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"Diérèse" numéro 12, décembre 2000, 200 pages, 35 F

En octobre de cette année-là naissait la revue intitulée Cahier Critique de Poésie (ou CCP ; éditions Farrago, diffusion et distribution CDE Sodis). Le numéro 0 comptait 160 pages, Emmanuel Moses s'y entretenait avec Franck Venaille. La périodicité : un semestriel, qui chroniquait (à peu près) toute l’actualité éditoriale dans le domaine de la poésie, soit environ 250 livres recensés à chaque livraison, mais aussi des revues, des supports numériques et des sites internet liés à la poésie. Ceci étant, de grâce, n'y cherchez pas Diérèse, ce serait peine perdue (mystère). CCP qui a compté 34 numéros, devait s'arrêter de paraître en novembre 2017.
En novembre 2000, paraissait aussi chez nos amis belges, depuis le 75 de la rue Médory à Bruxelles le numéro 29 de la revue Dixformes-Informes dirigée par l'enseignant et artiste peintre Philippe G. Brahy, publication vendue à prix coûtant - je souligne, permettez ; il fut aussi le responsable des éditions Chantepleure. On y lisait avec intérêt, dans ce n° 29, une lettre de Jean Malrieu à Gérard Cléry, missive touchant à la personnalité autant qu'à la vie malheureuse de Gérald Neveu.
Côté livres, le 26 octobre 2000 avait paru sous forme de journal, le récit de la courte détention d'un peintre de renom, intitulé : "Egon Schiele en prison", traduit de l'allemand par Claude Riehl, édité par La Fosse aux ours. L'artiste viennois a en effet goûté, en avril-mai 1912, à la maison d'arrêt de Neulengbach pour pornographie. Dans cet ouvrage, on peut notamment lire, de la plume dudit : "Aucune œuvre d'art érotique n'est une cochonnerie quand elle vaut par ses qualités artistiques ; elle se transforme en cochonnerie uniquement quand le spectateur est un cochon". Certes.
Le
28 septembre 2000 s'éteignait Pierre-Jean Oswald, un éditeur qu'Armand Olivennes (frère d'Olivenstein) évoquait en ces termes : "Il y a trois ans nous nous sommes revus, lui, son épouse et collaboratrice Hélène (admirable de dévouement) et moi. Il n'avait pas changé depuis l'époque où j'allais corriger mes épreuves, place Baudoyer et rue Charles V, à Paris ou à Honfleur. Nous avons évoqué ses collections : "L'aube dissout les monstres", "J'exige la parole", "Action Poétique" dirigée par Henri Deluy, etc..., ainsi que ses auteurs (Robert Sabatier, Jean Malrieu, Gérald Neveu, Fernando Pessoa, Franck Venaille, Yvon Le Men, Marie Rouanet en bilingue occitan-français, Vladimir Holan, Atahualpa Yupanqui, Rafael Alberti, Tchicaya U Tam'si, Ait Djafer...). Il aurait, tout aussi ardemment, voulu donner encore la parole aux poètes. Mais sa vocation naturelle n'était pas le lunatisme perpétuel. C'était l'encre, le format, les couvertures, le Livre !"
Quant à votre serviteur, plus modestement, il tenait chronique in Diérèse de "L'Année du Dragon", une rubrique en prise avec l'actualité d'alors. Bien, sans plus attendre, voici la première de couverture du numéro 12 de la revue qui nous occupe aujourd'hui, première signée par Pacôme Yerma :

Couv D 12 2000.png

 

 

 

Dans ce numéro 12, pour la troisième année d'existence de la revue, que pouvait-on lire, me demanderez-vous ? Je ne fais qu'effleurer le sommaire :
De courts récits inédits de Charles Bukowski (pas impossible qu'ils le soient toujours), traduits de l'américain par Mike Keating et Francis Juif. Le plaisir de vous donner à lire le premier d'entre eux, sans les majuscules s'il vous plaît, un ton jugé alors un peu trop libre pour certains confrères :

RIRE

meilleur était le temps où nous roulions un moment sans nous être vus avant.
tu avais demandé à me voir, tu voulais être conduite quelque part. ta voiture avait été volée ? non, ce n'était pas ça : c'était le carburateur pour lequel tu avais besoin d'un réglage. de toute façon nous roulions et nous nous sommes arrêtés au feu sur Los Feliz, et tes cheveux étaient peignés long et tu disais "je sors avec Paul en ce moment". j'ai ri. je n'avais pas ri autant depuis des mois, des années, puis je me suis retenu : est-ce que je riais pour te faire croire que je m'en foutais ? ou bien n'était-ce que de contentement ou de soulagement ? alors je me suis radiographié et j'ai vu que ça n'avait pas été défensif : simplement ça faisait du bien de m'arrêter là.
alors nous avons fait ta course et nous sommes allés manger quelque part, et j'ai proposé que l'apéro soit bu à la santé de Paul qui n'avait aucune idée de ce qui l'attendait, mais tu as suggéré qu'il n'avait aucune idée de ce à quoi tu allais échapper, et j'ai proposé que nous buvions à ça. puis nous avons bu encore un verre sans porter de toast. j'a toujours aimé ta chevelure brossée comme ça et tu as toujours su où placer exactement le ruban.

se rencontrer est plus excitant que de se séparer mais se séparer est plus important si on veut continuer à vivre à sa façon, un jour je verrai tout de ta beauté bouffie, tes jambes avachies, et à moi tu seras insensible : on s'est tous fait avoir." Charles Bukowski, 1979.

Suivaient trois poèmes de Bruno Sourdin : "En écoutant Hendrix", "Robert Wyatt", "Eric Burdon" :

Eric Burdon


Il réveillait les notes qui dormaient dans la prison des glaciers. Des craquements s'élevaient, nous giflaient le cœur. Du fond du temps, il appelait la souffrance, la tristesse, le désespoir... J'avais connu 
Eric Burdon malade et fragile, abandonné de tous, misérable parmi les misérables. Et voilà que, sur cette île du bout du monde, dans le grondement incessant des icebergs, je le voyais par bonheur incarner la puissance sauvage du Grand Nord. Premières mesures. Je ferme les yeux. Je reconnais l'orgue d'Alan Price. Le courant monte. Un chant de hargne et de révolte s'élève. Eric chante pour les vivants, uniquement pour les vivants. Habité par l'esprit. Un battement d'aile. Son souffle. Ses blessures. Animal. Bruno Sourdin 

On y rencontrait aussi, dans cette livraison, Michel François Lavaur, qui m'avait envoyé quatre dessins d'hippocampes, que précédaient deux poèmes de son cru, dans l'esprit de son Argos VI - petits éléments pour un bestiaire paru aux éditions Le Pavé en octobre 1984. Le second :

L'hippocampe des Sargasses

                    Il me pousse
                    des arabesques de langage
                    des inventions formelles
                    des entrelacs d'images
                    des fleurs des feuilles
                    de parole
                    qui me singularisent
                    et me dissimulent
                    tandis que je couve
                    au plus intime
                    mes œufs de poésie
                    comme
                    un hippocampe des Sargasses

                                   Michel François Lavaur

puis quelques pages extraites de mon Carnet saharien (Le Fennec).

Je terminerai par le facteur poète Jules Mougin, portraituré par Pacôme Yerma, béret et maïs aux lèvres et qui a rendu son tablier à 98 ans, le 6 novembre 2010. Ici, des pages de son Journal, manuscrites, pour Diérèse

                              On entre dans le soir

                                             *

                        Ce soir, quand le jour change !

                                             *

                    Après les gros feux, les grandes eaux !

                                             *

                          La nature se fout de nous !

                                             *

                       "Drôles d'animaux, les hommes"
                                           Matthieu Galey

                                            Jules Mougin

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