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  • "Le retour et le chant", de Pierre Dhainaut, Thierry Bouchard éditeur, coll. Terre, 15 août 1981, 32 pages

    Les lecteurs fidèles de Diérèse connaissent bien Pierre Dhainaut, qui aura confié à la revue des textes depuis décembre 2001, soit à compter de son seizième numéro. Quant à Thierry Bouchard (1954-2008) mentionnons, pour mémoire, que c'est à l'âge de 20 ans qu'il acquiert sa première presse à imprimer. A l'exemple de Guy Lévis Mano, Thierry bouchard fut à la fois éditeur, imprimeur, typographe. Le voici au travail :

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    Avant de publier "Le retour et le chant", Pierre Dhainaut avait préfacé aux mêmes éditions "Lieudit" suivi du "Château" de Jean Malrieu, ouvrage que l'on ne peut se procurer à présent qu'en ligne avec le renvoi suivant : "Cet ouvrage est une réédition numérique d’un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d’origine." Bref. 

    La collection "Terre" était dirigée par Gaston Puel et Thierry Bouchard, qui justifiaient ainsi ce titre :
    "TERRE, parce que le mot scintille de plus d'un sens, que la chose a nourri tant de mythes ; parce que le mot dit le territoire, le champ, la planète, parce que, loin de nous inviter à détruire, ce grand tout ou cette infime partie reste notre seul recours, notre ultime ressource. C'est ce lieu commun que nous avons choisi comme enseigne artisanale. TERRE, quelques poètes ne désespèrent pas. G.P. et T.B.

     

     

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  • "Cyprès d'orage", de Pierre Torreilles, tiré-à-part de la revue Solaire, septembre 1975, 16 pages, 300 exemplaires

    Ce titre renvoie à un livre futur de Pierre Torreilles paru chez Gallimard en 1992 : Où se dressait le cyprès blanc. Un poète que les tenants de l'anti-lyrisme ne porteront pas aux nues, vous connaissez ma position sur le sujet (il n'y a pas un lyrisme, mais différentes formes de lyrisme, allant du "dépouillé" au "critique", avec tous les stades intermédiaires ; dans ce domaine en particulier, toute simplification entrave la compréhension plus qu'elle ne la libère. Pour reprendre l'expression de Michaux, cet "indéfiniment insaisissable" qui nous intéresse fait feu de tout bois, il est quête d'authenticité d'abord : à ce titre, il inclut bien plus qu'il exclut.
    ... Jean Orizet (in Les aventures du regard - Des poètes et le poésie, éd. Jean-Pierre Huguet, 1999) parle ainsi du poète et libraire qui nous a quittés en 2005, Pierre Torreilles, fondateur de la librairie Sauramps à Montpellier. : "A la vérité, Pierre Torreilles... est un distillateur de mots, un virtuose de la respiration et de la pause, un adorateur du verbe simple ou rare. Il y a du Valéry et du Mallarmé chez lui, mais un Valéry dont la forme serait totalement libre, ou un Mallarmé qui aurait subi l'éblouissement solaire et sensuel de la lumière grecque du Midi. Oui, la poésie de Torreilles est le chant d'un aède et d'un troubadour."

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  • "La basse-cour de la montagne" : un conte d'Eugène Savitzkaya

    J'ai déjà eu l'occasion de vous parler d'Eugène Savitzkaya, de sa poésie, avec son fameux Aigle et poisson, recueil enté de sérigraphies de Bercaval, publié par les Ateliers du Pré Nian en 1982.
    Ne pas oublier de mentionner ici sa correspondance croisée avec Hervé Guibert, parue aux éditions Gallimard en 2013 : Lettres à Eugène. Correspondance 1977-1987, livre qui regroupe les seules lettres dont Hervé Guibert ait autorisé l’édition. Un document essentiel, s'il est besoin de le souligner, où les deux auteurs se livrent sur les rapports entre la vie et l'écriture, leur interaction.
    Romancier (citons En vie, éditions de Minuit, 1995) il est aussi nouvelliste. Le conte qui suit, inédit, date de 1994, un écrit contemporain de Jérôme Bosch, Musées secrets paru la même année aux éditions Flohic.

    La basse-cour de la montagne


    Il existe sur l'île d'Elbe quelque part dans un repli du Mont Serra, un lieu invisible qui prend parfois la forme d'une habitation accueillante et sonore. En franchir la porte équivaut à passer d'un état à un autre (de l'état solide à l'état liquide ou, sans transition, à l'état gazeux) comme on traverserait, de mémoire, un pont situé dans la plus lointaine enfance ou la surface blême de l'eau. on peut dire qu'il est constitué de pierre, comme la montagne. D'air, comme la montagne. De fleurs, comme la montagne dont il est l'un des accidents. Certaine lumière le fait apparaître à intervalles incalculables. On ne peut le reconnaître que l'ayant déjà pratiqué. Lorsqu'on s'y rend, peu d'indices corroborent la certitude d'y être arrivé. Il faut en quelque sorte trouver les clés d'accès, les formules, c'est-à-dire en éprouver un grand nombre avant d'en découvrir la bonne. Comme il existe des formules d'amour pour chaque instant amoureux, des formules salvatrices pour chaque instant de vie, des formules pour appeler le bonheur, pour résister à l'usure, pour répondre au sirocco, des formules chimiques et des recettes de cuisine. C'est-à-dire qu'il faut sans cesse réinventer ce lieu et lui donner la consistance qui sied à chaque instant du jour et de la nuit. Les roses ne sont plus dans le jardin des roses mais sans le jardin des roses elles n'auraient jamais existé. Les sorbiers auraient pu disparaître mais ils ont grandi entre le mur et le ciel comme la concordance de l'azur et de la pyrite. Il y a les quatre pentes du clocher quadrangulaire comme signe tangible. Il y a la coupe pleine de la mer à portée des lèvres, avec les risées formant des cercles qui ne se referment jamais et des lignes parallèles à l'appui de fenêtre. Thomas Weczerek, le peintre roux de Capoliveri a transporté les roses dans l'église. Thomas a transporté les roses jusqu'en Chine en passant par la Perse, par brassées comme on fait avec le linge qu'il faut sans cesse lessiver. Hans Georg Berger, le photographe thaï a balayé l'église. Hans arrosa les rosiers avec des lunaisons d'eau de pluie. Des bords de l'Atlas sont venues des roses qu'il faudra nommer en hommage aux morts et aux vivants. Les roses de chaque jour sont devenues persistantes et séculaires. Voilà le lieu comme un nid d'abeilles fouisseuses et comme la très secrète multiplication des pains. Voici l'arche de Santa Caterina échouée ici à la faveur des vents.
         «Le lézard vert dit brusquement qu'il était présent et il s'avéra vivant aussi bien sur le mur crépi que parmi les buissons de sauge, cette sauge qui aurait dû nous sauver. Mais une autre créature était présente aussi, plus plate, comme écrasée par le poids des siècles, et le gecko affirma son existence pâle et bleue et il s'avéra lui aussi vivant malgré son incroyable fragilité. Un faisan vert et rouge fit contre sa glotte rouler la bille de bois et l'olivier parut dans un nimbe de brume. Ils précédèrent la sainte qui arriva en ces lieux aussi exténuée qu'une hirondelle après une migration difficile. La sainte était la première créature de cet acabit. Le lézard, le gecko et le faisan furent stupéfaits que la sainte les regarde avec des yeux autres que ceux du renard et du faucon.»

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