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"Précis de l’hors-rien, un petit opéra muet pour les poules, les astres et les océans", Matthieu Messagier, illustrations de Simon Messagier, Fata Morgana, 2001, 24 pages

Matthieu Messagier a participé au numéro 64 de Diérèse (mars 2015, page 169 à 195) en me confiant des extraits de son Journal, qui n'ont pas été repris en livre, intitulés : "Les arts blancs de la varicelle (débris d'un journal éperdu)" : 
          "Je suis né du bruit de mars
          Que font les crues
          Lorsqu'elles frottent leur ventre mystérieux
          Sur les rêveries de la nuit
          Et puis
          J'ai dépensé toute ma fortune
          Dans mon style

          (parenthèse soyeuse).
"Précis de l'hors-rien", recueil bellement illustré par Simon Messagier, se présente assez souvent comme des notes d'hôtel, un peu à la manière de ces cartes à en-tête que Matthieu envoyait pour accompagner ses messages, toujours écrits (il n'avait pas d'ordinateur, et ne conservait pas toujours de copies de ses poèmes, en vers ou en prose). C'était aussi un authentique plasticien, en digne fils de Jean Messagier. Il fut l'un des principaux acteurs de  "La génération Electrique/ spontanée, imprévue et inéluctable/ C'est ce qui en fait la force,/ Et, cet indispensable lien/ Entre surréalisme-dadaïsme/ Et la Beat Generation/ Sous l'égide pariétale du Grand Jeu" (Diérèse 64).
Matthieu Messagier, dandy féru de mystères légers comme l'air, qui se plaignait de "l'effroyable médiocrité du réel" a rendu son tablier "au détachant du destin" le 1er juin 2021. Ainsi fut.

 

 

 

Moat House International
Stratford-upon-Avon

Prière pour un moucheron


               T'avoir trouvé pressé
               Entre des papiers
               Qui ne te valent pas

               T'avoir posé délicatement
               Sur l'herbe éclatante
               D'une pluie froide de mai

               T'avoir serré dans mes bras
               Dans l'attente de te retrouver

 *

Bolgatty Palace Hotel
Mulavukad P.O.

Cochin

Et d'ici aussi et d'ailleurs je verrai le Potala émerger des brillances d'une correspondance immémoriale oubliée des lobes - je verrai la maison de la révolution, la grande pelouse aux saris multicolores, le palais du gouverneur hollandais sur la Venise indienne et le consul alcoolisé qui étudiait la vie et les mœurs des geckos dans une forêt de marbres et de bois sculptés avec vue sur le bleu infini - du plus bel hôtel du monde à toi le double des sensations du Légia de Varsovie au cœur de la rue Picpus.

 *

The Park Lane Hotel
Piccadilly
London England

Il n'est à peu près qu'une seule chose dont je sois réellement fier : avoir sacrifié mon pauvre talent sur l'autel de l'oisiveté. Combien de fois, pour prendre exemple, ai-je sciemment refusé de me relever la nuit pour noter des pages entières qui me venaient de loin et qui sont plus exactes au sens de la constellation d'un merisier en armes et en paix repues.

Il ne sert de rien d'être plus ou moins à force d'exagérations et d'immortalités individuelles hors de propos ; l'esprit se réduit en poudre, poudre de ses propres riens s'il ne sait pas les laisser filer comme les bouchons d'un filet de pêcheur mais se plaît à les empiler...

Par-dessus la ville un comble d'innocences au corps usé rapporte tout ce que j'ai écrit et son contraire.

 *

The Silver Seas
Ocho Rios Jamaica


Certainement n'aurai-je été qu'un Cristal de Poème balloté au gré des hasards des circonstances intellectuelles de son époque, poil à la toque.


Matthieu Messagier

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