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  • "L'espace au-devant qui se trace", un poème de Daniel Martinez

    Comme un ressort ôté de toute horloge
    qui se dépenserait en tremblements soubresauts 
    menus délires et rebondissements épars
    la vie investit les lambeaux les débris et les bribes
    de nos silences qui valent autant
    que le temps immobile 
    que les gouttelettes de brouillard
    déposées sur la face cachée des liserons
    saisies au biais de l'œil
    les vents t'apportent
    en manière de musique
    la libellule d'automne près de l'eau
    du bassin qui creuse à mesure
    une entaille profonde dans l'air
    vole l'éclat bleuté de tes larmes ma belle
    et l'écho dessiné autour de nos destins
    ne dit rien moins que la pâte pauvre et mince
    alourdie des tracas comme l'éclair entrevu
    dans cette folle course après 
    la lyrique tendresse de la mort qui nous guette.


    Plus que jamais le pays reculait
    telle une lanterne sourde sur nos visages
    sa lueur immanente dévoilant
    les quatre facultés de la Nature
    tout est là qui se donne sans compter
    tu essaies de penser à chaque goutte d'eau
    chaque goutte de sang qui traverse nos veines
    ne sachant plus qu'attendre 
    ne sachant plus que dire
    quand les vents de l'esprit auront quitté
    les mille yeux de la mémoire
    et que ta main profuse surabonde
    se sera immiscée entre les lèvres du monde.

    Daniel Martinez

     

  • Décembre 1950 : Michel Manoll s'entretient avec Blaise Cendrars

    Michel Manoll : Est-ce que votre père n'avait pas fondé un hôtel à Héliopolis (ndlr : en Egypte, son nom actuel est Aîn-ech-Chams), qui était un des premiers palaces ?

    Blaise Cendrars : En effet, c'est lui qui l'avait conçu et qui l'avait fait construire vers 1890...

    Michel Manoll : Vous vous amusiez à ouvrir le robinet des salles de bains pour voir sortir, mélangés à l'eau du Nil, les petits serpents et les lézards ?

    Blaise Cendrars : L'hôtel est resté vide durant vingt ans. Il n'y avait pas de clients. Personne ne venait villégiaturer en Egypte. Le grand tourisme n'était pas encore inventé à cette époque-là.

    M.M. : Avec un père velléitaire comme le vôtre, vous avez beaucoup déménagé.

    B.C. : Bien sûr...

    M.M. : Passant de l'Egypte en Italie, puis à Paris, à Londres, tantôt dans des demeures de riches, tantôt dans des logis de pauvres...

    B.C. : Que voulez-vous ? Mon père était un inventeur. Le propre d'un inventeur, c'est d'inventer. Mon père inventait des trucs, tenez : les lettres de cristal des devantures des magasins, les premières enseignes lumineuses, le char romain qui courait sur la façade de la maison qui fait le coin de la rue Taitbout et de la rue Laffitte sur le boulevard, des appareils à sous. Il touchait à tout, il bouillonnait d'idées. C'était un fantaisiste et un impatient. Tous les problèmes l'amusaient. Il avait débuté dans la vie comme professeur de maths. Il était rigolo. A la maison, chaque porte était munie d'un dispositif qui permettait de l'ouvrir avec les pieds, et je me surprends encore aujourd'hui à vouloir ouvrir une porte avec les pieds... C'était un précurseur, mais c'était aussi un réalisateur. Il a inventé la première machine à tisser automatiquement les tapis de Smyrne, y compris le stop, cette touffe de cheveux que les ouvrières nouent au bout de leur enfilée de laine en fin de journée pour marquer la reprise de leur travail du lendemain. Il aurait dû faire fortune avec cette unique invention. Mais dès qu'il avait fait une invention, papa n'avait qu'une seule hâte, c'était d'en faire une autre, si bien qu'il n'exploitait pas la première, se dépêchant de vendre ses patentes et de liquider ses droits pour se procurer de l'argent frais et mettre au point la nouvelle invention qui lui trottait par la tête. Et c'est pourquoi il a connu tant de hauts et de bas, dont nous subissions les contrecoups à la maison sans jamais savoir au juste d'où cela venait. Alors je gagnais peu à peu la rue, au grand désespoir de maman.

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  • "WOZU : A quoi bon des poètes en un temps de manque ?", ouvrage collectif, éditions Le Soleil Noir, 20 octobre 1968, 20 €

    Dans la septième strophe de "Brot und Wein" Hölderlin écrit : "Weiss ich nicht und wozu Dichter in dürftiger Zeit ?", soit : "Je ne sais, et pourquoi des poètes en un temps de manque ?" C'est à partir de cette interrogation que 150 auteurs ou plasticiens se sont à leur tour interrogés, à leur manière, sur le devenir des poètes au regard du monde qui les porte, nolens volens... J'y ai pu retrouver notamment, comme artiste, la regrettée Shirley Carcassonne, qui continue d'accompagner les dernières livraisons de Diérèse.

    Voici ce qu'écrivit à cette occasion l'auteur Jacques Lacarrière :

     

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