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  • "Tête-bêche", de Gérard Macé, éditions Marchant Ducel, 10 juin 1987, 20 pages, 49 exemplaires, encre de Chine de Pierre Alechinsky

              "Une porte à tambour
              pour entrer dans les rêves
              L'esprit toujours léger
              mais l'inquiétude au cœur",
    ces quelques vers de Gérard Macé dans son petit dernier, paru le 16 avril 2021 au Bruit du Temps, intitulé : Ici on consulte le destin. Quête vaste il est vrai, qui peut aussi bien toucher à la cartomancie qu'au monde onirique projeté dans le réel, ou l'inverse - mais sans le soutien de la psychanalyse, trop intrusive et donc contraire en quelque sorte à l'esprit poétique qui toujours prévaut aux yeux de cet auteur. Né en 1946 à Paris et pas vraiment éloigné de l'occultisme, de Nerval aussi bien, de ce "jardin de l'esprit" où vaquent librement les couleurs et les sons du monde pris sous le voile de la mémoire, revisités au cœur du triangle céleste, dans un voyage intérieur à décrypter à mesure.

    Voici encore deux poèmes de Gérard Macé, parus dans Promesse, tour et prestige (éd. Gallimard, 2009) :

    La formation des mots

    ressemble à celle des étoiles (une haleine qui devient sonore,
    un gaz qui devient solide) et leur disparition aussi,
    quand la matière noire s'effondre sur elle-même.
    Car des systèmes qui s'ignorent ont de secrètes
    correspondances, comme la musique et les cristaux,
    les masques et les papillons dévorés par de grands yeux,
    le morse est la lumière intermittente de l'univers.

    Le linguiste et le jongleur, sans le savoir
    se livrent au même exercice : ils inventent
    un mouvement perpétuel en lançant des balles
    ou en dressant des listes, ils imitent la position des astres
    en récitant des déclinaisons.

    ◊  ◊  

    Pour écrire un seul vers

    il faut se souvenir de cent ans de sommeil
    et des vies qui précédèrent, de la piqûre des roses
    et de l'aïeule qui voulait voir la mer,
    de l'homme au large dos couvert de ventouses
    et de ses enfants effrayés par les méduses.
    Des objets magiques et des formules
    où s'enroulent des fleurs autour des lettres gothiques.

    Puis abandonner à son sort
    cet homme en nous qui se noie dans ses souvenirs,
    pour renouer avec la magie sans accessoires
    et la jonglerie sans rien, mais avec des gestes
    suspendus en l'air et la réalité
    qui se retourne comme un gant.

    Avec les êtres et les choses
    attirant les mots comme des aimants.

    Plus loin dans le temps, nous retiendrons entre tous ce recueil de l'auteur, à petit tirage (49 exemplaires sur BKF Rives) : Tête-bêche, illustré pour les exemplaires de tête par Pierre Alechinsky. Publié à Paris par Marchant Ducel (soit Franck André Jamme) en juin 1987, il a été imprimé au Pontet par Jean-Pierre Barnaud et Gilles Couttet. Trente-et-un des exemplaires de ce livre d'artiste sont rehaussés d'une encre de Pierre Alechinsky, signée par l'artiste.

     

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  • "Le Château", de Franz Kafka, traduit par Alexandre Vialatte, éd. Gallimard, coll. Du monde entier, 1948, 255 pages

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    Un livre phare, commenté par René Noël :

     

    K se place d'abord dans une situation de conflit, de combat et s'apprête donc à subir des contradictions qui mèneront à des situations où l'une ou l'autre des parties sera gagnante, perdante, mais toujours de manière intermittente, si bien que si un but est recherché, celui-ci sera toujours remis en question.

    *

    K se place de suite face à l'impossible en sachant que le but recherché est souvent flou, contradictoire, inaccessible, voire méprisable.

    *

    Le doute (remise en cause de l'absolu, de la vérité, de la justice, de l'esprit de communauté...)

    *

    Se plaçant en position d'affrontement, voulant forcer le passage, mettant en jeu toute son énergie, ses pensées et forces physiques tendues vers le haut (verticalité), K doit affronter une force d'inertie d'autant multipliée, qu'il se trouve de personnes vivant dans le village (horizontalité) ; luttant sur les deux fronts : sa fatigue.

    *

    Tout le roman repose sur cette situation initiale, tout est décrié, joué : si apparemment l'absolu n'existe qu'en tant que béance indécise, chaque possibilité semble renvoyer sans cesse à une vérité sans cause : destin (et le destin comprend aussi bien le succès que l'échec, se moque qu'il y ait succès ou échec, puisqu'aussi bien le destin opprime ou laisse libre le hasard, confirme et affirme à volonté doute et certitude logique jusqu'à l'absurde).

    *

    Ici se joue (jeu de cubes) la vie de tous les personnages, et les questions de la vie en communauté et de la solitude.
    K est isolé, trouve des alliés, mais au fur et à mesure de ses rencontres, s'aperçoit que chaque personne est en elle-même l'absolu qu'il traque (jusqu'à l'épuisement de ses forces), ou peut le mener sur le chemin de cet absolu, mais que personne ne parviendra à véritablement l'aider, car chacun est SEUL, et c'est l'absolu lui-même (représenté par le Château) qui entretient cette solitude (par la force des choses). Puisque si une communauté parfaite existait, alors nul ne serait besoin de considérer un absolu et un monde relatif qui dans le roman ne peuvent fonctionner que comme deux phalanges d'un même doigt séparées par une tierce phalange (sans but, sans espoir et sans déréliction, non pas inerte, mais servile sans excès : le monde même de l'administration : ses agents et ses plaignants, petits dieux et petits hommes...)

     

    * * * * *
    * *

     

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  • "Il y a dans l'air, ce matin, l'odeur inimaginable des roses du Paradis." Jorge Luis Borges

    De prisa

                                                                                                            « Le beau tient dans un cercle… »

                                                                                                                                    Esther Tellermann

     

                       Comme les voltes et tourments

                           de la fuyante pesanteur

                     flamme liquide elle est

                    dédicace aux moires de la langue

                    palais de glace où dérive

                    l’écho d’un rire fièvre vive

                     dans le dedans là où

                         panache de l’iris

                       rayonnent loin des rimes

                         des bateaux sans âge

                         l’or gris à la rive fait mirage

                 ravive dans ce fragment d’espace

                 les froides dentelles des amandiers blancs.

                  Venez senteurs, moiteurs jusqu’au centre

                          spires & sèves à la périphérie

                      éclair silencieux veines courant sur les sables

                       bruissantes aux rouges fontaines,

                        tissus de vie sur la travée de pierre.

                                 Du noir-vert à la cire la plus translucide

                                 l’univers des choses 

                                est l’instant du présent qui nous manque.

                               Sous le chiffre des pas une lampe d’éveil

                              l’âme lisse du bronze

                             coulée dans le bleu de la bouche

                            et que dire de plus

                            au soir du lendemain ?

                             Les premiers oiseaux du crépuscule.

                                                                                

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