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Diérèse et Les Deux-Siciles - Page 51

  • "Avec ce qui adviendra"

    La rivière prend parure de flammes sous les branches
    bloc de lumière jamais touché
    le temps battait des ailes
    en te laissant croire à la grâce
    inépuisable du poème
    aux syllabes fragiles qui s'éprendraient
    des mots de celui qu'elles écoutent
    sur le sable des nerfs les minutes s'enchaînent
    et les monuments dressés ici et là
    s'enfoncent
    dans les lentilles d'eau
    tu passes et regardes
    ainsi le vide se défaire
    des plus lointaines îles

    La rivière sous la coupe de cristal bleu
    est lente à se mouvoir
    elle jette aux vitres de la ferme voisine
    des serpents d'écume
    où tremblent les lois du vent
    et de ses yeux craintifs engage le dialogue
    avec ce qui adviendra
    le brusque saut dans l'inconnu
    cette part de nous-mêmes
    arrachée au vouloir libre
    qui saisit tout un chacun
    dans l'ombre qui s'allonge
    brillante comme un astre
    infiltré dans les plis du grenier


    Daniel Martinez

  • "La Main", une sculpture d'Alberto Giacometti, vue par Joachim Pissarro

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    Alberto Giacometti : La Main, 1947
    Bronze : H. 57 cm, 22 1/2
    Alexis Rudier Fondeur, Paris

     

    La Main de Giacometti

                                                                                                                                     Les mains sont singulières
                                                                                                                                     Georges Limbour



         Une main : La Main, figée, tendue, exsangue, squelettique, fichée verticalement sur une tige qui la relie à son socle, et prolongeant horizontalement (ou obliquement) un avant-bras et un bras ; cette Main présentée sous cage de plexiglas, aborde le vide, se donne à notre regard, se donne à nous pour nous accuser. Elle point, se tend, se livre, fragile et toute menace : pleine gifle au regard. Le pouvoir de fascination de cette pièce, son pouvoir étrange, ressortit de quelques paradoxes : tout d’abord, la main usuellement porte empreinte ; signe, ou porteuse de signes, elle assigne une identité : elle est la main de quelqu’un. Ici, elle n’est main de personne : arrachée, perdue, isolée, parfaitement abstraite. Nulle identité nulle part ; soutenue par le vide et l’anonymat. Pourtant, bien sûr, aux yeux de tous ou presque, cette main pour ainsi dire suinte Giacometti de tous ses pores : elle signe Giacometti, de sorte qu’il n’est aucun doute sur son origine. Elle désigne le geste signataire.
         En fait, l’ambiguïté de cette œuvre tient, en partie, à l’hésitation où l’on est de savoir si cette main vient d’être arrachée à un corps mort ou vivant. James Lord suggère que cette main de 1947 fait peut-être allusion à la débâcle, à l’éparpillement absurde des corps et des membres propres à la guerre. Cette main - La Main - serait donc main de manchot : représentation d’un arrachement, d’une perte, d’une douleur, de la peur ou de l’effroi, signe d’un manque qui ne peut se racheter. Moins dramatique, l’hypothèse que cette main (et son bras) ressortissent de la pure décision de l’artiste de faire de faire œuvre à partir d’un fragment, ou plus exactement d’un détail. Dans un cas, La Main désignerait un accident ; dans l’autre, elle se montrerait comme étude. "Le monde m'étonne chaque jour davantage. Il devient tantôt toujours plus lointain, tantôt plus merveilleux, tantôt plus insaisissable, toujours plus beau. Le détail me passionne, le petit détail", avoue Giacometti.
         La plupart de ceux qui ont visité l’atelier de Giacometti (Georges Limbour, par exemple, en 1947), décrivent l’atmosphère de désordre, d’éparpillement, de chamboulement qui frappe d’abord le visiteur ; ce sont toutes sortes de fragments accumulés ou abandonnés. Il est donc difficile, et vain peut-être, de décider s’il s’agit en cette Main d’un fragment d’atelier ou d’un relief de la guerre. Au demeurant, il peut fort bien s’agir des deux, l’atelier de l’artiste offrant tout l’aspect d’un champ de bataille.

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  • "Une vie ne suffit pas"

    Plongeant sur le Léman
    mille aiguilles d'acier
    mille vaguelettes induites
    par ce qui n'a pas de nom
    soupirent dans la brise
    porteuse d'échos
    l'air et la flamme ainsi s'étreignent

    Le tilleul qui s'étire
    nous comble de sa sollicitude
    comme s'il redessinait la lumière ténue
    qui filtre des nuages

    reflétée par l'autre versant
    ses cyprès en torche
    ses peupliers d'Italie
    enroulés sur le dernier soleil
    à même le rayon vert
    du crépuscule qui s'annonce

    Sillage de moins en moins distinct
    quelque part un combat s'achève
    un peu d'or se glisse encore
    dans les veinules d'un paysage brouillé
    à écouter les images
    venues couvrir d'une ombre lucide
    la trace de nos pas
    où se confondent l'extrême hier
    et le tout proche demain

    Daniel Martinez

     

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