce n'est rien qu'une image qui passe.

 

II


Voici toujours plus haut
ciel d'avant nuit cet envol
ces éclats tranchants du jour
ces flammes vivantes.

Ce sont mots chauffés à blanc
qui ne connaissent ni la rouille féroce
ni le sommeil épais d'un temps improbable
mais le souffle mental du ciel intérieur.

Comme on va de proche en proche
dans un pays sans limite une mer inconnue
je te salue    mon langage
ruche ouverte à toutes rives.

 

III


Cette mèche de cheveux gris
ah ! cette rouille des phrases !
cheveux flambés et cheveux cendre
mémoire qui s'éparpille
ces teintes de fin novembre.

C'est tout le paysage qui s'en va
des pensées informulées
couleur fantôme ces images tremblées
une chanson qui pantelle
des mots qui s'effritent    et la lumière balbutiée.

Tout s'embrouille ici-bas les chiffres et les voix
heureux soyez-vous les aveugles
chiens perdus sans colliers
parmi les vents variables !


Lionel Ray


Le présent recueil, "Au miroir des mots", n'est pas cité dans la bibliographie du poète disponible sur les réseaux sociaux.

 

 

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