Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

D'après... Cézanne, vous l'auriez deviné, avec une page de mon Journal pour le plaisir du geste

POMMES.jpg

Dessin de Pacôme Yerma

Cette phrase de Gaston Bachelard qui me revient à cette heure : "Le réel n'est jamais ce qu'on pourrait croire mais il est toujours ce qu'on aurait dû penser." Magritte lui aurait pu dire : "Ce ne sont pas des pommes" et peut-être y aurait-il un soupçon de vérité là-dessous ?, l'imaginaire fera le reste. Les yeux de l'âme par exemple, quand ils se posent sans façon sur ce qui, à défaut, attend d'être nommé, pour ne pas dire précisément : "dessiné" - et ainsi faire au plus court. Amitiés partagées, DM

 



6 février  Si l'on interroge tel ou tel en demandant : "Rappelez-moi, en quelle saison sommes-nous ?", la réponse à cette question quelque peu saugrenue ne se ferait pas attendre : "Mais en hiver, naturellement !" Et ce jusqu'au 21 mars, date officielle de l'entrée en scène du printemps.
Pourtant, sans même insister sur le réchauffement climatique, le simple observateur attentif de la nature sait bien que cette date est arbitraire. Le printemps, par petites touches discrètes, pousse chaque jour un peu plus sa corne sur le territoire déjà mité de l'hiver. Les prémices de son apparition prochaine sont encore furtives, certes. La pie - qui tous les jours fait la navette entre peupliers et avants toits - transporte aujourd'hui une brindille ou deux dans son bec. Elle ne pourra plus cacher longtemps son intention de faire un nid. L'examen attentif d'un jeune saule décèle la présence de petits bourgeons, et le noisetier s'orne - à côté de ses chatons mâles - de quelques fleurs roses aussi minuscules qu'éphémères. Le cognassier du Japon laisse lui fleurir entre ses épines d'éclatants pétales rouge sang pour témoigner peut-être à sa manière de la fin du Nouvel An chinois avec la fête des Lanternes. Déjà, sur la pelouse du parc des Trois Sapins s'épanouit un perce-neige ou une hâtive primevère...

A sept heures et quelques, Diane m'annonce en se levant tant bien que mal qu'elle a rêvé d'une ville blanche, si blanche qu'elle en devenait transparente, dans laquelle elle évoluait le plus aisément du monde "en ayant gardé son corps" devenu vaporeux lui aussi (j'y vois quant à moi l'image possible du paradis, le lui suggère sans qu'elle comprenne ce que j'évoque).
Matin clair, la pleine lune apparente encore sur laquelle Gaëlle voit se dessiner un poulain, pourquoi pas ? Le monde de l'enfance est ainsi fait, de cette innocence inventive qui nous manquera plus tard cruellement. Lorsque d'aventure elle m'interroge sur mon travail alimentaire, je lui réponds que c'est un bien triste lieu où j'ai appris à me trahir sans trop en rougir, socialement parlant du moins. Seul, le miroir oblong du séjour sait en un éclair me renvoyer l'image ruinée de mes idéaux adolescents. En fait, je ne me suis jamais approprié le statut dans lequel on voulait me confiner, bien plutôt ces laborieuses années passées à perdre mon temps pour gagner ma vie m'ont donné conscience que le monde dit sérieux ne l'était, à la réflexion, vraiment pas. Je donnais donc raison à Gaëlle sur ce qu'elle voyait se dessiner sur l'astre de la nuit, pour dériver sur l'histoire du Petit Prince, sa magie infuse.
C'est alors que sur les tuiles rouges de la dépendance passe un renardeau, le pas assuré, d'un parfait naturel. Il ne nous voit pas depuis la baie vitrée où nous quatre l'observons, et sans perdre un instant Mei le prend en photo... Edward m'écrivait il y a peu qu'aux heures calmes les renards faisaient des incursions dans Londres même, en quête de pitance, voilà qui confirme s'il en est besoin cette plaisante vision matinale. Ainsi va.

Daniel Martinez

1675670066128.jpg

 

Les commentaires sont fermés.