"Toute langue est un univers parallèle. Aucune avec plus de beauté que la chinoise.
La calligraphie l'exalte. Elle parfait la poésie ; elle est l'expression qui rend le poème valable, qui avalise le poète.
Juste balance des contradictoires, l'art du calligraphe, marche et et démarche, c'est se montrer au monde. - Tel un acteur chinois entrant en scène, qui dit son nom, son lieu d'origine, ce qui lui est arrivé et ce qu'il vient de faire - c'est s'enrober de raisons d'être, fournir sa justification. La calligraphie : rendre patent par la façon dont on traite les signes, qu'on est digne de son savoir, qu'on est vraiment un lettré. Par là, on sera... ou on ne sera pas justifié.
La calligraphie, son rôle médiateur, et de communion, et de suspens.
Une langue, en Occident, qui aurait eu seulement une parcelle des possibilités calligraphiques de la langue chinoise, qu'en serait-il advenu ? Les époques baroques qui s'en seraient suivies, et les trouvailles des individualistes, les raretés et bizarreries, excentricités et originalités de toute sorte..."
Une approche à peine différente de ce monde : l'empire du Milieu, est celle de Gérard Macé qui signe ici son quatrième livre, après son entrée dans le monde des Lettres avec "Le jardin des langues", publié en 1974 chez Gallimard (coll "Le Chemin"). "Leçon de chinois" est un recueil composé sous forme fragmentaire - forme dont le précurseur fut La Bruyère, avec ses "Caractères" - ouvrant pour le lecteur autant de pistes qu'il est possible, sans que l'auteur ait voulu garder pour lui le dernier mot, filant la phrase avec le rouet de son ressenti. L'intelligence en tête, toujours en observateur, toute arête brisée et substance confondue, Gérard Macé laisse naître sous les mots la fluidité nécessaire à la découverte, à l'écoute de "la conversation sans bruit des signes entre eux". Ce, depuis le champ du réel qui coule ici de source, jamais contraint dans une approche restrictive - ou glacée, comme celle d'un Barthes dans ses "Carnets du voyage en Chine", éd. Christian Bourgois, 2009.
Mais écoutons plutôt ce qu'en dit Gérard Macé :