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"La petite route du col" suivi de "Vues des guides et porteurs au-dessus du précipice", d'Yves Leclair, éditions L'Etoile de limites, 27 janvier 2023, 300 exemplaires, 10 €

A l’heure où tel musée propose des tatouages en l’honneur du peintre de La Ronde de nuit (maison de Rembrandt d’Amsterdam), il est bon de prendre le recul qui s'impose et de se référer - sans se commettre avec l'omniprésente société du Spectacle - à l’étincelle toujours vive de la poésie incarnée ici par Yves Leclair, en évoquant précisément son recueil paru il y a peu à L’Etoile des limites : La petite route du col suivi de Vues des guides et porteurs au-dessus du précipice.

A ce jour Yves Leclair a participé à six livraisons de Diérèse - il fut publié au départ dans le numéro 44 consacré à Jean-Claude Pirotte (sorti en avril 2009, il y a donc quatorze ans de cela). Jean Orizet parle ainsi de ce poète : « Yves Leclair nous révèle, par petites touches subtiles, la manière qu’il a de voir ce qui pour d’autres resterait sans doute inaperçu. Il faut très peu de matériau parfois, pour qu’un poème soit accompli. Tout l’art de ce poète est là. Il ne s’agit pas de « minimalisme » que l’on évoque à propos d’un autre type d’écriture, mais plutôt d’un lyrisme économe et précis, où la sensibilité progresse à fleur de mots, scintille d’images indemnes de tout clinquant, mais très efficace sur le plan de l’écriture… » (in Des aventures du regard – Des poètes et de la poésie, Jean-Pierre Huguet éditeur, octobre 1999).
Dans la seconde section du livre qui nous intéresse aujourd’hui, Y. Leclair dresse le portrait d’un certain nombre de poètes choisis au fil du temps, à commencer par Tchouang-tseu, Tao tseu, Li He, Plutarque… ; et, plus près de nous, Umberto Saba, Jacques Vaché, Armel Guerne, Georges Perros, Fernando Pessoa… sans oublier cet auteur qui a reconfiguré la poésie du vingtième (sans se priver à l'occasion de se montrer lyrique, lui qui ne pensait pas grand bien des « ismes » et des écoles de poésie), j’ai nommé Henri Michaux.
L’allusion dernière d’Yves Leclair renvoyant à la sortie de son domicile parisien (rue Séguier) de l’auteur d’Ecuador - un livre dont le texte de l’édition originale du 2 juillet 1929 n’a pas été intégralement repris dans le premier volume de la Pléiade -, de sa sortie donc vers le Collège de France, le 12 janvier 1983. H.M. se rendait alors à une conférence sur la création poétique de Jorge Luis Borges. 

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MI TCHAO

                                                                                              "On veut trop être quelqu'un."
                                                                                                         Henri Michaux, Pl
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Né dans un pays parfaitement plat qui n'appartient qu'au vent, étranger parmi les siens comme dans le monde adulte agité, l'enfant avale des livres de voyage, découvre l'Egypte, les Indes, la Chine... Il veut devenir médecin ou moine bénédictin. A 21 ans, devant le refus de son père, il s'embarque comme mousse à bord d'un charbonnier. Il fait le tour du monde.
De retour à Paris, il vit solitaire et pauvre. Dans le désert des petits caporaux vaniteux qui régentent les paroisses de l'art, il fait la rencontre inespérée de trois rois mages, Supervielle, Paulhan, Daumal, qui l'aident à s'orienter. C'est pourquoi, suivant sa bonne étoile, le poète voyage. Mais la Terre est ronde. Et sa femme meurt car la maison a brûlé. Capitaine de la débâcle, il se sait et se veut essentiellement ailleurs. Ses livres déroutent, désorientent, déforment, débloquent. Sa peinture explore de l'inconnu, ouvre de l'indéfait. Le dormeur rêvant, le rêveur éveillé, le malade mental, l'enfant, le consommateur de mescaline, le calligraphe de l'antique Chine, lui montrent la Voie vers la Cité interdite : au-delà des carrefours, dans le non-situé, à perte de vue et de pensée, dans la destruction des échafaudages, sont ses propriétés.
Henri Michaux finit sa vie détachée dans la cellule méditative de son bout du monde à Paris, avec un pinceau et un peu d'encre de Chine. Quand il sort pour faire ses courses, il chausse des lunettes noires. Il ne veut pas être reconnu.


Yves Leclair

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