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William Carlos Williams a reçu en le Prix Pulitzer de poésie à titre posthume, pour le recueil Tableaux d'après Breughel et autres poèmes publié l'année précédente. Une poésie non lyrique, aimantée par le sujet, volontairement descriptive et portée par l'intention de faire sens. La découpe des vers, caractéristique, capte l'attention et fluidifie un rendu sans le musicaliser pour autant, à mi-chemin de la prose poétique. Dans la préface de son "grand œuvre", Paterson (du nom d'une ville ouvrière du New Jersey), il écrit : "Nous voulons atteindre à la rigueur de la beauté. Mais comment retrouver la beauté quand c’est l’esprit qui l’emprisonne, sans qu’elle puisse lui échapper ?" Sans pour autant adopter dans son principe ce parti-pris, il convient néanmoins de lire une poésie qui, se défiant de tout essai de transcender le réel, finit presque malgré elle par convoyer des thèmes qui dans leur essentialité dérogent au simple rendu objectif, à cette école objectiviste et imagiste dont le poète, traducteur, critique littéraire et romancier américain a été l'un des membres fondateurs.
Quelques extraits choisis de Pictures from Brueghel and other poems, ici traduits par Yves Peyré :
TABLEAUX DE BRUEGHEL
AUTOPORTRAIT
Sous un chapeau d’hiver rouge les yeux bleus rieurs rien que la tête et les épaules
serrées sur la toile les bras croisés une seule oreille d’importance la partie droite où apparaît
le visage légèrement incliné un lourd manteau de laine à larges boutons
froncé au cou laisse voir un nez fort les yeux éraillés
par un usage excessif il ne devrait pas les ménager mais la délicatesse des poignets
fait ressortir qu’il n’était pas habitué au travail manuel mal rasé sa
barbe blonde à peine entretenue ne trouvant pas un instant pour quoi que ce fût en dehors de sa peinture
* * *
PAYSAGE AVEC LA CHUTE D’ICARE
Selon Brueghel la chute d’Icare ce fut au printemps
un fermier labourait son champ tout l’apparat
de l’année se tenait en éveil sonnant clair près
du rivage marin replié sur lui-même
peinant sous le soleil qui fondait la cire des ailes
de nulle portée loin de la rive ce fut
tout à fait inaperçue une gerbe d’écume Icare qui sombrait
* * *
LES CHASSEURS DANS LA NEIGE
D’un bout à l’autre du tableau c’est l’hiver des montagnes couvertes de glace à l’arrière-plan le retour
de la chasse a lieu vers le soir à gauche de robustes chasseurs mènent
leur meute l’enseigne d’une auberge pend avec une attache rompue elle représente un cerf un crucifix
entre ses bois la cour de l’auberge est déserte sous le froid sinon là où flambe
un grand feu de joie attisé par le vent entretenu par des femmes qui s’assemblent tout autour sur la droite au-delà de
la colline c’est une scène de patinage Brueghel le peintre le plus attentif à tout a choisi un arbuste meurtri par l’hiver comme premier plan pour achever son tableau
* * *
L’ADORATION DES MAGES
De la Nativité que j’ai déjà* célébrée l’Enfant dans les bras de sa Mère
les Mages avec leur magnificence de brigands et Joseph et la suite
des soldats aux visages incrédules composent une scène imitée dirons-nous
des maîtres Italiens avec cette différence toutefois la maîtrise
de la peinture et l’esprit plein de ressources qui commanda l’ensemble
l’esprit alerte mécontent de ce qu’on lui demande et qu’il ne peut faire
admit l’histoire et la peignit avec les couleurs éclatantes du chroniqueur
les yeux baissés de la Vierge tels une œuvre d’art pour une profonde adoration
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* Au livre Cinq, Chant III de PATERSON.
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NOCES PAYSANNES
Marié verse le vin là devant toi où trône la jeune épousée sa chevelure
défaite bat ses tempes un épi de blé mûr est accroché à la cloison tout près d’elle les
invités sont assis à de longues tables les joueurs de cornemuse se tiennent prêts on voit un chien sous
la table le Maire est là qui porte la barbe les femmes avec leurs coiffes empesées
sont toutes à jaser sauf la jeune épousée qui les mains jointes sur ses genoux garde un silence embarrassé des plats
de tous les jours du fromage blanc et des amusettes pris sur un tréteau fait
d’une porte d’étable dégondée sont servis par deux aides l’un avec une veste rouge une cuillère fixée au ruban de son chapeau
* * *
LA MOISSON
L’été ! la peinture s’organise autour d’un jeune
moissonneur savourant son repos de midi parfaitement
détendu après les efforts de la matinée vautré
dormant en réalité tout débraillé sur le dos
les femmes lui ont apporté son repas peut-être
deux doigts de vin elles s’assemblent pour bavarder sous un arbre