Auteurs - Page 47
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Mieux qu'un paysage, puisque ce terme suggère un décor, à l'extérieur, qu'il suffirait de peindre, un pays qui inspire la parole autant qu'il l'éprouve : c'est à Penne-de-Tarn que Jean Malrieu, de 1961 à 1976, surtout pendant les vacances d'été, devait se préparer au poème et s'y livrer, comme si le poème était appelé, authentifié aussi par tout ce qu'il avait vu et écouté. Bien plus, ce qu'il a vu et écouté devient ce qu'il lui faut dire. L'auteur du Nom secret tient à nommer son "pays préféré", du moins au début de La Vallée des Rois : par la suite, dans Possible imaginaire, il sera question d'"un village", ou dans Le plus pauvre héritier, d'un "village parfait", mais certaines pages sont intitulées Le cimetière de Roussergue, La croix de Belaygue, Sous le noyer de Saint-Paul. Jean Malrieu aimait ces "lieux-dits", et constamment le fleuve, les collines, les prairies, la forêt, ou la venelle, la place, le château, il rappelle qu'il se trouve autour de Penne ou dans Penne. Il ne décrit pas, ou si peu, tout ce qu'il dit pourtant, impressions, sentiments, pensées, se situe précisément dans cet espace "réel" et "intérieur" (il emploie les deux adjectifs), participe de sa présence ou de son mystère.
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"Fieffé soleil" : Christophe Manon, éditions de l'Attente, collection Week-end, 19 décembre 1999, 24 pages
Deux recueils de poésie, les tout premiers de Christophe Manon, ne sont pas cités dans sa bibliographie : Les Treize empereurs d'abord, paru aux éditions Les Deux-Siciles le 27 novembre 1998, imprimé à 222 exemplaires. Ce livre traite des luttes intestines entre souverains incas. Dans les années 1520, les aventuriers du souverain espagnol Charles Quint, les fameux conquistadors, sillonnent la côte pacifique de l'Amérique du Sud. L'explorateur Francisco Pizarro découvre alors l'empire de Tawantinsuyu. Dirigé par le souverain Atahualpa, l’État inca est en proie à des luttes fratricides qu'exploiteront les Espagnols. Cet affrontement transformera à jamais le continent américain. Et Fieffé soleil, ensuite, ouvrage publié par les éditions de l'Attente, le 19 décembre 1999.
Né le 19 mars 1971 à Bordeaux, romancier aussi bien que poète, c'est une voix singulière que la sienne. Christophe Manon a su tracer sa voie sans se perdre au passage dans les modes littéraires, lui qui se plaît à écrire : "Je ne suis pas poète, j’écris de la poésie, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Cela n’a aucun caractère essentialiste, j’y tiens beaucoup." Il a publié dans trois livraisons de Diérèse, les numéros 4 (p. 11 à 15 ), n°6 (p. 13 à 14) et n°8 (p. 142 à 144, sorti en décembre 1999, ses poèmes étant illustrés par Claude Forest).Voici les quatre premiers poèmes de Fieffé soleil, imprimés sur papier chamois : on appréciera particulièrement la minutieuse découpe des vers, à lire à haute voix pour ne rien perdre de leur musique intérieure, comme de leur gravité :
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Diérèse 66, automne-hiver 2016, 246 pages, 15 €
Jean Malrieu ne fut pas seulement celui qui a fondé deux revues : c'est aussi ne l'oublions pas, un poète, qui fit passer son œuvre après celle des auteurs qu'il a publiés. De lui, nous citerons Le nom secret suivi de La Vallée des Rois (1968), Le Château cathare (1971), Mes manières instinctives (rédigé en 1958, publié en 1978), Libre comme une maison en flammes - Œuvres poétiques 1935-1976 (2004) : ce livre, imprimable à la demande, a été préfacé par Pierre Dhainaut qui a su réunir dans ce volume la quasi totalité des poèmes de celui qui dans la vie fut instituteur, par vocation.
Pierre Dhainaut, qui participe à la revue Diérèse depuis près de vingt ans, nous a fait l'honneur de présenter dans sa soixante-sixième livraison un ami qui a compté pour lui. Décédé le 24 avril 1976 à l'âge de 60 ans, est inscrit sur sa stèle « Même le temps est accepté, ce provisoire des merveilles ».

