Diérèse 21
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Mieux qu'un paysage, puisque ce terme suggère un décor, à l'extérieur, qu'il suffirait de peindre, un pays qui inspire la parole autant qu'il l'éprouve : c'est à Penne-de-Tarn que Jean Malrieu, de 1961 à 1976, surtout pendant les vacances d'été, devait se préparer au poème et s'y livrer, comme si le poème était appelé, authentifié aussi par tout ce qu'il avait vu et écouté. Bien plus, ce qu'il a vu et écouté devient ce qu'il lui faut dire. L'auteur du Nom secret tient à nommer son "pays préféré", du moins au début de La Vallée des Rois : par la suite, dans Possible imaginaire, il sera question d'"un village", ou dans Le plus pauvre héritier, d'un "village parfait", mais certaines pages sont intitulées Le cimetière de Roussergue, La croix de Belaygue, Sous le noyer de Saint-Paul. Jean Malrieu aimait ces "lieux-dits", et constamment le fleuve, les collines, les prairies, la forêt, ou la venelle, la place, le château, il rappelle qu'il se trouve autour de Penne ou dans Penne. Il ne décrit pas, ou si peu, tout ce qu'il dit pourtant, impressions, sentiments, pensées, se situe précisément dans cet espace "réel" et "intérieur" (il emploie les deux adjectifs), participe de sa présence ou de son mystère.