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  • "Diérèse" 21, mars 2003, 220 pages: une prose poétique inédite (jamais rééditée) de Jean Malrieu retrouvée par Pierre Dhainaut

    Voici les premières lignes de la présentation que Pierre Dhainaut fit de Jean Malrieu dans Diérèse 21 :

    Mieux qu'un paysage, puisque ce terme suggère un décor, à l'extérieur, qu'il suffirait de peindre, un pays qui inspire la parole autant qu'il l'éprouve : c'est à Penne-de-Tarn que Jean Malrieu, de 1961 à 1976, surtout pendant les vacances d'été, devait se préparer au poème et s'y livrer, comme si le poème était appelé, authentifié aussi par tout ce qu'il avait vu et écouté. Bien plus, ce qu'il a vu et écouté devient ce qu'il lui faut dire. L'auteur du Nom secret tient à nommer son "pays préféré", du moins au début de La Vallée des Rois : par la suite, dans Possible imaginaire, il sera question d'"un village", ou dans Le plus pauvre héritier, d'un "village parfait", mais certaines pages sont intitulées Le cimetière de Roussergue, La croix de Belaygue, Sous le noyer de Saint-Paul. Jean Malrieu aimait ces "lieux-dits", et constamment le fleuve, les collines, les prairies, la forêt, ou la venelle, la place, le château, il rappelle qu'il se trouve autour de Penne ou dans Penne. Il ne décrit pas, ou si peu, tout ce qu'il dit pourtant, impressions, sentiments, pensées, se situe précisément dans cet espace "réel" et "intérieur" (il emploie les deux adjectifs), participe de sa présence ou de son mystère.
    Ce n'est pas un hasard si, peu de temps après avoir écrit Vesper qui renouvelait l'exigence, Jean Malrieu découvrit à Penne une maison à vendre, lui qui n'eut jamais l'instinct de propriété l'acheta. Les années suivantes il ne songea guère à l'aménager : "Je ne fais que passer". De cette maison au "fronton de laquelle règne le soleil des pauvres", Jean Malrieu évoqua surtout l'ancienneté et l'inconfort : elle s'ouvre au temps ainsi qu'aux rencontres. Elle n'est pas un refuge, elle est l'endroit par excellence de l'accueil et du partage. Lorsqu'il travaillait, c'était dans une cabane de jardinier qu'une treille entourait et dont il fermait rarement la porte. Tout de suite il se rendit compte de l'importance que Penne aurait dans sa vie et tout de suite il essaya d'expliciter ce qui l'attirait.
    Est-il exact qu'à Penne (pour citer un poème des années 61-62 "rien (ne) retienne l'étonnement" ? Quand nous arrivons par la route qui longe l'Aveyron ou quand nous nous tenons sur la rive droite, par exemple dans le cimetière de Ségala où Jean Malrieu est enterré, nous sommes immédiatement saisis comme à l'approche de certains sites liés à la Croisade des Albigeois, par cette falaise qui se dresse, immense torche pétrifiée : c'est là-haut que le village s'incruste et que s'élèvent les ruines du château, pierres parmi les pierres. Mais on comprend que Jean Malrieu ait tourné le dos au pittoresque, au paysage justement. Du reste, dans ce premier poème consacré à Penne, ni la falaise ni le château ne sont mentionnés : le regard ne retient que ce qui depuis toujours lui est cher, prés, vergers, collines, forêts. Il doit apprendre à voir sans demeurer au-dehors. Penne qui pourrait faire songer à quelque guetteur debout, tendu, invite au contraire Jean Malrieu à renoncer à tout orgueil, à faire plus que regarder : "dans les rocs" "une âme", et cette âme, Jean Malrieu l'aimera pour la connaître, pour connaître la "noblesse" et la "grandeur" authentiques...

    Pierre Dhainaut

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    La peinture de couverture a été inspirée par l'œuvre d'un artiste hors-normes du musée de La Fabuloserie, situé à Charny-Orée-de-Puisaye (dans l’Yonne), pour ses vingt années d'existence.

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  • "Traverses" : Jean-Claude Pirotte, éditions du Cherche midi, janvier 2017, 96 pages, 14 €

    On ne présente plus Jean-Claude Pirotte aux lecteurs de Diérèse ! Le numéro 44 qui lui était consacré a été composé en sa présence (je vous donnerai à lire sa présentation, qu'il a tenu à rédiger à l'occasion de la sortie dudit numéro, un peu à la manière de Michaux - natif de Namur comme lui, le fit en son temps).
    Traverses est un ouvrage posthume, un Journal que tenait Jean-Claude, qui couvre la période allant du 1er juin 2010 au 16 juin 2011. Il se sait dès alors condamné (une lésion irréversible au fin fond de l'oreille interne). Il me l'écrit, plus pour m'en informer que pour s'en plaindre et continuera de coucher sur le papier son vécu, jusqu'à...
    Sa condition de poète, d'écrivain, par les extraits choisis qui suivent, est ainsi dévoilée au grand jour, après que. Elle est emblématique d'une vie qui jamais ne fut de tout repos, elle pointe du doigt une pauvreté assumée en même temps qu'une force/pulsion de vie, un désir de s'en sortir, au mieux, une constante chez Pirotte. Il confie par exemple avoir mangé du hérisson dans sa jeunesse, et d'ajouter : "On demandera quel goût a la chair du hérisson. Mais qu'importe. Les circonstances, voilà ce qu'il faut savoir". Il cite au passage le Journal de Ramuz, comme un référent obligé : "deux pages, éblouissantes (parmi bien d'autres) et d'une active et terrible nostalgie, à la date du 8 janvier 42".
    Et de sourire quand ce n'est pas grimaces à la Grande Faucheuse, pour la beauté du geste. Soit, pour conclure : "Écrire pour écrire, avec l'espoir tout à fait vain, absurde, que l'écriture ne rouille pas."

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  • "Les Treize empereurs" : Christophe Manon, éditions Les Deux-Siciles, 27/11/1998, 6 dessins à la mine de plomb de Pacôme Yerma, 40 p., 222 ex dont 22 ex de tête sur Popset Camel

    Le Pérou n'était pas le Pérou pour les Amazoniens devenus "Incas". Leur territoire était le Tayantisuyu (les quatre quartiers du monde, division attribuée aux Aymaras et correspondant peut-être aux points cardinaux : Chinchasuyu, Kollasuyu, Kuntisuyu, Antisuyu).
    L'empereur, l'Inca-Fils du Soleil, investi par le Grand Prêtre, monarque absolu thaumaturge, marque son temps, ce à quoi Christophe Manon dans les poèmes de ce livre a été sensible, entraîné aussi par l'image métaphorique ou/et le symbole propres aux rythmes sonores, à la musique magique des vocables quichuas. L'évocation des treize empereurs Incas porte en filigrane, non seulement le déroulement légendaire et historique du temps incasique (les Soleils, les événements y attachés), mais encore leurs mœurs contrastées - à l'image du Soleil : fécondation/destruction - et la longue entreprise annexionniste bientôt centrée sur le Qoricancha (Temple du Soleil à Cuzco), puis l'intrusion du temps hispanique dont on sait qu'il provoqua l'effondrement de l'empire : l'ancien gardien de pourceaux, Francisco Pizarro, avait en effet débarqué non loin de Tumbes, dans le torride golfe de Guayaquil...
    Premier livre de l'auteur, fascinant à plus d'un titre, qui décrit sans prendre parti mais en laissant entendre, sans décontextualiser jamais. Et qui n'est pas sans rappeler l'esprit du recueil de Jean-Pierre Faye : Le Livre de Lioube, éditions Fourbis (1991).

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